Cette année, The George Kaplan Conspiracy a dévoilé Recollected Memories, un album baigné d’une lumière crépusculaire porté autant sur la danse que sur la mélancolie. Après un excellent concert au Pop-Up du Label, on a retrouvé le duo au Crossroads Festival pour parler de la conception de l’album, de comment ils font évoluer leur musique en live et, forcément, de conspiration.
La Face B : Salut The George Kaplan Conspiracy, comment vous vous sentez après ce concert ?
Gabriel : C’était court mais intense. Je vois pas trop de différence sur l’état entre un concert de 1h et un concert de 30 min. J’avais envie de jouer plus mais physiquement ça fait la même chose.
Bastien : Ça va très vite. J’ai l’impression qu’on a fait 2 morceaux et c’était fini.
LFB : Justement pour vous avoir vus la semaine précédente, vos morceaux vous les retravaillez beaucoup, vous laissez plus place à l’émotion.
G : On a souvent eu cette discussion des groupes dont on écoute l’album et qui font la même chose sur scène. Moi ça me l’avait fait pour Beach House, j’étais fan et tu vas les voir en concert c’est les mêmes morceaux joués de la même manière et on ne voulait pas ça, on voulait en faire quelque chose d’un peu différent, un peu plus électronique.
B : Sur l’album on avait délibérément gardé un truc très pop et très arrangé, et le but du live c’était d’aller chercher des trucs plus électroniques qu’on aime faire aussi. Et faire traîner des morceaux, faire durer des lignes de synthé, de basse, plus les étirer que sur l’album.
LFB : Il y a une vraie incertitude, en insérant les instruments, en improvisant ça crée une espèce de tension. N’importe quoi peut arriver.
G : C’est en fait né d’une contrainte à la base parce qu’on fait tout sur ordi, les bandes sortent et on aime bien jouer de la musique en improvisant de temps en temps. Dans GK c’était hyper figé, du début à la fin du morceau et on a trouvé ça comme façon de faire pour s’éclater au milieu, d’avoir un truc hyper répétitif dans les bandes et nous on peut se lâcher un peu plus sur des trucs plus étendus.
B : Gabriel jouait dans un groupe plus pop-rock et moi aussi, et selon les soirs quand tu joues de la guitare ou de la basse je trouve que c’est plus facile que sur un synthé d’appuyer plus un truc, de le faire traîner parce que tu sens que ce soir-là il y a une tension, il y a du monde et tu peux plus facilement retranscrire une émotion directe par rapport à ce qu’on te donne et ce que tu as envie de renvoyer. Et il y a d’autres soirs où on va les jouer de façon plus lisse, sans que ce soit péjoratif, interpréter les morceaux tels quels et tout d’un coup tu reçois une énergie et tu peux la retranscrire plus facilement sur ces instruments.
LFB : Et justement c’est un gros boulot de trouver cet équilibre entre les machines et les autres instruments ?
G : Le boulot ressemble à ça, à rendre les machines un peu plus humaines et nous ne pas perdre notre humanité. Les machines, les boîtes à rythme, on leur donne du groove, on change le son et le traitement pour qu’il y ait de la vie et ça va dans le sens du live donc on essaie de le faire.
LFB : Je vais repartir sur des questions plus classiques. Est-ce que vous pouvez nous parler de la conception de Recollected Memories ?
G : Il y a quelques titres qui étaient déjà sur l’EP et qu’on a retravaillés. C’était plus du travail de studio. Le reste ça s’est fait en longtemps, oui et non parce qu’il y en a quelques uns qu’on avait commencés il y a un bail et qu’on a terminés et d’autres qu’on a fait vraiment tous les deux en studio à Dijon, on s’est enfermés pendant quelques temps et en partant d’une page blanche on s’est mis à écrire à la fois les textes et la musique, on s’envoyait des trucs après et ça s’est fait vite.
B : Ça a commencé quand Valérian, le 3ème membre, a quitté le groupe et nous on savait qu’on voulait continuer et ça voulait dire qu’il fallait refondre tout le live, tout retravailler et ça faisait un bout de temps qu’on voulait passer à l’album. Du coup on s’est dit on laisse tomber le live et on a passé un an et demi sans faire de concerts mais à bosser très très régulièrement. Mais en plus des 9 titres de l’album, il y en a encore 6 ou 7 qui sont dans les tiroirs et qui seront peut-être réutilisés plus tard.
G : On ne s’est pas posés de contrainte en écriture dans notre local mais on avait un temps imparti en studio d’enregistrement, donc on est arrivés avec de la matière qu’on avait fait avant. Et dans ce temps on a enregistré et continué d’écrire mais c’était plus le temps en studio qui était la contrainte.
LFB : Si je vous dit que pour moi, George Kaplan c’est une musique de dualité, est-ce que c’est un propos qui vous correspond bien ?
G : Je comprends je crois. C’est aussi les interviews précédentes qui nous mettent sur la piste. On a parlé du coté dansant et donc joie, fête et mélancolie de l’autre. C’est le groupe, c’est un peu ça, c’est un peu de nous aussi.
B : Ce qu’on se disait c’est que justement il y a cette forme de dualité parce que le message positif c’est plus de danser sur la tristesse que de s’apitoyer dessus. Il y a aussi pour nous la volonté de faire de la musique dansante parce que c’est des choses qu’on écoute mais on peut aussi en sortir un truc positif en se disant que la mélancolie c’est pas forcément une guitare folk et allongé tout seul dans un lit à pleurer et j’ai rien contre ça j’adore pleurer sur de la très belle musique folk. Mais des thèmes un peu plus sombres c’est aussi toute la new wave et c’est une forme de catharsis de danser là dessus. Ça va mieux pendant les 4 minutes de ce morceau, il y a une boule que tu arrives à relâcher.
