The George Kaplan Conspiracy : « On imagine beaucoup la voix comme un instrument parmi les autres »

On a rencontré Bastien de The George Kaplan Conspiracy la veille de leur date complète au Hasard Ludique. L’occasion d’évoquer avec lui la construction de Polychromatic, l’évolution du duo et l’importance de faire une musique qui parle et qui transmet des émotions.

LFB : Comment ça va ?

The George Kaplan Conspiracy : Bien et toi ?

LFB : Ça va bien. Tu es content que votre concert de demain soit complet ?

The George Kaplan Conspiracy : Je suis hyper content parce que ça fait longtemps qu’on n’a pas joué à Paris. C’est un réel plaisir d’organiser une soirée à notre nom à Paris. On est trop content que Ouai Stéphane soit là parce que c’est lui qui a mixé l’album et c’est un pote. On adore ce qu’il fait. Et très content de faire ça au Hasard Ludique. On en reparlera après le concert demain mais à priori, tout devrait bien se passer et ça devrait être assez rigolo.

LFB : La première chose dont je voulais te parler, c’est la pochette de l’album qui est une référence claire à celle du premier. J’ai l’impression qu’elle met un élément qui était déjà important avant mais qui l’est toujours autant, c’est le rapport aux souvenirs, à la mémoire et à ce qu’elle peut nous apporter.

The George Kaplan Conspiracy : Carrément. C’est un clin d’oeil à la pochette de Recollected Memories. Il y avait aussi cette volonté, comme sur le premier, via le découpage d’amener un truc un peu abstrait, un peu surréaliste. Il y a cette envie d’amener un objet flottant, décontextualisé. Un truc très graphique, très minimaliste, abstrait,  qui du coup, évoque un petit peu la nostalgie et pose des questions. C’est vrai que c’est un truc qu’on retrouve dans tous nos morceaux mais je ne trouve pas que ça soit une nostalgie triste ou hyper mélancolique. Il y a forcément un petit peu de mélancolie mais c’est une mélancolie dans laquelle on se laisse aller un petit peu. Je ne le vois pas comme un truc badant.

C’est plus un truc réconfortant parce que les souvenirs sont toujours plus beaux. Je ne sais pas, si on se souvient de vacances à la plage, on va se souvenir de la lumière qu’il y avait ce jour-là, de la chaleur, des bruits. On va oublier le fait qu’il y avait peut-être un petit trop de vent, on va oublier le fait que l’eau était froide. On va oublier tous les détails un peu moins cool de la journée. Forcément, les souvenirs, on garde ce qu’on en veut. Mais c’est vrai que c’est une part importante et de nos visuels, et de l’écriture de nos morceaux et de l’énergie qu’on essaie de dégager. Mais de notre point de vue, on ne le ressent pas comme un truc plombant. C’est plus un truc dans lequel on se love un petit peu et qui nous permet d’avancer.

LFB : Mais c’est aussi un élément qui va aussi dans vos titres d’album. On était sur Recollected Memories sur le premier, il y eu aussi OK FUTURE qui est aussi malgré tout une question de temps. Et là, on est sur Polychromatic qui, à première vue, ne parle pas forcément de ça mais il y a aussi cette idée d’éclatement. Quelque chose de polychrome, c’est un mélange de couleur et d’éléments. On repart aussi sur cette idée de rassembler les choses pour former un tout.

The George Kaplan Conspiracy : Exactement. Il y a des paroles dans l’album qui font référence à ça, au fait de se sentir monochromatique, de se sentir un petit peu coincé dans quelque chose. Et de réussir à s’en sortir et comme tu le dis, aller puiser à droite et à gauche, dans ses souvenirs, dans le présent, dans ce qu’on attend du futur. Essayer d’utiliser tout ça et d’en faire un truc cohérent pour la suite. OK FUTURE, c’était plus un truc où on sortait du Covid, on avait besoin de sortir un EP rapidement personnellement. Juste mentalement pour se dire qu’on faisait de la musique et qu’on existait. Qu’il y avait quand même quelque chose qui nous faisait plaisir à ce moment-là. C’était plus un pied de nez au futur qui paraissait bien gris et dire ok, vas y on t’attend, quoi qu’il arrive on est là et on n’a pas prévu de s’arrêter là.

