Thierry Larose : « Une chanson ça vit et ça respire »

En ce début de Printemps, Thierry Larose était de passage en France, tout d’abord en tournée avec Lou-Adriane Cassidy puis pour présenter son second album, Sprint. On a donc pris le temps de discuter avec le québecois et d’explorer avec lui l’histoire de ce nouvel album.

La Face B : Salut Thierry, comment ça va ?

Thierry Larose : Ça va ! Je m’étais débarrassé du décalage horaire, ça fait comme une semaine à peu près qu’on est en France, mais là, je dors hyper mal depuis que je suis à Paris, donc je suis un peu fatigué.

La Face B : Tu es en tournée avec Lou-Adriane Cassidy, et après tu enchaînes avec la tournée pour ton propre album, tu passes au Printemps de Bourges, et après plus tard à Paris… Je me demandais comment tu voyais ces différents rôles en tant que musicien.

Thierry Larose : Les deux rôles se nourrissent un peu entre eux. C’est nouveau, je n’avais jamais joué pour d’autres groupes que le mien. Pour l’album de Lou, l’album Lou-Adriane Cassidy vous dit : Bonsoir, il a fallu un guitariste et ils m’ont demandé. Ça, ça juste fait que je suis devenu plus pro peut-être ? Avant la musique, c’était vraiment un hobby, j’étais musicien de tournée. J’ai appris à mieux jouer la guitare, ça c’est certain, faque j’ai pu utiliser ces nouvelles compétences dans mon propre projet par la suite.

La Face B : Et du coup, les personnes avec qui tu tournais en tant que musicien, c’est aussi les personnes avec qui tu as enregistré ton album ? Et je me demandais si pour cet album-là, plus que pour le premier, tu avais justement l’envie d’avoir une expérience collective dans la création.

Thierry Larose : C’est vrai, même dans l’idée de l’enregistrer en groupe, c’est tout le monde dans la même pièce, le plus souvent possible, sans métronome, ça faisait comme partie de l’idée. C’est un peu à l’ancienne. Ça m’aidait à lâcher prise aussi. Ce 2e album il y a comme un stress qui vient avec ça, donc d’enregistrer ça, justement, de faire confiance à ses amis, de faire des prises spontanées, c’est très libérateur, puis j’aime beaucoup le résultat.

La Face B : Est-ce que tu avais un peu peur des attentes sur le deuxième album comme le premier avait été très bien reçu ?

Thierry Larose : Pas vraiment, mais je mentirais si je disais qu’il n’y avait pas un moment donné où j’ai ressenti un peu de pression, mais c’était pas si mal. Je m’attendais à pire, on dirait.

La Face B : Cet album là il s’appelle Sprint, souvent, quand on parle d’une carrière dans la musique, on parle souvent d’un marathon, donc je me demandais s’il y a quelque chose d’un peu ironique de l’appeler Sprint !

Thierry Larose : Peut-être. Avant, avant, je faisais des semi-marathons. J’ai arrêté au moment de commencer à jouer de la guitare (rires), c’est comme mon ancienne vie. Ouais, je pense que y a un peu de farce. Il n’est pas sans humour l’album, il y a beaucoup de blagues dans les chansons. Le titre est pas à 100 % humoristique, mais c’est si tu le vois comme une blague, je suis ravi.

La Face B : En fait, ça a un côté un peu justement comme ça, mais il y a aussi une vraie énergie et une vraie force pour aller vers l’avant aussi sur l’album qui correspond aussi bien au titre en fait, tu vois ?

Thierry Larose : Merci, c’était l’idée… Propulsif !

La Face B : Et du coup moi je trouve que c’est un album vivant, je trouve qu’il a été très nourri par la vie, il y a façon d’explorer différentes choses qui est très intéressante dans la façon dont il est fait et il y a beaucoup de styles aussi différents, donc je me demandais si c’était important pour toi de pas t’enfermer dans un seul style en particulier, et d’explorer plein de choses en fait.

Thierry Larose : Mais depuis le début, même mon premier album, Cantalou était un peu comme ça aussi. Mais c’est Sprint, c’est des explorations plus extrêmes, pour plusieurs raisons. Je me suis jamais vraiment attachée aux genres, tous mes artistes préférés qui sont comme anti genre aussi, je pense en France à Gainsbourg : le Gainsbourg reggae, le Gainsbourg chanson. Le fait que ça soit nourri par la vie, c’était pratiquement une réponse directe à la pandémie, au confinement ou plutôt que juste m’enfermer, puis parler de moi, puis de penser à moi tout le temps, bin là je voulais observer un peu plus qu’avant. Être plus descriptif, comme c’est un album qui est vraiment plus descriptif. J’avais vraiment cette idée-là de polaroid, ou comme les performances même c’est une photo. On a capturé quelque chose, puis dans les textes aussi, je voulais que ça soit comme ça.

La Face B : C’est intéressant que tu dises ça parce que finalement il y a deux takes pour Baleine et moi sur l’album et tu prouves qu’une chanson, elle peut avoir plusieurs vies et plusieurs couleurs différentes. Elle n’est pas figée sur seul fil en fait.

