C’est avec tous les honneurs et dans un intense échange, que nous avons rencontré Thurston Moore ! En visio ..!
C’était surréaliste de rencontrer l’une de nos plus grands idoles mais nous l’avons, avant tout, interviewé pour VOUS informer. Thurston nous a un peu parlé de sa vie, des ses valeurs, de ses goûts, mais surtout, de la sortie de son nouvel album : Flow Critical Lucidity. (On l’a écouté. Il dépote.)
English version below / Version originale plus bas.
Version Française
Flow Critical Lucidity
La Face B : Hey, M. Moore ! Comment vas-tu ?
Thurston Moore : Je vais bien !
LFB : C’est un plaisir de te rencontrer après t’avoir tant écouté ! Je m’appelle Sam.
Thurston Moore : Salut, Sam !
LFB : Je représente le magazine indépendant La Face B et cette interview va porter sur la sortie de Flow Critical Lucidity.
Ma première question est une grande classique : Que signifie le titre de ton nouvel album, pour toi ?
Thurston Moore : Flow Critical Lucidity. Ça vient d’une phrase dans l’une des chansons et cela signifie ‘‘être conscient de la réalité’’ tout en donnant de l’estime à ton cheminement spirituel.
C’est donc l’idée d’une égalité de valeurs entre tes rêves et ta responsabilité dans la réalité. C’est une sorte d’expression… politique, pour moi.
Où es-tu ? Ça a l’air magnifique !
LFB : C’est une ville qui s’appelle Le Havre. C’est la petite sœur de l’Angleterre !
Question suivante : Penses-tu que l’on peut être lucide sur une réalité et aveugle à une autre ?
Thurston Moore : Je pense que nous devons être responsables. Et ce disque aborde surtout le fait établi du monde naturel qui se dégrade. Pour ma part, je suis très intéressé par le principe de méditation et de prière, de guérison du monde naturel, ce qui est très complexe…
Nous devons continuellement faire face à ces forces qui s’exercent via des dirigeants·es qui ne sont que des démagogues. Et nous devons continuer à lutter contre cela, car ce sont des systèmes qui déshonorent la Terre sur laquelle nous vivons tous.
Je pense que sans un endroit où vivre, nous n’avons plus besoin de politique. C’est dans un sens ou dans l’autre, je dirais.
LFB : Oui, je comprends.
Thurston Moore : Je pense qu’il est important d’être … J’aime le terme woke. Il y a beaucoup de polarisation autour de ce mot. Je pense que c’est un mot génialissime et j’aime vraiment l’idée d’être woke. Je pense que c’est un super concept. Quelque chose qu’il faut valoriser. Car cela te distingue de l’idéal capitaliste typique qui est promu par certains médias comme la (seule) façon de vivre. Je pense qu’être woke, c’est un mode de vivre. Cela permet d’être conscient et d’être dans un état de créativité, également. C’est le flot. L’idée du raisonnement critique, d’une écoute critique.
Aux États-Unis, ils ont cette réaction contre ce qu’on appelle la ‘‘théorie critique de la race’’. C’est ce principe qui vise à éduquer les jeunes sur l’histoire de la discrimination raciale aux U.S.A. […] La théorie critique de la race est un récit qui réduit à néant la culture impérialiste américaine, qui n’est rien d’autre qu’une culture de l’homme blanc…
C’est donc, à mes yeux, quelque chose que je rejette continuellement. Je suis donc très favorable à la théorie critique de la race. Je suis pour tout ce contre quoi la droite est (politiquement).
LFB : Intéressant…
Thurston Moore : J’aime tes tatouages, au passage. Ils sont très intéressants !
LFB : Pardon ?
Thurston Moore : Je disais que tu as des tatouages très intéressants.
LFB : Ah, merci ! Je me tatoue moi-même, parfois, donc certains sont mal faits !
Thurston Moore : C’est vrai ? Trop cool !
LFB : La 2nde piste de l’album s’appelle Sans Limite et, en tant que média français, je dois te demander : pourquoi ce titre ? Et pourquoi est-il en français ?