LFB : Je trouve que Polychromatic, ça colle bien aussi à ce qui est proposé dans l’album parce qu’il développe plusieurs styles musicaux mais qui développe aussi plusieurs émotions et sensations, parfois dans un même morceau.

The George Kaplan Conspiracy : Carrément. Le nom, c’était évidemment ça, c’était de continuer à mélanger des influences et de continuer à faire de la musique qui, pour moi, sonne comme du George Kaplan dans les choix de sonorités, de construction des morceaux. La voix de Gabriel quand même qui revient et qu’on reconnaît. Mais tout en allant chercher à droite et à gauche. Ce n’est pas forcément évident à faire parce qu’on écoute de la techno d’il y a quarante ans, de la techno d’aujourd’hui, de la house, de l’électro, de la bossa nova, de la pop,… On écoute tout style.

Au moment où on essaie de digérer ça pour faire des morceaux, ça fait des morceaux qui vont partir dans tous les sens. Mais pas à notre sens. On y trouve quand même une cohérence. C’est aussi pour ça qu’à la fin, il y a Stéphane qui vient mettre le nez dedans pour essayer de ramener de la cohérence entre les morceaux, en rabotant un peu certains angles pour essayer de trouver des mécanismes qui font que les morceaux sonnent quand même comme un tout.

LFB : Pour moi, il y a un exemple assez parfait dans tout ça. C’est le morceau Dreamy Simphony par exemple qui est l’un des morceaux les plus longs de l’album et qui est intéressant parce qu’il condense bien tout ça. Je trouve que le titre du morceau n’est pas un hasard puisqu’il y a une vraie histoire qui se déroule sur le morceau. Tu as vraiment cette idée de plusieurs étapes et donc de plusieurs chapitres, avec à chaque fois des émotions et un style musical qui est en évolution permanente.

The George Kaplan Conspiracy : Oui, clairement. D’ailleurs, j’étais trop content que Madibé Cissé qui s’appelle Brighton CW sur Instagram nous fasse le clip. Pour ce morceau-là, on était partis de la théorie de la dérive de Guy Debord. Ça fait un peu intello mais ça ne l’est pas tant que ça. L’idée, c’est juste dans une ville, de savoir se perdre, de ne pas suivre d’indications et juste se repérer au sensoriel. C’est un truc hyper cool à faire dans une ville que tu ne connais pas, de se laisser attirer. Tourner à droite parce que d’un coup, il y a une lumière qui à l’air jolie, tourner à gauche parce qu’il y a une odeur qui attire. Ou un son. Du coup, il a fait un clip autour de Paris, que je trouve sublime, toutes les idées qu’on a mises dans le morceau.

Dans le sens où Paris, il y a ce truc-là aussi. Paris, ça peut être aussi beau que moche, intéressant que plat, vivant que mort… Du coup, dans son clip, on voit des scènes en boite de nuit avec des gens qui se roulent des pelles, on voit des bagarres, des keufs, des manifs, des gens qui galèrent dans la rue, d’autres qui kiffent dans la rue et qui dansent en plein de soleil. Du coup, la musique suit un petit peu ce truc où elle va prendre des virages et continuer à avancer. Il y a une espèce de rail mais les couleurs changent un petit peu toutes les minutes.

Ça monte en intensité, ça redescend, ça change de couleur. Ce qui est très électronique se retrouve d’un coup avec une énorme guitare réverbérée. Après, ça part très acide, presque UK années 90. J’espère avec un fil rouge qui fait qu’on ne se demande pas où on les amène et que ce n’est pas trop chaotique non plus.

