The Loop, le cercle vertueux à l’ancienne de Jordan Rakei

Après près dix années d’activité et de loyaux services au sein d’une scène londonienne en fusion, l’australien Jordan Rakei sort en ce mois de mai son cinquième album : The Loop. Entre une volonté de retourner à des influences et méthodes de production plus sobres et traditionnelles, un focus sur des paroles intimistes, voire introspectives, et un accent prononcé sur la voix du producteur, ce nouvel opus est chargé en nouveautés. Un album notamment marqué par la paternité récente du chanteur et les questionnements concernant sa place dans notre monde qui fait alors basculer sa musique dans une toute nouvelle dimension.

Malgré tout son talent de composition et son intérêt tout particulier pour la production, Jordan Rakei est souvent rattaché à l’utilisation de sa voix. Cette dernière étant éminemment versatile et mettant en avant une certaine douceur qui se caractérise par un vibrato à la fois stable et vibrant. C’est cette habilité vocale qui va être mise au premier rang au sein de The Loop. Un rôle de chanteur que l’australien assume enfin pleinement pour ériger une œuvre ayant comme support premier cette même voix.

On retrouve pour supporter cette ambition une musique composée d’une manière résolument old-school. On ne retrouve que très peu d’éléments synthétiques venant orner les travaux constituant The Loop. Les treize morceaux composant ce nouvel album sont des compositions entièrement pensées d’un point de vue acoustique, écrits, arrangés et enregistrés en tant que tel. C’est dans cette optique qu’on retrouve des titres comme Trust ou encore l’outro de State of Mind qui sont très joueurs, qui dégagent une réelle énergie et une synergie forte. Cette osmose vient notamment du fait que le disque fût enregistré avec un groupe défini et qui a persisté pendant tout le processus de création. 

Cette atmosphère est par ailleurs soutenue par une section harmonique orchestrale très bien arrangée et dirigée qui permet de donner une toute autre dimension aux morceaux de The Loop. L’un des exemples les plus marquants étant sûrement la magnifique piste Hope and Dreams qui est clairement un titre fait pour être joué en compagnie d’une section orchestrale. C’est précisément toute cette dimension acoustique et orchestrale qui donne à ce nouvel album un cachet qui nous renvoie à des artistes comme Stevie Wonder ou encore J.Dila. Des forces créatrices à l’origine d’œuvres témoins d’une certaine époque, mais qui restent pourtant intemporelles. 

Cette volonté d’une instrumentation moins ancrée dans nos codes de production actuels est accompagnée d’une volonté d’exprimer des sentiments et des considérations plus personnelles. C’est en ce sens que The Loop prend un tournant résolument intimiste qui pousse Jordan Rakei à exprimer des propos l’amenant à sortir d’une certaine zone de confort en termes d’écriture. On peut particulièrement mettre en avant le thème de sa récente paternité qui parcourt toute une partie du disque et qui constitue une certaine ouverture émotionnelle, à la fois juste et subtile. 

En parvenant à digérer et mixer de nombreuses influences variées voire parfois contraires, Jordan Rakei nous offre avec The Loop un cinquième album plein de maturité et d’ambition. Avec une petite heure au compteur, l’australien parvient à poser une ambiance qui se module entre des morceaux joueurs et d’autres bien plus doux et introspectifs. En assumant plus son rôle de chanteur, ce dernier démontre une capacité de se renouveler qui, alliée à une méthode de production bien moins synthétique, plus orientée vers le passé, constitue une pièce de musique forte et enivrante.