Tuerie : “Je ne suis jamais aussi sincère dans la vie que derrière un micro.”

A l’occasion de sa venue à Bruxelles pour son Papillon Monarque Tour, La Face B a rencontré le Boulonnais Tuerie dans le magnifique cadre du Botanique. Un moment où il a pu se livrer sur sa vision du rap d’aujourd’hui, de la création de son projet empreint de ses multiples influences et de son rapport à la famille. Une discussion à l’image de son rap : brut et authentique.

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La Face B : Bonjour Tuerie ! Papillon Monarque est sorti il y a plus de neuf mois à présent, comment est ce que tu te sens ? Est ce que tu es content des retours ?

Tuerie. : Je me sens bien, et très fier d’avoir des retours aussi positifs. Je suis reconnu, sans être riche… Pas encore (rire). Mais c’est fou l’ampleur que ça a pris. C’est comme une traînée de poudre, j’ai l’impression qu’il y a eu une espèce de jolie gangrène. Je suis juste trop fier !

LFB : La suite logique maintenant c’est la tournée, d’où notre rencontre. On a déjà eu la chance de te voir à Bruxelles lors de ton passage au Grünt à Bruxelles.

Tuerie : Putain ! Vous étiez là au Grünt ! Est-ce que vous vous souvenez de l’état de Jean Morel ? C’est une crème, quelqu’un que j’aime beaucoup. Mais il y a eu tellement de problèmes techniques lors de mon passage que je suis un peu resté sur un goût amer. Déjà que, lorsque c’est un gros plateau, ton temps est réduit, ce n’est pas la configuration la plus simple.

Du coup, ce soir, je suis trop content car je viens dans une ville que j’adore. Mais aussi car je suis en total revanche. Là j’ai 1h10, pas pour effacer une performance, parce que au final, les gens étaient tellement bienveillants que c’était beau. Mais, pour donner une vraie dose.

Il y a aussi une autre raison. Les trois premières dates de la tournée ne se sont pas passées comme j’imaginais. J’étais ultra malade, c’était une sorte d’épidémie très bizarre, une sorte de mi-Covid mi-grippe où je ne comprenais rien. Et du coup, j’avais l’impression de carotter les gens parce que je ne savais pas me donner au max. Mais là, non seulement je suis en train de récupérer ma voix et mes aigus, mais les conditions sont optimales pour ce soir.

LFB : En plus d’une soirée sold-out, c’est aussi une configuration particuliere avec cette scène 360° au centre de la salle, qu’est ce que tu en penses ?

Tuerie : Alors, il faut savoir que j’ai fait beaucoup de lives très tôt. Vers mes 15-16 ans, je participais à tous les tremplins qui pouvaient exister et j’étais complètement fou de ça ! Maintenant, à maturité, à la trentaine, je suis plutôt cool dans mon studio. Je préfère limite le studio. Mais je suis béni par des automatismes que j’ai pu acquérir sur les lives bien avant. J’ai pu faire des lives dans des conditions rustiques ! J’ai déjà fait des lives au parvis du Stade de France, avant Urban Peace. C’est-à-dire que les gens vont chercher leurs bières et passent 4 secondes leurs têtes pour savoir ce qu’il se passe (rire).

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LFB : C’est aussi une époque où le rap n’est pas ce qu’il est à l’heure actuelle. Il y avait moins de gens qui se bougent, moins de structures.

Tuerie : Le rap, c’était déjà chaud à l’époque, mais c’était plutôt “on s’en bat les couilles”. Et il fallait attraper ces gens-là qui étaient juste là pour voir des Gims, Booba, etc. Donc, ce n’est vraiment pas une scène ronde qui me fait peur, bien au contraire ! Là, je suis dans une configuration que j’ai déjà travaillé mille fois dans ma tête.
À la fin, mon but c’est de passer un peu en scène avec une grosse chorale, et c’est pour ça que c’est aussi un choix de ne pas avoir de musiciens. C’est un pied de nez où à l’époque je n’avais pas accès au conservatoire et que j’avais ma voix comme seul outil.
Aujourd’hui, c’est juste encore une fois pour rendre hommage à cette époque que je bosse qu’avec des voix comme instrument. Ce soir, je n’ai pas de choristes, mais je suis avec Cosmo, qui est un super producteur. Le gars, à 14 ans, il a placé Train de vie de Koba La D. C’est lui qui fait les arrangements, donc quand il est là, je ne crains absolument rien. Que la scène soit ronde, rectangle, triangle, peu importe !

LFB : On a cette impression qu’il possède plusieurs casquettes, de sorte qu’il fait totalement partie du show.

Tuerie : C’est une nouvelle pièce. Et on a un truc en commun c’est que nous sommes tous les deux des enfants du sourire. Enfin des enfants, lui c’est un bébé par rapport à moi (rire). Mais il a toujours le smile, et c’est trop bien. Car en général j’ai toujours un public qui est bienveillant, et quand je me retrouve dans un coin où il y a un angle mort, un coin que je ne peux pas surveiller, je sais que Cosmo sourit. Et c’est hyper plaisant de savoir que tu ne délaisses personne, car il y a un mec avec la même bienveillance que toi derrière.

LFB : Dans une interview pour le premier hors série de Mosaïque consacré à Foufoune Palace, tu expliquais que tu avais peur de travailler avec une version plus heureuse de Tuerie, d’où vient cette appréhension ?