Thurston Moore : Sans Limite… J’aimerais utiliser plein de langues différentes dans mes albums. En travaillant sur l’album, je me suis rendu compte qu’il y avait de nombreux sentiments en décalage avec les croyances fondamentales de personnes comme Marine Le Pen.
J’aime me rendre compte que l’immigration fait partie de la nature. Elle est essentielle à la nature. La nature évolue constamment d’un environnement à un autre. Il s’agit d’apprendre comment nous vivons, comment nous nous déplaçons avec elle…
Renforcer les frontières avec l’idée que les cultures sont menacées par l’immigration..? […] Je pense que nous devons comprendre comment travailler ensemble pour nous aider les uns⸱es les autres. C’est, pour moi, cette notion de ‘‘no borders’’ (plus de frontière). J’aime l’idée de gens se déplaçant librement entre les pays.
Je ne m’attends pas à ce que la culture française soit remplacée par la culture anglaise, allemande ou turque. J’aime le fait que nous n’ayons pas de culture commune.
Mais je ne pense pas que nous ayons besoin d’arrêter les gens qui cherchent une vie meilleure dans d’autres pays ou qui demandent de l’aide pour fuir les guerres ou la famine. Nous devons aider celleux pour qui la seule réalité est la migration. Je suis donc pro-immigration.
Et j’étais en train de réaliser ce qu’il se passait en France avec Marine Le Pen qui diabolise l’immigration. J’ai donc décidé de mettre cela en chanson.
En plus, je connais une chanteuse française, une amie à moi, Laetitia (Sadier) qui a un amour profond pour l’histoire. Et c’est elle qui chante le refrain du morceau Sans Limite.
LFB : C’est très signifiant que tu me parles de frontières au regard de l’actualité. En effet, 2024 est, depuis mardi (03/09/24) l’année qui a tué le plus de personnes dans La Manche…
Thurston Moore : Oui, parce qu’iels sont désespérés·es. C’est tragique. Je trouve que c’est tragique. Je pense que c’est l’une des plus grandes préoccupations que j’ai en tant qu’être humain. En fait, j’ai songé à nommer l’album Sans Limite, au début
LFB : C’est un très bon titre, aussi. J’ai une remarque plus légère : en français ‘‘sans’’ est l’homophone de ‘‘cent’’. On dit, de la même manière, ‘‘aucune limite’’ et ‘‘beaucoup de limites’’ !
Thurston Moore : Beaucoup..? Eh bien, ce que je voulais dire c’est : pas de limites. Des ressources illimitées, un potentiel illimité…
LFB : Bien sûr. Je l’espère !
Pour beaucoup, la couleur des morceaux peut influencer l’aspect visuel d’un album. Comment définirais-tu le lien entre tes chansons et la sculpture de Jamie Nares, Samuraï Walkman (la pochette de l’album) ?
Thurston Moore : Je connais Jamie Nares depuis assez longtemps. C’était l’une des premier⸱es musiciennes punk rock des États-Unis… Dans les années 70, à New York… Et j’ai toujours trouvé que c’était une grande artiste, réalisatrice et guitariste. Elle a pris du recul sur son art et sur ses autres activités, il y a quelques années, et elle m’a demandé de jouer de la guitare pour la bande-son de son film qui s’appelle Street. Un film merveilleux. C’est une camera cachée à l’intérieur d’un van alors que celui-ci roule à travers la ville de New York. Et elle filme les passants⸱es qui arpentent les rues. […] J’ai adoré ce film et j’y ai participé en jouant de la guitare.
Et […] elle m’a vu utiliser un tuning fork (diapason), il y a presque 20 ans et, tu sais, quand tu frappes un diapason, il émet un son.
Concernant le titre Samuraï Walkman : elle s’est inspirée des casques que portaient les samouraï. Ils avaient ces ornements, des crêtes métalliques ou des séries de lamelles, par exemple.
En fait… elle cherchait à représenter la dualité entre la protection et l’agression.
Et, dans un sens, j’ai pensé au fait que, comme c’est un casque, alors il te protège, mais il peut également transmettre un son brut. Pur et puissant. (le son du diapason)
J’ai trouvé que c’était cool. J’avais le sentiment que c’était quelque chose que je devais partager. Je me suis alors demandé si cela pourrait fonctionner comme une pochette.