LFB : C’est marrant que tu parles de l’idée sensorielle parce qu’à l’écoute de l’album, j’ai vraiment l’impression que c’est une espèce d’album d’effluves. Chaque morceau a un peu une aura particulière qui se développe quand tu l’écoutes.

The George Kaplan Conspiracy : Trop bien. Je trouve que c’est un méga compliment justement que la musique évoque autre chose que juste écouter la musique en soi. Que ça évoque des effluves, de l’image, du sensoriel. C’est le but aussi. C’est un truc qui marche vachement pour nous quand on en a discuté en studio. On parle évidemment en termes musicaux ou de production, de trucs comme ça mais on parle aussi beaucoup avec des références d’images, de souvenirs, de choses qu’on a pu vivre ensemble, de géographie. Il faut s’imaginer qu’on est sur l’autoroute en Allemagne, en train de rouler à telle vitesse. Ou là au contraire, il faut s’imaginer qu’on est allongés à l’avant d’un bateau dans la mer adriatique. Ce sont des trucs qu’on utilise vachement quand on fait de la musique ensemble pour s’évoquer des couleurs qui vont se retranscrire musicalement derrière.

LFB : Ce qui est cool aussi, c’est que c’est un album qui pousse énormément à l’imagination pour les personnes qui l’écoutent. Tu disais qu’il y a vraiment des différences. Je trouve qu’il y a un travail assez fou qui a été fait pour trouver une cohérence du début à la fin, que chaque morceau même s’il est unique trouve sa place dans une espèce de sens commun et dans une globalité.

The George Kaplan Conspiracy : Trop bien. Ce n’est pas un truc qui nous fait peur mais quand on compose l’album, il y a des morceaux qui ont deux ans et demi, d’autres un an. Certains ont été composés chez moi et ensuite je les amène à Gabriel. D’autres, c’est Gabriel qui les fait. Certains on a fini à Dijon, d’autres à la campagne. Donc du coup, il n’y a pas forcément un rapport de temps commun à chaque morceau. C’est cool qu’à la fin, il y ait quand même ce côté je ne peux pas dire melting pop mais mélange de style, de genre, voyage dans plein de styles différents. Mais où on se dit que c’est un album cohérent du début jusqu’à la fin. Les neuf titres tiennent la route ensemble et racontent une histoire cohérente. Mais tout comme dans un film, tu peux avoir deux passages. Il y a plein de films qui vont à la moitié changer drastiquement. Passer de la couleur au noir et blanc, passer d’un lieu unique à un truc hyper éclaté ou on va carrément suivre un autre personnage. Mais ça reste cohérent, ça reste la même ADN.

LFB : La dernière fois qu’on avait fait une interview, on avait beaucoup parlé de dualité. Je trouve qu’il y a une espèce de nouvelle dualité qui se forme dans cet album, c’est l’équilibre à chercher entre les morceaux chantés et les morceaux instrumentaux. Je trouve qu’il y a beaucoup plus de morceaux instrumentaux.

The George Kaplan Conspiracy : Ouais, il y a plus de morceaux instrumentaux et il y a plus de plages instrumentales aussi que sur l’album précédent. Je pense que ça vient aussi peut-être des musiques qu’on a écoutées ces dernières années. On a écouté beaucoup plus de musiques électroniques instrumentales. En fait, on s’en foutait un petit peu de répondre à des codes de couplet/refrain et de savoir si les morceaux étaient taillés radio ou pas. On s’est dit qu’on faisait un album comme on avait envie de le faire. Personne ne nous attend au tournant donc on fait ce qu’on veut. Il faut bien que ça ait des avantages. Après, ce n’est pas une question qu’on s’est foncièrement posée, à essayer de trouver un équilibre entre les deux

