Un MEMO, ou mémorandum, est une note que l’on prend d’une chose que l’on ne veut pas oublier. Et que son nouvel EP s’appelle ainsi ne nous étonne guère tant on retrouve chez Trente ce besoin de figer les instants qu’il vit ou les ressentis et pensées qui l’animent.
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Presque un an après nous avoir ouvert les pages de son journal intime dans Carnets, son premier album, il nous livre (et se livre également) dans les six chansons qui composent l’EP MEMO. Si vous ne connaissez pas encore Trente, sachez que derrière ce nom se tapit Hugo Pillard. Batteur fougueux et vidéaste expérimenté que l’on retrouve associé à une multitude d’autres projets (Pomme, Pi Ja Ma, Tim Dup, Fils Cara… pour ne citer qu’eux, sans oublier l’incontournable Tomasi).
Numérologue peut-être sans le savoir, les nombres forment souvent les titres des compositions de Trente. Une année, un numéro de chambre, autant de balises chiffrées qui donnent parfois aux chansons de Trente leurs structures narratives.
Jouer avec le temps, 2042qui ouvre l’EP est une projection dans le futur. Né d’une discussion avec son ami Nico en 2022, ils ont imaginé à qui ils ressembleront vingt ans plus tard. Même avec une ligne musicale apaisée, penser au futur peut donner le vertige. «je serai papa ou seul et sans amis ». « Gentil ou un gros con aigri ». Deux petites voix – ange et démon – s’interpellent et se contrarient dans les alternatives qu’ils proposent. Mais entre révolte et résignation, il existera toujours un chemin à suivre. Et si l’on ne l’a pas encore découvert, on peut toujours le tracer. Nos aspirations « et qui sait, je l’aurais eu ma palme d’or » seront toujours présentes pour esquiver nos aversions.
Et si le futur peut inquiéter, le présent peut lui aussi être source d’angoisse. En 2023, nos vies sont obnubilées par le flux incessant des notifications que l’on subit de la part des médias et réseaux sociaux qui résonnent sans forcément raisonner dans nos smartphones. Violence et douleur teintent les messages que l’on reçoit. Et l’on ressent doutes comme dégoûts nés de l’acharnement que l’on subit. Distorsions et saturation font musicalement résonance à cette confusion.
Quitte à trouver moins de plaisir à sortir et à se retrouver invités Chambre 204 pour faire la fête. Un morceau super dansant conçu avec une énergie DIY et des medleys de samples improbables. À la fois envoûtant et désillusionné, car au final – un peu comme dans le film Denise au téléphone de Hal Salwen – personne ne viendra Chambre 204.
Lorsque l’on est gagné par l’insomnie, la nuit devient un ouvroir de souvenirs. Le calme perceptible catalyse nos pensées. On se met à se remémorer avec une certaine nostalgie les moments passés. Une première histoire d’amour – importante – que l’on revit avec les sentiments exacerbés de l’adolescence. Une histoire qui n’est ni triste ni heureuse ou plutôt probablement les deux à la fois. Une mise en abîme des sentiments, sans plus savoir ce qui nous animait vraiment, l’amour de l’être aimé ou la fierté de se sentir capable d’aimer. 2012 est l’année durant laquelle ce tourbillon sentimental nous a emportés. 2012 n’est pas vraiment une chanson, mais plutôt une confidence faite à soi-même et mise en musique.
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Un Memo qu’on se laisse à soi et peut-être, à travers la chanson, à celui ou celle que l’on aime ou que l’on a aimé. Mélancolique de la mélodie jusqu’aux paroles. Memo, pour ne pas oublier aussi bien les moments agréables que les moments tristes où l’on se fait du mal sans raison. Les altérations musicales présentes dans le morceau sont le reflet des difficultés qui s’immiscent souvent dans nos relations. Trente utilise ces bugs ou ces instabilités sonores (comme il les nomme) pour apporter, à la fin de la chanson, un apaisement salvateur.
Juno + Juno répond en écho à Memo. Une introduction a capela emplie de doutes et de scrupules laisse place à une ligne musicale plus solaire presque en apesanteur qui pourrait être la bande son d’un jeu vidéo (on pense à Yume Nikki) dont on explorerait les cheminements et les illusions.
Faisant suite à Carnets, Memo regroupe six chansons qui même si elles diffèrent les unes des autres se complètent à merveille. Les habits dont Trente se pare dans ses compositions sont tissés d’intimité et de sensibilité. Forcément, cela résonne en nous.
Trente sera en concert le 10 mai 2024 au Pop-Up du Label pour la release de Memo, ne le loupez pas !
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Retrouver sur La Face B, la chronique de son premier album Carnets :
TRENTE – #1 CARNETS
ainsi que les photos de la release party au Pop-Up du Label :
TRENTE RELEASE PARTY #1 CARNETS AU POP-UP DU LABEL