LFB : Le terme français pour ‘‘tuning fork’’ est ‘‘diapason’’. Ça vient du grec ancien et ça signifie ‘‘à travers tout’’ et, sur la jaquette, les diapasons passent à travers le casque !
Thurston Moore : Ah, c’est vrai ? Alors, c’était tout trouvé !
LFB : J’ai eu accès aux visuels des morceaux et je les ai vraiment appréciés. En particulier, celui de New in Town qui m’a fait penser à l’album Red Medecine de Fugazi. Tu sais… avec l’ampli en position ‘‘ON’’ ?
Après ça, j’ai écouté ce morceau et il s’est avéré que tu mentionnais ce groupe, entre autres. Que veux-tu exprimer avec ce namesdropping ?
Thurston Moore : J’avais en tête d’explorer les notions d’identité et d’humanité. Pour moi, faire partie de ça, c’était trouver la capacité de me faire confiance. Même si c’est par le biais de communautés comme celles du Punk Rock, du No Wave, des Indies ou du Hardcore.
J’allais à des concerts Hardcore comme Minor Threat ou Bad Brains. Et un soir, c’était fantastique parce que tout le public était sur scène, et iels plongeaient depuis la scène (slam), faisaient des cercles (circle pits), sautaient les un⸱es sur les autres et chantaient les paroles, ensemble. Il y avait vingt personnes les unes sur les autres. Cette richesse de la cohésion était, essentiellement incarnée par des très jeunes gens. Des adolescent⸱es !
Quand j’étais adolescent, je n’avais pas accès à ça. Pour moi, il s’agissait toujours de ‘‘devenir grand’’. De le vouloir. D’y parvenir… Comme se saouler, ou, tu sais, faire des choix vraiment stupides en réponse à tes injonctions. À travers ton esprit d’adolescent.
Et dans un sens, le Hardcore luttait vraiment contre cela. Il s’agissait de ‘‘ne pas faire de conneries’’. Être responsable de ses actes et de soi-même en tant qu’individu, ne pas tomber dans les pièges de l’addiction.
Plus tard, quand j’avais la trentaine, j’allais à ces concerts de Hardcore avec tous ces jeunes qui couraient partout. Je regardais leurs visages et je pouvais voir l’énergie brute de la jeunesse, voir l’environnement qui leur offrait cette énergie. C’est l’essence même de ces groupes.
Minor Threat, Fugazi, … étaient de vrais modèles. Pas seulement parce qu’ils étaient musiciens, mais aussi parce qu’ils représentaient une créativité positive. Et c’est cela que je célèbre.
Tous ces souvenirs sont précieux, je m’en rappelle comme si c’était hier.
Et sachant que tu es nouveau·elle en ville, tu… C’est génial de vivre quelque chose de nouveau. Cette expérience de découvrir quelque chose de nouveau. Ça n’arrive que quelques fois dans une vie.
Ce sont des moments fugaces et tu dois commencer à traiter cet état de fait. Pas vrai ? Tu comprendras, alors entièrement, la sensation d’être nouveau·elle dans un domaine.
C’est ma préférée de l’album (New in Town). C’est pour ça qu’elle résonne autant en moi. Et l’instrumentale est intéressante. Cette chanson exprime complètement mon état d’esprit. Tu vois ?
Ce n’est pas une chanson que je peux jouer en live. Je veux dire… qu’en créant toutes ses parties de guitare… qui ont été découpées, éditées et recollées ensemble…
C’est une chanson très expérimentale et c’était un one-shot. Une sorte d’impasse musicale…
LFB : En continuant sur les chansons, tu as choisi de garder le morceau Isadora comme bonus-track pour celleux qui achèteront le LP.
Est-ce une version différente de celle déjà sortie sous forme de single ?
Thurston Moore : Non… Je pense que c’est plutôt une question de la place qu’il y a sur un disque (LP).
Je n’aurais pas pu l’intégrer à l’album. Cela aurait aussi perturbé le rythme du disque, d’une certaine manière.