On imagine beaucoup la voix comme un instrument parmi les autres. C’est pour ça que la voix n’est pas toujours dans le mix super fort devant. On ne fait pas de la variété. Je n’ai rien contre la variété mais ce n’est pas le même propos. On n’a pas forcément prêté attention. C’est un constat qu’on a fait après mais pour nous, ce n’était pas un truc à redresser, à se dire attention. On se pose à chaque fois la question de si ça apporte quelque chose, est-ce que c’est nécessaire. Parfois, il y avait la voix et on a fini par la jarter parce qu’on se disait qu’en fait, ça n’avait pas besoin d’être là et le morceau se tenait. Par contre, là il fallait qu’il y en ait. C’est un instrument parmi les autres pour nous. Je dis ça mais ce n’est pas vrai parce qu’une voix a forcément…

Les gens s’accrochent à la voix, aux paroles. Il y a forcément une attention plus particulière donnée à la voix pour l’auditeur. Mais nous, ce n’était pas un exercice de se dire qu’il fallait absolument qu’il y ait de la voix partout. Qu’il fallait absolument qu’il y ait des refrains accrocheurs.

LFB : Il y a quand même deux trucs qui sont importants. Dans les morceaux instrumentaux, je trouve que ce sont les morceaux qui « parlent » aussi. Je trouve que le rendu émotionnel est poussé de telle manière que tu sens ce que les morceaux veulent dire sans qu’il n’y ait forcément.. C’est comme un film muet.

The George Kaplan Conspiracy : Carrément. Comme un film muet, à partir du moment où il n’y a pas de voix… Le truc, c’est que quand il y a de la voix, je pense que 90% des auditeurs vont vers la voix. Ce n’est pas un truc snob parce que moi le premier. Mais quand tu as de la voix, ton oreille va vers la voix parce que c’est un élément que tu connais, c’est un timbre auquel tu es habitué, tu vas écouter ce qui est raconté. Le fait qu’il n’y en ait pas fait que ton cerveau se balade un peu plus au sein du morceau, et va plus se laisser surprendre ou se laisser captiver par d’autres éléments. Alors que dans un morceau avec voix, tu vas écouter l’instrumentation à la deuxième, troisième ou quatrième écoute.

On revient sur un truc un peu sensoriel des morceaux de tout à l’heure mais ça fait trop plaisir que tu dises ça. Justement Dreamy Simphony, c’est parti de la théorie de la dérive de Guy Debord et pour nous, il a du sens, il a un texte ou en tout cas un sous-texte. Il raconte une histoire et pour nous, chaque passage est écrit comme s’il y avait un couplet dedans ou un refrain ou un pont. Pour nous, les émotions sont écrites au moment où on est en train de produire, composer ou mixer le morceau. On pourrait quasiment écrire des paroles dessus ou en tout cas, une note d’intention pour chaque passage. Le but, c’est que les gens le ressentent. Qu’il y a une histoire sur l’intro, sur l’outro aussi, sur Marco’s Last Flight.

Pour moi, on est en avion sur l’Adriatique, c’est Porco Rosso, c’est son dernier vol avant la mort et il est prêt à accepter son destin et retrouver son pote dans les nuages. Pour moi, j’ai envie que les gens quand ils écoutent le morceau… qu’on ai la ref ou pas, mais j’ai envie qu’ils aient cette apesanteur, qu’ils aient ce sentiment que nous on avait quand on l’a écrit, même si on n’a pas mis de texte dessus.

LFB : À l’opposé, dans le texte, ce que je trouve intéressant, c’est qu’il y a cette idée de boucle sur cet album plus que sur le précédent, et de mots qui se répètent pour faire évoluer la chose ou pour revenir en arrière. Je trouve qu’il y a cette idée de dialogue intérieur dans la façon dont les textes sont créés.

