Pour célébrer sa soirée They’re Gonna Be Big, le Supersonic nous a présenté les premières fois de jeunes groupes anglo-saxons à Paris. Ils ont tous un fort potentiel dans la sphère de l’indie rock. La Face B a vu ces vingt-et-un groupes et rend son verdict.
Quand on aime la musique, il nous faut peu pour nous divertir. Le Supersonic a égayé notre semaine du 22 au 24 octobre 2024. Du rock en tout genre par de futures pépites. Mais également un peu de divertissements avec un blind test en before pour rafler de nombreux lots Marshall, partenaire du festival. Puis un DJ set en after de chaque soirée qui permet de discuter avec les groupes. On retiendra encore une fois que le quartier s’habille de son cuir de rock pour animer la vie parisienne.
La Face B s’est prêté au jeu de laisser trois mentions explicites à la suite de chaque concert . La première est « non convaincant » et signifie sans surprise que nous n’avons pas apprécié du tout le concert. La deuxième est « à redécouvrir » et indique que le potentiel est à mieux exploiter de la part des artistes. Enfin, la mention « coup de cœur » signifie bien entendu que le concert nous a marqué. Voici donc notre verdict pour chacun des 21 groupes.
Mardi 22 octobre
MUCK.
On commence par du rap post-punk. Le groupe détonne par leur dégaine de hipster urbain. Chacun porte sa propre casquette et expose leur jeu fluide et énergique. La ligne de basse est bondissante et nous rappelle les Soft Play ou encore Arctic Monkeys. Le guitariste torse nu (vraiment obligé?) prend le lead pour la patte mélodique de chaque titre. Tous ont donc la même dégaine sauf un : le chanteur. Bière à la main, il dévale les mots comme sur une piste de ski en pleine saison. MUCK. contient encore beaucoup de sa rage. Il est capable de plus.
Verdict : À redécouvrir
Hongza
On passe un moment fort plaisant à observer ce quintet très agité sur la petite scène du Supersonic Records. Le chanteur, avec son grand sourire communicatif, partage son émotion de jouer enfin à Paris. Sa voix douce qui se déchire à chaque fin de phrase fusionne à merveille avec sa camarade aux synthés. Les mélodies augmentent d’intensité au fil des minutes et virent vers la rêverie. Il n’y a pas à dire, on a affaire aux successeurs de Arcade Fire.
Verdict : Coup de coeur
Tupla
Place à de l’indie pop par un groupe de jeunes artistes. Le public est assez rapidement conquis par la prestation smart et réconfortante. Le concert est assez simple, une boucle mélodique de quatre temps d’un riff de guitare. Rien de révolutionnaire à l’horizon. Peut-être que la scène de la Seine Café n’était pas le meilleur endroit pour les apprécier.
Verdict : Non convaincant
Pleasure Inc.
Dès le premier coup de batterie, on sent que ces quatre garçons ont le flow. Le chanteur et son guitariste portent une chapka ainsi que des lunettes de soleil totalement en décalage avec le sérieux des groupes précédents. Sur le plan musical, les sonorités sont toutes aussi cools. C’est simple, les quatre zigotos ont envie de faire des tubes et de s’éclater en live. Il y en a pour tous les goûts avec des influences funk, post-punk, psyché et parfois un chant rap. On a juste envie de danser malgré cet ensemble bordélique. À gauche du chanteur, on a le musicien qui est capable de sortir toutes sortes de percussions en même temps que le synthé.
Beaucoup de folies et de…temps morts. Les baisses d’intensité sont trop nombreuses quand elles changent de style. Heureusement pour eux, leur avant-dernier titre electro-funk indique la marche à suivre pour qu’on reste connecté à leur univers : la voie du fun.
Verdict : Coup de coeur
Ladylike
Le quatuor anglais a réussi à nous faire partager leur humeur moribonde en dix minutes. Et comme leur indie pop n’est pas péchu, on s’est vite lassés. Une prestation à vite oublier.
Verdict : Non convaincant
CRACKUPS
C’est punk, bête et méchant. On adore. Les Belges respectent leurs valeurs en ne se prenant pas au sérieux. Ils revisitent les styles des classiques de leur genre allant des Knacks à Fildar. On offre une mention spéciale au batteur qui bourrine sur sa machine et varie son rythme à sa guise. Le chanteur nous laisse croire que le mardi est la meilleure journée pour danser et faire la fête. Mais bien sûr ! Dans leur délire, les titres nous emportent dans des pogos et slams bien mérités.