C’est un morceau un peu plus populaire, et l’album a un flux qui va à contre-courant. C’est un projet plutôt calme. Ce qui me convient. Mais j’aurais aimé qu’il soit un peu plus punk, également. C’était l’une des idées. Et nous avons pensé que ça se passera, à la fois, à l’intérieur et à l’extérieur de l’album.
C’est sous cette forme que le morceau existe. Sur un disque flexi. C’est une autre facette de l’album. Si vous achetez le LP, vous aurez aussi un flexi. Et c’est le seul moyen de l’obtenir. À moins que tu ne l’obtiennes via le marketplace (en ligne). Aujourd’hui, c’est le Bandcamp Friday !
[n.b. le prochain Bandcamp Friday se déroulera le 4 octobre 2024.]
En Général
LFB : J’ai deux questions pouvant être considérées comme délicates par certains·es donc, libre à toi de m’interrompre et je couperai cette partie…
Il y a beaucoup d’engagement dans ta musique, comme il en était avec le Youth. Dans quelle mesure tes idées politiques peuvent-elles influencer ton processus créatif ?
Thurston Moore : C’est essentiellement un point clé. Je trouve cela rafraîchissant ; il s’agit d’être authentique et différent.
Ce n’est pas comme si le fait de s’engager dans une œuvre politique aller tout changer. Ça ne va pas modifier la réalité actuelle du monde.
Eh bien, je pense qu’il y a quelque chose à relever sur l’art et la poésie. C’est d’avoir ce pouvoir de l’abstraction qui te permet d’être soit bienfaisant pour la société, soit colérique et haineux. C’est à toi de choisir qui tu es.
Yoko Ono, par exemple, ne prononce pas le nom des personnes qu’elle trouve inconsidérées envers la Terre. Elle prononce le nom des personnes qui sauvent des cerfs, soignent la Terre.
Dis le nom des personnes dont tu penses que le travail est positif et ne l’accorde pas aux personnes dont tu penses qu’il ne l’est pas.
Il s’agit surtout de l’appliquer à travers ton propre art. Et à partir du moment où tu exprimes à quel point Donald Trump, Boris Johnson, Marine Le Pen sont horribles ou à quel point iels ont l’air ridicules. Et cette idée du contrôle par la guerre…
J’aime penser que je ne veux pas me retrouver à chanter ou écrire sur elleux. Et plutôt chanter ou écrire sur… Fugazi ! Il y a plein de gens qui font de grandes choses, dans le monde. C’est ça ma politique : faire une œuvre qui place sous les projecteurs les personnes que tu trouves bienfaisantes.
LFB : On peut observer une diabolisation de l’activisme (politique) par certains média. On entend parler d’éco-terrorisme, de woke culture, de feminazis, etc. Des personnes discréditent ces mouvements à plusieurs niveaux…
Penses-tu que l’on peut être trop radical quand il s’agit de défendre notre planète ou les populations opprimées ?
Thurston Moore : Non. Je ne pense pas qu’iels soient bien placées. Je crois que c’est plus à propos, d’être positif et d’exprimer l’importance de garder du recul.
Il y aura toujours des stratégies pour diaboliser et discréditer. Également en détournant le langage […] C’est très intéressant, car ce rôle d’être au gouvernement a été pris par ce qu’on pourrait appeler les vrais radicaux. Dans un sens, c’est une situation qui a trompé les gens en les amenant à ne plus faire confiance aux questions posées… concernant les véritables enjeux.
J’ai noté que beaucoup de gens, baignés dans cette culture du mensonge, participent à la diffusion de fausses informations. Ce n’est jamais qu’une question de croire et de colporter. Par exemple, en ce moment, quelqu’un essaie de discréditer une femme brillante, peu importe sa politique. Je veux dire, elle est démocrate et elle travaille dure. Mais c’est aussi une personne très intelligente.
Contrairement à Donald Trump, qui est un enfant riche. Un individu fortuné soutenu par une cabale d’extrême droite. Mais il convainc ses partisans que Kamala Harris n’est ni intelligente ni compétente. Ce qui revient à dire ‘‘la couleur verte n’est pas verte’’. C’est le principe même de faire une affirmation, peu importe qu’elle soit vraie ou fausse.