The George Kaplan Conspiracy : Trop bien. C’est pareil, c’est un truc qui n’est pas du tout de la fainéantise quand on écrit peu de texte sur un morceau. Parce qu’il y a des morceaux qui ont vraiment des histoires. Through The Viewfinder, il y a une vraie histoire écrite du début jusqu’à la fin. Les morceaux où il y a moins de texte, c’est vraiment une volonté un petit peu comme sur les morceaux instrumentaux. Nous, on a écrit notre histoire mais on va la raconter avec peu de mots. Les gens après se projettent ou non dedans. L’idée, c’est qu’elle puisse raconter des histoires différentes pour tout le monde. Après, il y a le sous-texte musical qui va orienter et laisser un peu sous-entendre vers où nous on veut aller.

Par exemple, sur notre morceau le plus écouté qui est Again, on a très régulièrement des retours de gens et d’à quel moment ils l’ont écouté dans leur vie et ce que ça veut dire pour eux quand ils entendent ça. Ce sont des histoires complètement différentes, des histoires qui nous font méga chaud au coeur, qui font trop plaisir. On a rencontré une fille à Angoulême une fois qui nous a dit qu’elle avait plus ou moins fait son coming-out sur ce morceau-là avec l’une de ses meilleures potes où elles se sont rendues compte qu’elles étaient folles amoureuses. Elle disait que ce morceau, c’est l’histoire d’enfin aller la voir et oser lui dire. Elle me disait que trois ans plus tard, elles étaient encore ensemble.

Au moment où elle nous a raconté l’histoire, j’avais trop envie de chialer. Putain, si tu savais dans le contexte où nous on l’a composé, c’est trop bien de savoir que ce truc a voyagé. Que des gens vivent des trucs comme ça sur nos morceaux, c’est trop bien. D’où cette idée parfois de donner certains éléments mais après les gens se l’approprient et se racontent l’histoire avec. C’est le cas un petit peu de Someone. Par exemple, où il y a une bribe de morceaux où on sent qu’il y a une histoire mais on ne donne pas toutes les clés. Le but, c’est justement que les gens l’écoutent et que ça les accompagne sur leurs moments de vie.

LFB : Tu peux dire beaucoup de choses avec trois lignes de texte. C’était le cas avec Again et avec les morceaux de l’album, en restant volontairement flou et en laissant quelques clés de compréhension mais sans plus, ça permet aux gens de faire travailler leur imagination et de laisser aux morceaux l’idée de dire ce que eux veulent entendre.

The George Kaplan Conspiracy : Ouais, bien sûr. Que les gens projettent leur histoire dans la notre. Je ne sais pas quelle serait la bonne analogie mais on pose un tapis, on donne des clés mais après, on vous laisse conduire le bolide et en faire ce que vous voulez pour vous raconter votre propre histoire. On ne fait pas ça pour essayer de toucher le public le plus large possible et que ce soit les chansons dont tu es le héros, mais plus un truc où je trouve ça cool de ne pas imposer notre histoire. Il y a des morceaux où on raconte une histoire de A à Z mais il y en a où notre histoire est là en sous-texte mais on peut se raconter un petit peu ce qu’on veut dessus.

LFB : Il y a des artistes qui ont beaucoup de mal à se détacher du fait que comme le morceau est une part d’eux, ça doit rester. Ce que j’aime bien, c’est que tu peux prendre l’album de plein de manières différentes parce qu’il est produit de telle manière à ce qu’il soit hyper divertissant et il peut te faire danser, mais aussi te pousser à la réflexion. Il y a vraiment cette idée de laisser la matière dans les mains et les oreilles de la personne qui va l’écouter.

The George Kaplan Conspiracy : Carrément, c’est le but. Si c’est perçu comme ça, c’est trop bien.

LFB : Malgré tout, pour moi, il y a deux morceaux qui sont un peu à part et qui font référence à la pop culture : Marco’s Last Flight et Bare Knuckle que j’aime beaucoup.