LFB : C’est un peu le concept de l’album. C’est un puzzle de moments passés un peu tristes.
G : C’est ça, des douleurs qu’on essaie de soigner. Des douleurs humaines qui sont là tout le temps quoi qu’on veuille. Certains arrivent très bien à le cacher, je ne suis pas sûr qu’il y en ait beaucoup qui ne les vivent pas. Je le dis souvent, c’est universel, la douleur, donc la mettre en musique c’est pas si dénué de sens. C’est un peu l’idée de l’album, on est allés puiser dans nos souvenirs mais aussi dans des souvenirs éventuels d’autres personnes, des choses qui peuvent relier les gens. Il y a un peu de fiction.
LFB : On vous met souvent l’étiquette électro pop sur votre musique. Ce qui est assez limité par rapport à votre musique. Comment vous la définiriez ?
G : C’est surtout que j’ai l’impression que l’étiquette électro pop a très vite été collée sur des trucs un peu sucrés, un peu “faciles”, la synth pop un peu évidente, et il y en a eu beaucoup à la fin des années 2000 et c’est pour ça que tout le monde s’est mis à détester cette étiquette alors qu’il y a eu des trucs très cool dans l’électro pop comme Metronomy qui a encore sorti un album aujourd’hui. Nous on dit pop électronique.
B : C’était le concept du groupe au début, si on avait pris l’étiquette de George Kaplan, c’était parce que le personnage dans La Mort Aux Trousses, il n’existe pas. Et il y avait cette idée de pouvoir balayer très très large et piocher dans plein de styles différents sans se mettre de contraintes.
Au début on voulait faire encore plus large, avoir des morceaux très psychés, d’autres très rocks ou très électroniques et très vite on a trouvé des sonorités dans lesquelles on arrivait à s’épanouir et se comprendre et écrire ensemble. Donc il y a eu cette connexion avec les synthés, les boîtes à rythme et la voix de Gabriel, mais on a toujours voulu garder cette idée de piocher plein de trucs à droite à gauche et le dernier morceau de l’album qui est une outro instrumentale pour le coup très très influencée Pink Floyd, AIR... et qui n’a rien à voir avec le premier morceau qui est disco, électronique, dark… Mais c’est volontaire et je pense qu’on va continuer, en espérant qu’il y ait quand même une trame ou un fil rouge qui se dessine au fil du temps.
LFB : Après, la trame tu peux la trouver dans les paroles.
B : Oui par exemple, ou la voix de Gabriel. Il n’osera peut-être pas le dire lui-même mais je trouve qu’il a une voix assez singulière et un timbre assez particulier qui fait que quand j’écoute nos morceaux, c’est un des trucs qui fait qu’on se dit “ah bah c’est George Kaplan”.
LFB : Si je vous dis que j’ai pensé à Donna Summer sur les deux premiers titres, vous prenez ça comme un compliment ?
Ensemble : Bien sûr, carrément.
LFB: Son album Bad Girls, dans certaines intonations.
G : C’est un peu la période où on écoutait ça.
B : C’est des trucs qu’on écoute beaucoup. Beaucoup de disco mais en plus quand les synthés commencent à arriver, les arpeggiators, tout ces trucs là, on adore. Et d’ailleurs quand on fait des DJ-sets c’est par ça qu’on commence. C’est soit par les grands classiques, soit des edits, soit des remixs de cette époque-là. Tous les Moroder, tous ces trucs là c’est à fond. On le prend comme un compliment.
LFB : Est-ce qu’il y a des choses que vous aimeriez voler à l’autre ?
G : Sa ES-335. (rires)
B : Son jeu de piano. Je ne sais pas délier main gauche et main droite, ou à peine.
LFB : Est-ce que vous avez des coups de cœur récents ?
B : On a écouté le dernier album de Metronomy ce matin, et c’est quel morceau que j’ai trouvé vraiment trop cool ? Etienne disait que ça ressemblait à du Rone.
G : Je n’arrive pas trop à avoir un avis pour l’instant. Il y a un morceau que j’ai adoré et il y en a d’autres que je n’aime pas trop.
B : C’est Lying low que j’aime beaucoup. Autrement c’est pas récent mais on s’est ré-écoutés l’album Big Sun de Chassol tous les deux et on s’est dit que c’est quand même une tuerie.
G : En ce moment j’écoute beaucoup des voix graves comme Richard Hawley, rien de très récent mais je me prends des grosses claques avec ça.
B : Autrement, en série, Tchernobyl. Et Years and years c’est assez incroyable. Une espèce de dystopie mais très très proche. C’est super bien fait, bien réalisé, ça joue hyper bien. Et autre Dégage, le groupe de Reims. C’est des potes on a joué avec eux au Pop Up et on a hâte qu’ils sortent des titres.
LFB : Dernière question: est-ce qu’il y a une conspiration à laquelle vous pourriez croire ?
G : est-ce qu’on est vraiment allés sur la lune ? (rires)
B : Moi je crois que beaucoup de jeux mobiles sont truqués pour te faire dépenser de l’argent et je pense qu’ils font exprès de te faire perdre et de te frustrer au pire moment pour te faire dépenser de la thune. Mais c’est une conspiration pas très grave.