Thierry Larose : Une chanson, ça vit, ça respire. Et puis en spectacle, c’est vraiment clair. En tout cas, j’ai l’impression que pendant les miens, c’est des chansons quand même malléables. Ça donne envie de vivre.

La Face B : Oui et puis tu vois, en termes de liberté, il y aussi, je trouve, le morceau qui ouvre l’album Portrait d’une Marianne, c’est quand même une pièce énorme de 7 Min, et qui évolue, qui casse, de casse, de rythme et qui est hyper intéressant tu vois ? Il y a une sorte de statement à mettre ce morceau en premier.

Thierry Larose : Ouais ouais, absolument, puis j’ai considéré de la mettre en dernier aussi, mais c’est plus convenu. Je trouvais que pour un disque comme sprint fallait quelques balles courbes, et je sais pas, si les gens m’ont découvert avec Cantalou, puis ils déposent le disque sur la platine, puis c’est un morceau de sept minutes qui commence j’ai l’impression que c’était comme un choix à faire

crédit : Clara de Latour
crédit : Clara de Latour

La Face B : Ca marque aussi une sorte d’évolution aussi, quelque chose d’assez direct. C’est un morceau qui raconte une histoire et le texte a une place très importante. Sur ce morceau là et même sur ce qui arrive après…

Thierry Larose : Je l’ai raccourci, mais….

La Face B : Ah ouais ?

Thierry Larose : Oui y’en avait 24 je crois… Mais j’ai gardé les meilleurs !

La Face B : Ce morceau là, ce qui m’a plu, c’est que j’ai l’impression que c’est une sorte de court métrage en musique, un truc un peu chaotique, qui vit de par lui-même tu vois ?

Thierry Larose : Je suis flatté, j’apprécie la comparaison. C’est un texte justement de pandémie et de confinement où il fallait que je parle de quelque chose d’autre chose que… que mon appartenant. (rires)

La Face B : Et du coup est-ce que t’as l’impression de t’être peut-être plus autorisé à ouvrir tes vannes en termes de liberté, en termes de réflexion sur ta musique ?

Thierry Larose : Oui… Jamais je rentre en studio en me disant comme “OK, aujourd’hui on fait du rock, aujourd’hui, on fait de la chanson”, peu importe la chanson existe puis faut comme la laisser décider un peu où est-ce qu’elle va, pis je pense qu’elle est là la liberté. Il y a un point, c’est plus moi qui décide vraiment, sans vouloir être ésotérique.

La Face B : C’est peut-être l’intérêt aussi de pouvoir enregistrer avec des gens, de se laisser aller…

Thierry Larose : Ouais y a une chimie, une sorte de synergie qui s’entend je pense. Je suis content d’avoir pu capturer ça.

La Face B : Dans la façon dont il est fait, j’ai l’impression que c’est un album qui est très personnel aussi dans ce que tu t’écris et ce que tu racontes

Thierry Larose : Oui, plus qu’avant. C’était jamais un réflexe sur le premier disque, puis e me suis permis plus de choses cette fois, justement d’être plus personnel ou plus romantique, carrément. Des choses qui m’intimidaient un peu avant, puis, il le fallait pour éviter de stagner je pense, faut se faire peur un petit peu !

La Face B : Est-ce qu’il y a un côté où tu te dis que les gens ont accepté ta musique, et que tu peux la pousser plus loin ?

Thierry Larose : J’m’en fais pas vraiment avec ça, c’est-à-dire que si les fans du premier n’aiment pas le deuxième, puis ils débarquent, tant pis.

La Face B : Comme il y a des gens qui peuvent te découvrir avec le deuxième….

Thierry Larose : Exact ! Ce qui est important, c’est que à ce moment-là, c’était mes chansons préférées, puis c’était exactement celles que je voulais faire à chaque fois, pour chaque disque.

La Face B : Et c’est donc pour ça que t’as mis deux versions d’un même morceau ?

Thierry Larose : C’est son idée [Alexandre Martel présent à côté de nous]. Moi, je voulais juste la tape 10, mais je ne sais pas… Al tu trouvais que la tape 3 elle avait de quoi ?

Alexandre Martel : Bin on était dans le bureau, à se demander quelle était la meilleure, et il y avait des gens qui étaient très attachés à la tape 3. Pis c’était aussi dans le “grand plan”, comme avec Portrait d’une Marianne, qui est très Dylan [Bob Dylan], et on se disait que deux chansons dans la même chanson ça ferait un peu “forever young” ça marquait vraiment Thierry en tant que “Dylan du Québec”. C’est ça l’intention !

La Face B : En termes d’évolution aussi, j’ai l’impression que tu t’es un peu redécouvert et confirmé en tant que chanteur, parce que y’a plein d’interprétations et d’émotions différentes dans la façon dont tu chantes sur cet album-là.

Thierry Larose : Ça, c’est la pratique. Avant le premier disque, je chantais peu, même pas dans la douche. Et puis il y a eu la tournée Cantalou, puis la tournée Bonsoir aussi avec Lou où je chante plus, et j’ai comme appris à aimer ça. Avant, c’était comme vraiment “j’ai un texte bon, il faut que je le chante”, c’était plus utilitaire. Maintenant, je pense que je reconnais plus l’importance d’une interprétation bonne ou mauvaise.