The George Kaplan Conspiracy : Il tranche un peu, et en live, il tranche encore plus. En live, il est sous amphétamine et il est encore plus énervé. Mais ce sont des trucs qui se sont forcément posés. Pour nous, Marco’s Last Flight, c’est l’amour de la Library music, de Frank Maston, de plein de trucs 60s’. C’est le dernier morceau de l’album et c’était une référence à Porco Rosso donc c’est toujours bien. Je ne sais pas, c’était un truc un peu léger sur lequel on finit l’album, une espèce de petite envolée et on se retrouvera dans je ne sais combien de temps. Bare Knuckle, c’est un truc un petit peu plus bas du front, qui tire vers du Soulwax ou du Deewee, peut être du Bolis Pupul. Cette espèce de son un peu plus trituré mais qui fait partie des trucs qu’on écoute régulièrement. Ça n’a pas du tout le côté pop de George Kaplan habituellement mais c’est un truc qui fait partie de nous. Il y a deux autres morceaux beaucoup plus dark qui n’ont pas fini sur l’album, qu’on sortira peut-être en one shot. C’est encore ce truc peut-être pas de dualité mais de faire de la pop et en même temps à côté de ça, faire des morceaux électroniques de 10 minutes, instrumentaux et hyper mentaux.

LFB : Bare Knuckle, sur le reste de l’album tu as toujours cette recherche d’égalité entre les éléments plus organiques et les éléments plus électroniques. Alors que celui-là, il pousse vraiment le curseur sur un truc très…

The George Kaplan Conspiracy : Ouais, et Marco’s Last Flight à l’inverse pousse le curseur vers l’organique. Ce sont les deux extrêmes de l’album peut-être. Je ne sais pas, c’est comme ça.

LFB : Vous avez tous les deux des projets solo. Je me demandais ce que les éléments musicales et ce que vous vous autorisez à faire en dehors de George Kaplan apportais au projet.

The George Kaplan Conspiracy : Je ne sais pas, c’est un peu dur à quantifier. Ce que ça a apporté, c’est sûr, c’est de la fraicheur parce que lui comme moi, on kiffe faire de la musique ensemble. Avec Gabriel, on se connaît depuis presque vingt ans et on fait de la musique ensemble depuis pas loin de dix ans. Je pense que c’est bien aussi d’expérimenter d’autres groupes, d’autres façons de faire. Ça nourrit aussi. Je joue avec Léo Blomov, je joue de la guitare, ça me fait bosser la guitare jazz, la bossa nova. Ça me fait rejouer dans un groupe full organique, basse, guitare, batterie, clavier, chant, percu. Ce qui est un kiff de ouf parce que j’adore ses morceaux, c’est trop bien jouer. Dans Azurine, je joue avec Mattheo qui lui joue en live avec Boston Bun avec Pépite, avec pleins de trucs. C’est un musicien de ouf et un producteur hyper talentueux.

Du coup, je ne sais pas, c’est plein de petits trucs qu’on va aller choper chez d’autres gens aussi et que du coup, on ramène dans George Kaplan. Mais après, que ce soit moi ou Gabriel, on connaît tous les autres gens avec qui l’un ou l’autre va faire des projets. Du coup, quand on se retrouve, c’est juste le plaisir de se dire : ah au fait, c’était comment le concert avec untel ? Ça apporte du dynamisme et des idées. Bosser avec d’autres gens, ça peut remettre en question certains trucs, certains morceaux. Tous les morceaux, on les a fait écouter à nos potes en question, avec qui on fait d’autres projets. Du coup, ce sont des retours, des idées. Parfois, ce sont des trucs très concrets sur la façon de faire un son, la façon de mixer, de produire un truc. Mais de manière générale, je pense que c’est juste aussi, tout comme dans George Kaplan, on aime bien faire plein de styles, à une échelle plus macro, on a aussi besoin de bosser avec d’autres gens, de bosser d’autres styles. Et ce sont des dynamiques différentes.