Cette notion d’émettre son opinion est omniprésente…
Mais il pense qu’il a tous les droits et qu’il n’a pas besoin de se concentrer sur les réalités et les politiques.
C’est un peu comme un cartoon, tu sais. Même ici, depuis l’Angleterre, j’ai l’impression de regarder quelque chose qui ressemble à un cartoon.
Je pense que tu peux trouver cela efficace mais immature, attirant ceux qui semblent croire qu’on peut leur dire quoi penser, plutôt que de penser par eux-mêmes.
C’est le même enjeu dans toute notre culture : le fait que nous ayons Internet, qui est un moyen de communication dangereux et sophistiqué. Pour le monde entier mais détourné par certains.
Mais quand on s’arrête sur la façon de parler de Donald Trump, ce n’est que de l’immaturité. Il est infantile… C’est comme s’il faisait des gazouillements de bébé. C’est un petit bébé adulte. Non, mais… Twitter !
C’est comme donner les clés de la voiture à son bébé.
LFB : Oui, c’est une bonne métaphore.
Thurston Moore : J’essaie juste d’être alerte. Je suis sûr que cette situation est temporaire.
LFB : Est-ce qu’on peut s’accorder du temps supplémentaire ? (fin du temps d’interview)
Thurston Moore : Non, je suis vraiment désolé. J’ai une autre interview dans la foulée.
LFB : Quel dommage ! Est-ce qu’on peut en faire une toute dernière ou est-ce que ..?
Thurston Moore : Oui. Va pour une dernière, ok..
LFB : Donc je saute tout ça et… nous arrivons à la plus simple mais aussi la plus importante de mes questions : si le Thurston de 23 ans pouvait te parler, qu’est-ce qu’il te dirait ?
Thurston Moore : Je ne sais pas mais, moi, je lui dirais : N’aies pas peur de prendre conseil auprès de sages personnes qui ont vu et vécu tant de choses jusqu’à leurs 50 ans.
Tu penses peut-être avoir toutes les réponses, mais c’est pas le cas. Ce n’est pas le cas. Tu es peut-être particulièrement intelligent ou très talentueux. Tu as peut-être trouvé le remède contre le cancer, mais tu es encore en apprentissage. Et la plus grande sagesse s’acquiert avec le temps, avant tout. Tout est une question de temps qui s’écoule. De synchro, oui…
LFB : Je vois. Le temps…
Thurston Moore : Le temps est venu ! (vraie fin de l’interview)
LFB : Génial ! Merci beaucoup, c’était formidable de discuter de ton travail, de tes réflexions et de toi-même.
Et, avant qu’on se quitte, je peux te montrer ce qu’il y a derrière moi ?
Thurston Moore : Je t’en prie…
LFB : Parce que c’est la plus belle vue sur le port du Havre que tu n’auras jamais !
Thurston Moore : Wow, ça c’est une super vue, en effet. Fantastique !
LFB : Merci de m’avoir accordé du temps, Thurston. Passe une bonne journée.
Thurston Moore : Bonne journée, Sam. Bye-bye.
English Version
Flow Critical Lucidity
La Face B : Hey, Mr. Moore ! How are you doing ?
Thurston Moore : I’m doing okay !
LFB : It’s a pleasure to meet you after listening to you so much ! My name is Sam.
Thurston Moore : Hi Sam !
LFB : I represent the independent magazine La Face B and I’ll interview you on the release of Flow Critical Lucidity.
My first question is a classical one : what does the name of your new project mean to you?
Thurston Moore : Flow Critical Lucidity. It comes from a line from one of the songs and it means ‘‘to be aware of reality’’ while still giving dignity to your spiritual journey. So it’s the whole idea of equal values of your dreams and your responsibility in reality. It’s kind of a political, you know… phrase for me.
Where are you ? It looks beautiful !
LFB : It is a city called Le Havre. It is the England’s little sister !
Next question : do you think we can be lucid on one reality and blind on another ?
