Ce concert, qui devait initialement se tenir quelques jours plus tôt, était attendu avec une vive impatience. Et la Maroquinerie était comble, pour accueillir The Psychotic Monks, à l’occasion de la sortie de leur nouvel album : Pink Colour Surgery. Un moment d’extase, d’osmose, de partage. Retour.
Ce lundi 10 avril, le temps n’est pas vraiment avec nous. La pluie s’abat sur la capitale et le vent rugit. C’est donc à l’abri des intempéries, dans le hall de la Maro’ que je me réfugie, avec mon acolyte photographe afin de revoir ce groupe que j’aime tant.
The Psychotics Monks en concert, c’est l’assurance de se prendre une claque, à chaque fois. Alors évidemment, cette date était inscrite dans mon agenda depuis déjà de nombreux mois. Et malgré le report qui n’était pas pour arranger mes copaines et moi, j’étais là. J’ai sauté dans un train lillois et j’ai couru vers une de mes salles parisiennes préférées.
Première partie : Ok Plague
Devant la scène, comme d’habitude. Mon acolyte photographe me parle de la première partie qu’elle a déjà vu une fois, décrivant la musique comme un mélange d’électro et de punk, avec une femme qui prend comme terrain de jeu la fosse. Okay, je suis intriguée. En prélude, débarque alors face à nous une personne affublée d’un masque d’oiseau. Un brin horrifique, un brin énigmatique. Elle prend possession de l’espace, se rapprochant des photographes, prenant la pose, avant de déambuler au sein du public. Sur Instagram, on peut lire qu’elle se décrit comme une « chimère hormonale post-nihiliste hyper-érotique technomagique ». Tout est dit.
Puis débarque cette femme en tenue de catch (syql0ne sur instagram), qui saute déjà partout, accompagnée de Marc Lebruit à la batterie (Unschooling). Ils sont deux et nous prodiguent un show énergique et puissant. Et en effet, elle vient dans la fosse, se mêlant aux pogos, s’allongeant par terre, prenant à parti le public : « do you love me ? » et cet homme de rétorquer : » yes I love you ! »
L’anxieuse sociale que je suis a du mal à suivre, surtout quand elle se rapproche dangereusement de moi avec son micro et qu’elle me serre la main, pour finalement vite l’enlever.
Le président en prendra également pour son grade avec de rugissants : « Macron explosion, Macron démission ». La fosse est surexcitée par cette formation originale, où le phrasé de Syql0ne se mêle à la batterie tonitruante de Marc.
Ok Plague alterne, entre techno assourdissante et drum’n’bass euphorisante.
The Psychotic Monks
J’ai vu mon amie pleurer et senti des gens bouleversés. J’ai frôlé de nombreuses affiches roses roulées et aperçu des vinyles sous le bras. Puis, mon sourire s’est dessiné à la vue d’une terrasse pleine à craquer après ce concert mémorable. Finalement, j’ai recueilli des confidences et senti gonfler cette sororité. Et The Psychotic Monks ont créé tout ça. Les mains gauches, le cœur qui bat trop vite, les pensées qui affluent par centaine, la peur, l’explosion, le vide, la joie, la tristesse, l’arrêt vital.
Reprenons du début. J’ai hâte de les revoir. J’ai hâte et j’ai peur. Car quand les salles sont pleines, alors les comportements dévient, et l’irrespect devient la règle. Mes doutes se sont vite dissipés. Car en préambule, Martin prend la parole et demande à la foule de faire attention les un.e.s aux autres. Une parole bien trop rare dans le milieu musical. Merci les Monks.
Paul, vêtu de son ensemble vert canard préféré et de ses Buffalo plateforme siège derrière son synthétiseur modulaire, nous préparant à un set des plus spectaculaires. Clément à la batterie est également derrière son synthé. Des mots se détachent, Enough, Enough…
Les Psychotic Monks enchaînent tout de suite avec les deux morceaux phares de leur nouvel album, Crash et Post-Post-, comme une manière de les évacuer et de faire ainsi retomber instantanément la pression.
Clément s’empare de Crash (clip chroniqué ici), ce morceau noisy, tout en tension. Les mots s’échappent : « You’ve come to watch/My mental health decay » tandis que les fûts sont martelés, les accords déjoués. La techno se déploie sur les épaules rassurées. The Psychotic Monks crash définitivement nos cerveaux.