Verdict : À redécouvrir
Automotion
Petit événement sur la scène du Supersonic. Le fils de Liam Gallagher aura bel et bien joué pour la première fois à Paris. Et en plus, il est moins cher que son daron et son oncle. Il met la main à la gratte pour son quatuor de musique plutôt expérimental. L’ensemble s’approche de l’esthétique de Ride sans lorgner vers le shoegaze. C’est propre, on sent qu’ils se font plaisir techniquement. En revanche, leurs chants manquent tellement de puissance qu’on ne les entend à peine. Il leur manque encore ce petit ingrédient pour qu’on s’envole avec eux.
Verdict : À redécouvrir
Mercredi 23 octobre
Yobs
On a affaire à quatre gars bien punk comme on aime. Des morceaux qui ne durent pas plus de deux minutes. Le chanteur complétement barjot montre ses muscles gras car il est fier d’être au They’re Gonne Be Big. On s’amuse devant ces gaillards. Le son est plus profond et va creuser dans les entrailles du post-punk 70s avec un jeu de guitare rapide et sombre comme Suicide. La guitare a la délicatesse de nous prévenir que leur chanteur n’a quasiment plus de voix. Mais il a la forme car il saute dans la foule et pousse au pogo. Le guitariste laisse ensuite sa guitare à un membre du public qui se permet un petit solo de guitare pendant que les vrais musiciens s’enjaillent. Tout cela ne vole pas haut mais on s’amuse bien.
Verdict : À redécouvrir
CrowBaby
La configuration est classique : une basse, une guitare et une batterie. Les musiciennes s’accordent sur leurs cordes pour chanter en harmonie. Sauf qu’on a la sensation d’entendre le même rif à chaque titre. Le trio nous partage cependant sa bonne humeur en live, c’est déjà ça.
Verdict : Non convaincant
Piss Kitty
Une belle claque. On a trouvé au moins la future première partie de Amyl & The Sniffers. Les titres sont variés et les airs mémorables. Au delà du punk, le groupe apporte une énergie communicative et mélodique. Belle pioche !
Verdict : Coup de coeur
Keep
On attendait beaucoup de ce groupe américain. On retrouve ces envolées aériennes en live qui chavirent comme il se doit dans les abysses de la mélancolie. Mais le batteur chanteur a une voix trop dissonante par rapport à l’harmonie instrumentale. Une déception !
Verdict : Non convaincant
Yumi and the Weathers
Le nom du groupe est trompeur car il s’agit d’un duo batteur-guitariste. Ils sont toutefois suffisants pour fournir une épaisseur harmonique à leurs morceaux pop rock. Puis, il s’agit de la moitié du quatuor de CIEL. Ils ne sont donc que deux sur scène ce qui rend la tâche d’occuper la scène plus délicate. Ils y arrivent. La guitariste chanteuse communique et sourit beaucoup entre les morceaux. Au changement de guitare, un joli solo de batterie prend soin de nous. En résumé, ils s’occupent bien de nous. La configuration nous rappelle celle de The Kills mais à l’inverse, il manque peut-être ici un bassiste. Peu importe, chaque titre est accompagné d’une bande électronique qui permet de garder du tonus tout au long du concert.
Verdict : Coup de coeur
Search Result
Ce jeune groupe fait le lien entre le post-punk moderne et l’indie rock du début des années 2000. Imaginez Fontaines DC qui fusionne avec The Libertines. Sachez que tout cela est bon malgré un son un peu trop caverneux pour leur style dans cette salle particulière.
Verdict : À redécouvrir
Monster Florence
Ils sont nombreux sur scène : six ! Trois rappeurs, un batteur, un claviériste et un multi-instrumentiste (guitariste, bassiste, saxophone). Ils ont failli n’être que cinq car Dream McLean s’est retrouvé avec un chauffeur Uber perdu dans la ville de Paris. Il s’agit seulement de leur première fois en France ce qui est étonnant malgré leur petite renommée. Mais ces gars de Colchester maîtrisent complètement leur sujet. Leur set est construit parfaitement avec des intensités bien pesées au fil des minutes. Le départ punk sur …. nous rend alerte avant de virer vers du rap instrumental et de la pop dont leur tube … qui bluffe en live. Sur …, le collectif, heureux d’être à Paris, exulte la foule à jumper.