La Face B : C’est peut-être ça aussi qui fait que les textes prennent plus d’importance aussi sur l’album ?

Thierry Larose : Ouais, puis la voix est plus forte, aussi moins triplée. Avant, je chantais les choses trois fois sur 10, puis on mettait toutes les voix ensemble, pour, je sais pas, pour que ça sonne massif, immense. Je voulais que ce soit franc t’sais.

La Face B : Ce qui est cool avec l’album, c’est que l’énergie elle vient de l’entièreté. T’as pas forcément besoin d’une espèce de mur du son pour que les gens puissent se mettre dans la chanson. Tu sens que c’est sincère, en fait, et qu’elles ont été construites avec une bonne énergie et c’est ça qui fait que j’ai aimé l’album.

Thierry Larose : Merci, je suis content. Le mur du son c’était plus, c’était plus Cantalou. Je pouvais pas me répéter.

La Face B : Et ce qui est intéressant aussi avec les différents genres et la façon dont l’album est construit, c’est j’ai l’impression qu’il a été aussi construit là comme si t’imaginais un set de concert.

Thierry Larose : Ouais. C’est le groupe qui m’accompagne en concert aussi, qui sont embarqués pendant la tournée Cantalou, pas au tout début, mais à peu près après le premier tiers, je dirais, pis je me souviens d’avoir eu le sentiment de “ces gens-là faut qu’ils restent pas trop loin”. Mais c’est drôle parce qu’en spectacle les chansons sonnent pas vraiment comme ça. Mais on reconnaît quand même nos réflexes.

La Face B : Ouais mais tu vois l’album il y a beaucoup de variations comme sur un concert, y a des moments plus calmes, il y a des moments où ça repart…

Thierry Larose : Je pense qu’on était les premiers étonnés des fois. T’sais mon batteur Cao, il joue très fort normalement, puis là sur Frisbee et Marmelade une des plus douces du disque, on lui a donné des pics à brochettes pour jouer moins fort sur sa batterie, puis je me souviens qu’il en revenait pas en réécoutant la tape, il était comme “c’est moi qui a joué ça, en mode jazz ?”

La Face B : Est-ce que en regardant Sprint maintenant ce que t’as l’impression d’être plus toi que tu l’étais avec l’album d’avant ?

Thierry Larose : Je pense que j’étais moi-même avec le premier. Je pense que j’ai plus d’expérience maintenant. Je pense que ça donne une meilleure idée aux gens de qui je suis, puisque j’aime, ce que je ressens, ce que je vois, mais en le créant puis en enregistrant, je me suis pas découvert moi-même, je pense que j’ai toujours été quand même assez sincère, conscient de qui j’étais, même en écrivant le premier.

La Face B : Du coup-là tu vas jouer en France, je me demandais si pour un artiste du Québec, il y avait toujours quelque chose particulier et d’important à présenter sa musique en France ?

Thierry Larose : Je pourrais pas dire, tu vois ça c’est une nouvelle expérience, complètement. La seule fois que j’ai joué en France c’était à Saint-Malo, dans une genre de bibliothèque. Je peux pas dire que c’était un spectacle à forte retombée, c’était plus des vacances.

La Face B : Mais du coup, là, les concerts en France, est-ce que tu les attends ?

Thierry Larose : Ouais j’ai hâte, j’ai très hâte ! On fait les inouïs de Bourges, on m’a dit que c’est comme un gros tremplin. Je sais pas, le vent me pousse pratiquement. J’avais jamais pensé que j’irais ici. On me l’a proposé, j’ai dit oui.

La Face B : Comment tu l’envisages le futur avec Sprint et qu’est-ce qu’on peut te souhaiter avec cet album-là ?

Thierry Larose : Juste des concerts à guichets fermés. Euh, des gens qui chantent toutes les paroles, mais ça, c’est c’est ce que j’aimerais… Jusqu’à présent, on a eu juste un concert, avant de quitter pour la.France, avec Lou, ça avait bien été. C’était à la Petite Borne à Sherbrooke. Les gens connaissaient les chansons et ça faisait juste une semaine que l’album était sorti. Donc je sais pas vraiment quoi lui souhaiter. J’espère que les gens l’aime et qu’il l’écoute.

La Face B : Pour finir, est-ce que y’a des choses que t’as aimé récemment et que tu voudrais partager ?

Thierry Larose : Oui, le nouveau disque [Normal] de Blesse vient de sortir, c’est le groupe de Cao, mon batteur. Je suis un fan avoué, je les suis depuis longtemps, ils ont commencé à écrire comme il y a à peu près 2 ans, puis même à l’époque, où il me montrait qu’ils avaient, j’étais déjà fan. Donc là j’espère que j’espère que tout le monde écoute le nouveau disque, puis qu’il l’aime. Moi je sais que ça me fait beaucoup d’effet.

La Face B : Je vais écouter ça du coup, merci beaucoup !

Thierry Larose : Merci, merci à toi.

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