Puis, lors d’un instant silencieux, le public se manifeste et crie, d’une seule voix : « Artie, on t’aime ! ». Celle-ci, penchée sur ses pédales, sourit timidement, émue sans nul doute par autant d’affection et de respect. Je le suis aussi, comment ne pas l’être ? Car si le groupe est talentueux, il est également éminemment politique, pétri de valeurs humaines et sociales. En effet, avant de débuter leur tournée nationale et internationale, le groupe prenait la parole et délivrait un message de paix, d’humanité et de générosité. Se respecter, s’accepter et partager.
Faisant la part belle à des concerts plus safe et inclusifs, iels invitaient donc ce soir à la Maroquinerie des personnes qui leur tenaient à cœur. Tout d’abord, l’association More Women On Stage & Backstage défendue par Lola Fréchet (Pogo Car Crash Control et anciennement Cosse) pour offrir une meilleure visibilité aux femmes artistes (et trans et queer). Était également présent.e.s des professionnel.l.e.s de la contraception testiculaire (Thoreme, Entrelaac.coop et Slow Contraception) afin de répondre aux questions du public et de permettre à celleux qui le souhaitent de tester l’anneau pendant le concert. À souligner également que l’intégralité des bénéfices du merchandising revenaient à ces équipes. Le rapport au corps et les violences qu’il peut subir, qu’elles soient médicales ou sociétales sont donc des sujets importants pour le groupe. Et Artie reçoit en définitive l’amour inconditionnel du public.
Celle-ci s’empare dorénavant de la scène et du micro, pour donner corps et voix à ses traumas avec Post-Post- (clip chroniqué ici). Sur fond de techno surgit ce break, qu’on attend tous et toutes avec impatience, je le sais, je le sens. Ce moment où les musicien.n.e.s vont laisser rugir leurs instruments, afin de déverser le trop plein. Ce moment où iels vont sautiller partout, pour notre plus grand bonheur. This is it. Boum. Puis le morceau repart. Autre rythme, autre temps.
The Psychotic Monks ménagent nos petits organes atrophiés et nous jouent Décors. Ce titre que j’affectionne tout particulièrement, où la famille apparait en filigrane. Et quand surgit la césure, alors la voix de Clément se détache, gracile et délicate, fluette et fragile : « Shower-singing with my eyes closed/ You’re dancing in silence ». Une voix claire, épurée. Une merveille. Puis Martin enchaîne, emportant les notes encore plus loin dans la violence tandis que Paul se saisit de sa trompette. Alors, Martin nous demande : « What’s on the menu tonight ? », depuis les enceintes de la Maro’, où il a élu domicile quelques instants et nous scrute d’un regard pénétrant.
Mais, lorsque les instruments s’arrêtent, un cri s’élève en direction de la fosse : « nique la famille ». C’est comme si toutes les complaintes, les hontes enfantines, les peurs adolescentes refaisaient surface, se mêlaient les unes aux autres avant de s’évaporer, de s’annuler. The Psychotic Monks créent un espace où la rage, l’angoisse, la mélancolie, se rencontrent et se parlent. Peut-être qu’elles ne vont pas dans la même direction mais elles partagent quelques mots.
Les titres du dernier album se jouent et se déjouent. Au sein d’une fosse respectueuse (!), où celleux qui percutent malencontreusement leurs copaines s’excusent À CHAQUE FOIS. C’est tellement rare qu’il faut le souligner.
All That Fall semble presque le point d’orgue de cette communion extatique où les notes affluent pendant presque dix minutes. Si The Psychotic Monks ne nous offrent pas de rappel (et iels ont bien raison), le groupe invite sur scène deux musiciens : Valère Brisard (Mime) et Nils Bö (Cosse) pour un final incroyable, où les instruments à vent se mêlent à la secousse électrique des guitares et à la rythmique implacable de la batterie. Paul et Nils à la trompette, Valère au cor, la Maroquinerie vibre ainsi au son des secousses graves et redoutables.
Lorsque les derniers accords s’écrasent, Clément remercie une dernière fois tout le monde, Artie rappelle la présence des stands et Martin nous enjoint à être dans la rue quelques jours plus tard, pour une nouvelle journée de mobilisation contre la réforme des retraites. Alors, le public, en rappel à Ok Plague, hurle une dernière fois : « Macron, explosion ».
The Psychotic Monks ont réussi, une fois de plus, une fois encore, à soulever les corps et les pensées, dans un magma inimaginable d’électricité statique et d’énergie foudroyante.
On leur souhaite, pour toujours, le meilleur. Longue vie aux Psychotic Monks.
Lire notre chronique de Pink Colour Surgery.
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