Thurston Moore : I think we need to be responsible. And this record, it really addresses to the reality of the natural world becoming unraveled, you know. For me, I’m very interested in the idea of meditation and prayer, healing for the natural world, which is very difficult…
We’re continually having to deal with these forces that go through leaders who are just demagogues. And we have to keep fighting against this, because these are systems that undignify the actual Earth that we all live on. I think without a place to live, we have no use for politics. It’s one way or another, I’d say that.
LFB : I got it.
Thurston Moore : I think it’s important to be… I like the word woke. There’s a lot of polarization around this word. I think it’s a great, great word, and I really like the idea of being woke. I think it’s a great concept. Something to award. Because it sets you apart from the typical capitalistic idea that is being promoted by the system media as the way to live. I think being woke is a way to live. To be aware, and to be in a state of creativity, also. So that’s flow, the idea of critical reasoning, critical listening.
In the USA, they have this thing against what is called critical race theory. And it’s this idea of educating young people about the history of racial discrimination in the United States. […] Critical race theory is a narrative that negates to the imperialist culture that is just a white male culture.
So that, to me, is something I continually push back against. And so I’m very much into critical race theory. I’m for what the right wing is against.
LFB : Interesting…
Thurston Moore : I like your tattoos, by the way. They’re very interesting !
LFB : Sorry?
Thurston Moore : I said you have very interesting tattoo.
LFB : Oh, thank you ! I’m tattooing myself sometimes, so you can see some bad tattoos !
Thurston Moore : Really ? So nice !
LFB : The 2nd track of the album is called Sans Limite, representing a French edition, I have to ask you why this title ? And why is it in French ?
Thurston Moore : Sans Limite… I would like to use all different languages on my records.
I think the idea is, while writing on it, I realized there was a lot of backlash going on against the core beliefs of people like Marine Le Pen.
And I like realizing that immigration is a part of nature. It’s essential to nature. Nature is constantly evolving from one environment to another. It is about learning how we live, how we move with it.
To create these hard borders with the idea that cultures are being threatened by immigration..? […] I think we need to understand how to work together to help each other. That’s, to me, maybe, this idea of ‘‘no border’’. I like the idea of people moving freely between countries. I’m not expecting French culture to be replaced by English culture or German culture or Turkish culture. I love the fact that we don’t have a common culture.
But I don’t think we need to stop people who are seeking better lives in other countries or calling for assistance with fleeing wars or famine. We need to help those whose only reality is migration. So I’m pro-immigration.
And I was thinking about what was happening in France with Marine Le Pen demonizing immigration. So I decided to put it in the song.
And I also have a French singer, a friend of mine, Laetitia (Sadier). She has a deep love for history and she sings the actual title of the song Sans Limite.
LFB : It is very relevantthat you speak about borders because of the current actuality.Indeed, 2024 is, since Thursday (03/09/24), the year that officially killed the most people in the English channel.
Thurston Moore : Yeah, because they are desperate to cross. It’s tragic. I think It’s tragic. It’s one of the very concerns I have as a human being. I was considering actually calling the album Sans Limite at first.
LFB : It’s a great title, too. I’ve got a lighter topic : In French, ‘‘sans’’ is the homophone forhundred. We say, in the same way, « no limit » and ‘‘many limits’’ !
Thurston Moore : Many limits..? Well, what I mean is no limit. Unlimited supply, unlimited potential, …
LFB : Sure. I hope so !
For many, the color of the tracks can influence the visual aspect of an album. How would you define the link between your songs and the photography of Jamie Nares’s sculpture, Samuraï Walkman (the album cover)?
Thurston Moore : I’ve known Jamie Nares for quite a long time. She was one of the first punk rock players in the U.S. In the 1970’s, in New York City… And I’ve always thought she was a great artist and filmmaker, and as a guitar player. She had a retrospective of her art and outsider works some years ago, and she asked me to play guitar as a soundtrack for her film, that is called Street. A wonderful film. It’s a camera that’s hidden inside of a van as it’s moving through the city of New York. And it’s filming people walking and running down the street. […] So I loved the film and I played music to it.
And […] she saw me using tuning forks in a recording, maybe 20 years ago, and you know that if you hit tuning forks, it actually makes sounds.