Verdict : Coup de coeur
Jeudi 24 octobre
Bumble B. Boy
On se demande souvent d’où vient le délire de la création d’un groupe de musique. C’est encore plus vrai pour Bumble J. Boy qui est un projet WTF. Le chanteur guitariste se retrouve seul sur scène déguisé en apiculteur. Il appelle d’urgence sa troupe pour l’accompagner. Le public est alerté par cette annonce venue de nulle part. Le reste de la bande débarque tous déguisés : deux autres apicultrices danseuses accompagnées de musiciens habillés en randonneurs en doudoune colorée débarquent sous fond d’une musique folklorique qu’on retrouvera sur chaque transition. C’est une véritable kermesse ! On retrouve donc un animateur-chanteur, un batteur, un saxophoniste voire deux quand l’autre n’est pas violoniste, un guitariste et deux cheerleaders. C’est donc ça les conséquences des champignons en Hollande ? Les morceaux sont orientés post-punk et poussent vers des accentuations hard rock. On est embarqué dans un délire sans savoir où cela nous mène. La magie opère, aussi étrange que leur présence sur scène.
Verdict : À redécouvrir sous champignons
The Christian Club
Dans le milieu du rock italien, il n’y a pas que Maneskin. On retrouve également ce quintet étonnant dans sa composition avec une batterie, une basse, une guitare, un synthé et une contrebasse. Plus hypnotisant et saisissant, la voix du chanteur. Sur les premières notes, on réalise vite le parallèle avec Yannis Phillipakis, le leader de Foals, quand le chanteur pousse dans les aigus. Cependant, il joue sur ses cordes vocales et nous impressionnent par la distorsion vocale qu’il peut s’emparer, notamment sur les notes lourdes. Le rendu est conceptuel et a plu à un public désireux de moments de délicatesse, excepté sur leur final explosif et apocalyptique. Magnifique !
Verdict : Coup de cœur
Pop Vulture
Le groupe fait du classique avec le genre du post-punk. On aime ce qu’ils font sans être foudroyés par l’ingéniosité de leur création. Le chanteur-bassiste nous séduit par sa voix juste et granuleuse.
Verdict : À redécouvrir
Wax Head
Vous aimez la violence ? Les vibrations sonores aux niveaux de vos jambes ? La surdité ? Wax Head vous offre tout cet ensemble. Ils ont été baptisés au garage punk de The Osees, il n’y a aucun doute à cela. La voix est forte et ténébreuse et le rythme de la batterie est sans cesse le même mais assez rapide. Finalement, il n’y a que la guitare qui se distingue par ses riffs au style hard rock seventies. Il y a différents accueils suite à leur prestation : ceux qui sortent fatigués de la lourdeur de leur son et ceux qui ressortent ravis de pouvoir se défouler autant.
Verdict : À redécouvrir (avec des protections auditives cette fois-ci)
Night Swimming
C’est l’instant douceur de la soirée. Le groupe anglais propose un shoegaze onirique et berçant. Mené par une chanteuse charismatique capable de rendre bouche bée le public sur les moments acapela, les titres défilent devant nos regards remplis d’étoiles. Les riffs de guitares tourbillonnent et se soulèvent pour nettoyer le filtre brumeux de nos angoisses. Tout est juste, tout est beau.
Verdict : Coup de cœur
Abdomen
L’enchaînement avec le concert précédent est brutal. Abdoment crache tout ce qu’il a dans le ventre pour lâcher son laïus. On prend une sérieuse claque malgré l’arrivée tardive dans la salle. Le groupe empile les différentes puissances de l’échelle de Richter pour nous faire frissonner sans discontinuité au fil des minutes. Chaque battement de batterie apporte son lot de tensions supplémentaires. La guitare vient s’implanter pour arrondir cette sonorité garage punk par une touche de fuzz. Le tout est transcendant et rend le public admiratif. On ne s’attendait pas à autant de puissance que le groupe METZ dans une si petite superficie.
Verdict : Coup de cœur
Cardinals
Les chouchous de Grian Chatten tiennent leur originalité par l’accordéoniste présent sur scène. Il apporte une sincère sensibilité à leurs récits irlandais. La guitare frisonne sur chaque refrain pour augmenter l’intensité des émotions. On comprend pourquoi le chanteur de Fontaines DC. peut être sensible à leur égard après un after généreusement alcoolisé suite à une soirée tristounette. Les morceaux mélancoliques sont de ce fait plaisants. Malheureusement, on oublie très vite la plupart de leurs titres dignes d’un groupe programmé pour la fête d’un village. Sans compter que les transitions sont longues et les morceaux les plus énervés atteignent la nervosité des Ramones en fin de carrière. Pas mauvais mais rien d’impressionnant.
Verdict : À redécouvrir
©crédit photos : Nicolas Giraldo (format paysage) & aileol (format portrait)