Dans George Kaplan, c’est Gabriel et moi à fond. On fait les visuels, on fait quasiment tous nos clips, on fait beaucoup de choses. Dans Léo, je suis le guitariste du live. Après Léo c’est un pote donc il me fait écouter les démos, les versions studio, je donne mon avis. On a un autre projet ensemble qui va surement sortir bientôt. Mais j’ai aussi d’autres rôles et ça fait du bien aussi d’avoir des fois des trucs comme ça où ce n’est pas à moi de m’occuper de tout l’admin toute la journée pour tel ou tel groupe. Je viens juste sur tel concert faire ma partie de guitare, me marrer et repartir chez moi. J’ai un petit peu moins de responsabilités et ça fait du bien aussi.

LFB : Ça permet de relâcher la pression tout en restant créatif.

The George Kaplan Conspiracy : Exactement. C’est aussi un truc de nourrir la créativité. J’ai 37 ans et chez Léo Blomov, c’est dix ans de moins que moi la moyenne d’âge. Mais après, je ne le ressens pas parce qu’on s’entend trop bien, ils ont une culture musicale de ouf, ills sont tous trop sympa, trop intelligents, ce sont des gens en or. Mais c’est cool aussi d’être au contact d’autres gens, de gens qui écoutent d’autres styles de musiques. Le batteur de Léo par exemple, il écoute énormément de rap et de hip hop. Lui, c’est un petit peu ma caution sur ce que je dois écouter, sur les derniers trucs qui sont sortis. C’est ça qui est cool aussi dans ton noyau de pote, des gens qui vont t’amener vers des choses vers lesquelles toi tu ne vas pas naturellement et qui te confrontent, te travaillent un petit peu. C’est chiant d’avoir que des potes qui sont tout le temps d’accord avec toi et qui écoutent la même chose. C’est le reproche que je ferais à Spotify qui, quand tu l’ouvres, va toujours te lover dans un truc que tu connais et que tu aimes. Ouais, je pense que c’est ça, de la fraîcheur et de la créativité. Ça fait du bien de fréquenter plein de gens.

LFB : La dernière fois, on avait parlé de conspiration et tu m’avais dit que ta conspiration à toi, c’était que les jeux vidéos étaient truqués pour faire dépenser de l’argent. Ce qui a été prouvé d’ailleurs depuis. Du coup, ça fait quoi d’avoir raison dans ta conspiration ?

The George Kaplan Conspiracy : Je suis trop content mais ça se vérifie encore de jour en jour. Mais ça y est, maintenant, c’est devenu officiel. Ils appellent ça les free-to-play, évidemment que tu es poussé à acheter. Avoir raison sur une conspiration aussi peu « grave », ça ne me dérange pas. Je ne suis pas trop conspirationniste donc je n’ai pas trop d’autre conspiration à plus grande échelle. J’espère juste qu’on pourra se ré-interviewer dans cinq ans et qu’il n’y aura pas eu de troisième guerre mondiale et de Covid-40 d’ici-là. J’espère que le monde va tenir jusque-là.

LFB : Est-ce que tu as des choses récentes qui t’ont plues ou marquées ?

The George Kaplan Conspiracy : En BD, il faut absolument lire TiensTiens, qui a écris KoKo n’aime pas le capitalisme et plus récemment Situations. Pour moi, ce sont deux BD incroyables remplies de références pop-culture, beaucoup, beaucoup de politique. Un dessin trop bien fait, un trait hyper cool. Ça se sont mes deux reco BD. Il a aussi fait des trucs avec wikihowmuseum. Il y a Salomé Lahoche qui fait de la BD, qui en a sorti une qui est trop bien, j’ai oublié le nom. En cinéma, je dois avouer que je n’y suis pas trop allé. Si, j’ai vu La zone d’intérêt mais ça ne m’a pas marqué plus que ça, donc non. En musique, Obsimo, un bordelais exilé à Bruxelles qui fait de la musique électronique. Il a sorti un EP récemment. Il a aussi fait un remix pour Inigo Montoya qui est hyper beau.

Photos : Caroline Landré
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