About the title, Samurai Walkman : She based it on the helmets the samurai used to wear. They all had these implements on them, like a metal crest or a series of bars. Yeah, I mean… she thought of it as a way to represent the duality of protection and aggression.
And in some ways, I thought the fact that it was a helmet so it protects you, but it also conveyed a sheer raw sound. Pure and powerful. (tuning fork’s sound)
I thought it was a cool one. I felt it was something I got to share. So, Yeah. I just wondered if it could work as cover art.
LFB : The French word for ‘‘tuning fork’’ is ‘‘diapason’’. It comes from ancient greek and means ‘‘through everything’’ and, on the sleeve, tuning forks come out through the helmet !
Thurston Moore : Oh Really ? So, it was all found !
LFB : I had access to the visuals of the songs and I really liked all of them. Especially the one for New in Town which made me think of Fugazi’s Red Medecine. You know… with the turned on amp ? After that I listened to the song and it turns out that you mention this band, among others. What did you mean with this namesdropping ?
Thurston Moore : I was thinking about this idea of discovering notions of identity and humanity. For me being part of that was all about finding ability to trust yourself. Even if it’s about community like Punk rock, or No Wave, or Indies, or Hardcore.
And I went to Hardcore shows like Minor Threat or Bad Brains. And one night. it was fantastic because the entire audience was setting on stage, and they would dive off of the stage, making circle pits, catching each other, jumping on top of one another, and singing the words, together, there were twenty people on top of each other. That richness of togetherness was basically acted by really young people. Teenagers !
When I was a teenager, I didn’t have that. For me, it was always about ‘‘become older’’. Wanting to. Coming to… like getting drunk, or, you know, being really stupid on your mandatory. On your teenage mind.
And in some ways, Hardcore was really in defiance of that. It was all about ‘‘Don’t fuck it up’’. Be responsible for your actions and for yourself as a person, not falling into the traps of addiction.
So, when I was in my thirties, I was at these Hardcore shows with all these young people running around. I would watch their faces, and I could see the raw energy in the youth, seeing the world that was offering them energy. So that’s the essence of those bands.
Minor Threat, Fugazi, … They were very much role models. Not only because they were musicians, but also because they represents a creative positivity. And so that’s what I’m celebrating.
And it’s kind of worth because even now I’m remembering this.
Knowing that you’re only new in town, you know… It’s great to experience something new. And so that’s the experience of discovering something new. It really only happens few times in your life.
It’s fleeting moments, and you need to start processing it. Right ? So you’ll embrace the feeling of being new in something.
It’s kind of my favorite song (New in Town). That’s why it resonates with me. And the music is interesting. This song completely expresses my thoughts. You know ?
It’s not a song I can play. I mean… creating all this guitar parts on it… and it was cut up, edited and taped together…
It’s a very experimental song and it was a one-time thing. Kind of a dead end road…
LFB : Continuing about songs, you chose to keep the song Isadora as a bonus track for people who will buy the LP.
Is this a different version than the one already released as a single ?
Thurston Moore : No… I feel it’s all about having enough space on one record. I would have never put it in the middle. It would also kind of… disrupted the flow of the record.
It’s a bit more of a popular tune, and the record has a more disjointed flow to it. It’s a rather quiet record. Which I’m okay with. But I would have liked it to be punkier too. That was one of the ideas. And we thought it would be both outside and inside the album.
That’s how it exists. On a flexi disc. It’s a side of the record. If you buy the LP, you’ll get a flexi. And it’s the only way to get it. Unless you get it through the marketplace (online). Today is Bandcamp Friday !
[n.b. the next Bandcamp Friday will take place on October 4, 2024.]
General Matters
LFB : I have 2 questions that may be considered delicate by some so feel free to interrupt me and I’ll cut it out.
There is a lot of commitment in your music, as it was in the Youth. How deep do your political ideas can influence your creative process ?
Thurston Moore : It is an essentially key shot. I find it to be refreshing ; it’s about being real and different. I think it’s not as if the idea of engaging in political work is going to change everything. It is not going to alter the actual reality of the world.
Well, I do believe there’s something to be said about art and poetry. This is to have this power of abstraction where you can be either beneficent to society or you can be angry and hateful. It’s up to you to choose who you are.
Yoko Ono, for example, don’t say the names of people she find careless with the Earth. She says the name of people who are saving deers, healing the Earth. Say the names of people that you thought their work is positive and don’t give it to the people you think they not.
It’s all about applying it through your own art. It’s all about expressing yourself through your art. And once you start talking about how horrible Donald Trump, how horrible Boris Johnson, how horrible Marine Le Pen are, or how foolish they seem […] And this idea of control through war.
So I like to say, I don’t want to end up singing or writing about them. But singing or writing about… Fugazi ! There is a lot of people doing great things, in the world. And, that’s what my politic is : doing work that shines a light on the actual people that you find beneficents.
LFB : In some media, we can observe a demonization of activism. They talk about eco-terrorism, woke culture, feminazis & so on … They discredit these movements on many levels …
Do you think that we can be too radical when it comes to defend our planet or oppressed populations ?
Thurston Moore : No. I don’t think they’re in the right place. I think it’s more about being positive and expressing the importance maintaining distance.
There will always be strategies to demonize and to discredit. Also by hijacking the language […] It’s very interesting because this idea of being in government has been embraced by what you might call the real radicals. In some ways, it’s a situation that has deceived people into not trusting the questions being asked… about the real issues at hand.
I noticed that a lot of people, who are in the culture of deception, are always involved in pushing lies : It’s always about buying and selling it. For example, now we have somebody who’s trying to discredit a smart woman and regardless of her politic. I mean, she’s a democrate and she’s busy with people. But she’s a very intelligent person as well.
Unlike Donald Trump, who is a rich kid. A wealthy individual supported by a right-wing cabal. But he’s convinces his followers that Kamala Harris is not a smart or competent person. Which is like saying “the color green is not green”. It is the idea of a statement, whether it is true or false.
This notion of making statements is prevalent. He is more focused on making noise than actually thinking. But he thinks he has all the rights and doesn’t need to focus on realities and policies.
It’s a bit like a cartoon, you know. Even here, in England, it feels like I’m watching something like a kind of cartoon.
I think you might find it powerful yet immature, appealing to those who seem to believe they can be told what to think, rather than thinking for themselves.
It’s the same issue present in all of our culture : the idea that we have Internet. Which is a severe and sophisticated means of communication. For the entire world but being diverted by some.
But when you think about the langage of Donald Trump, it’s really all about this immature mindset. He’s infantile… He’s like Googling the sounds babies make. That’s a great little baby… Twitter ! It’s like the idea of giving your baby the car keys.
LFB : Yeah. It’s a good metaphor.
Thurston Moore : I’m just trying to be aware of that. I’m sure it’s just temporary thing.
LFB : Mister Moore, do you have some extra time for me ? (interview time’s up)
Thurston Moore : No, I’m so sorry. I have another interview following.
LFB : What a pity, for me ! Can we get a last one? Or is it…
Thurston Moore : Yeah. Let’s do one more. Okay.
LFB : So I’ll skip all this and… we come to the simplest but also the most important of my questions :
If the 23-years-old Thurston could talk to you, what do you think he would say ?
Thurston Moore : I don’t know but, me, I would say, don’t be afraid to take advice from wise people who have all experienced life to their fifties.
Like, you might think you have all the answers, but you don’t. You do not. Maybe you’re highly intelligent or very talented. You may have found the cure for cancer but you’re still learning. And wisdom of all is attained through time. It is all about time passing by. Timing, yeah…
LFB : Yeah, time…
Thurston Moore : It is time !
LFB : Wonderful ! Thank you very much, it was a great time chatting with you about your work, your ideas and yourself.
And, maybe before we leave each other, can I show you what I have behind my back ?
Thurston Moore : Please…
LFB : Coz it is the most beautiful view on Le Port du Havre you will never have !
Thurston Moore : Wow, it IS a great view. Fantastic !
LFB : Thank you for your time, Thurston. Have a good day.
Thurston Moore : Have a good day, Sam. Bye-bye.
if you enjoyed this interview : Fontaine D.C. (interview), JPEGMAFIA (album review), Videos of the Week, etc …