Tuerie : Personnellement, pour ne pas être hypocrite, j’adore les artistes tristes. Genre, Adèle, qui chante à quel point elle est heureuse, j’en ai rien à foutre (rire) ! Mais en général, quand on sait qu’elle arrive avec un album, on va se dire “Wow, elle va pleurer un petit truc, et ça va être trop bien”. Par exemple, quand James Blake, que j’aime beaucoup, est heureux, je suis trop fâché ! Ça perd du juice ! Et c’est pour ça que je pourrais comprendre le fait qu’un public soit désarçonné par le fait que j’arrive avec une version plus solaire de moi-même mélodiquement.

Par contre, je ne m’interdirais pas de faire de la musique lumineuse. Il y a juste cette petite appréhension de “Eh, je règle des problèmes, ça peut aller mieux, comment les gens vont prendre la chose”. Mais j’ai encore la chance, pour l’instant, d’avoir un max de problèmes, mais j’y pense.

LFB : Justement, il y a eu cette sorte de vague dans le rap où certain “romantisaient” la tristesse pour faire des chiffres.

Tuerie : Olala, mais eux, j’ai envie de les choper par le colback ! J’en parle mais je ne cite pas de noms dans No More. Je n’ai jamais construit un morceau pour faire pleurer les gens. Par exemple, même Là où on dort heureux a été créé avec cette première intention où, personnellement, c’était de faire sortir un truc qui était très lourd. Et, en deuxième intention, je le voulais comme une sorte de pansement et de refuge pour les gens qui trouvaient ça injuste de perdre une belle personne. Mais encore une fois, c’était dans un souci de “On est ensemble et ça va aller. On peut battre ce mal”.

LFB : Tout se résume à un mot simple : l’authenticité. Lorsque tu abordes les sujets avec cette authenticité, on sent qu’il n’y a pas de calcul, seulement une réalité, et peut-être un besoin de l’exprimer en musique pour voir une amélioration de ta situation. De plus, il y a ce phénomène universel : les personnes ayant vécu la même expérience peuvent s’en servir pour se questionner et trouver des solutions.

Tuerie : Personnellement, je ne suis jamais aussi sincère dans la vie que derrière un micro. Car je suis un peu derrière cette espèce de safe zone, où la musique m’a sauvé plus d’un milliard de fois. Donc quand il s’agit de musique, je n’ai vraiment plus peur d’exprimer ce que je ressens, même les secrets les plus enfouis. Je pense sincèrement qu’aujourd’hui je suis un peu plus sincère en musique que dans la vraie vie.

Car dans la vraie vie, les masques, c’est autre chose, je mens encore, ou il m’arrive de cacher la vérité, de faire comme si tout allait bien. Alors que dans la musique, dès que je suis derrière un micro, c’est mort. Le micro est mon premier psy. Mais comme je dis toujours, “C’est une première étape”. Si les gens ont des galères, il faut bien sûr aller consulter ! Là, je ne connais personne qui a pu se soigner uniquement avec la musique. Mais moi, c’est ma première preuve de courage.

LFB : Ton honnêteté et ta transparence peut parfois faire peur. Dans le sens où tout le monde à accès à cette partie de toi. Comment travailles-tu avec ça ?

Tuerie : Ce n’est pas si effrayant que ça. Tu n’as pas vraiment besoin d’être artiste pour capter ce truc-là. On retrouve également ça dans ce qu’on appelle la vraie vie. Parfois, je remarque que c’est plus facile de se confier à un étranger car la personne ne va pas vraiment te juger, ou alors tu te dis : “De toute façon, il s’en bat les couilles de ma vie, il va partir avec les infos et il aura oublié demain” (rire). D’où les personnes qui boivent, qui ont l’alcool un peu triste et qui ont tendance à se livrer à ceux qui ne les connaissent pas. C’est la même chose. Je pense que c’est exactement le même processus.

La première fois que je l’ai fait, par exemple sur Blue Gospel, je ne m’attendais pas à ce que les gens me comprennent. D’ailleurs, tout au long du processus, je me disais : “Mais je suis complètement fou de raconter tout ça !” Les gens s’en tapent, et ne vont sans doute même pas comprendre. Et quand j’ai capté qu’ils comprenaient, et que des gens, qui étaient à des milliers de kilomètres de ce que je pouvais vivre, avec de la compassion, arrivaient sensoriellement à me tendre le miroir et me dire : “T’inquiète, on est là aussi, on est dans la même merde !” Ça fait trop du bien ! Ça m’a soulagé de me dire que je n’étais pas seul. Et ça fait partie des petits cadeaux de la musique.

LFB : Tu as été bercé par de nombreux styles parfois totalement opposés, est-ce que ce n’est pas parfois trop compliqué à digérer ou à canaliser ?

Tuerie : J’en suis à une étape de ma vie où, c’est un peu marrant, je fais absolument ce que j’ai envie de faire en musique. Je ne mets pas une heure à choisir une composition. C’est vraiment le coup de foudre, peu importe que ce soit du rock, du jazz, du classique, de la trap ! Si ça me plaît, j’y vais ! Ce sont un peu mes bases, mes fondations. Ma mère m’a toujours appris qu’il y avait que deux types de musiques : la bonne ou la mauvaise musique. Si tu écoutes de la bonne musique, peu importe le style.

Par exemple, aujourd’hui, je me suis fait repérer par un VTC qui, à ma dégaine, avait deviné que je faisais de la musique. Il m’a demandé de mettre ma musique sur ses enceintes. Je sortais du studio et j’avais une maquette toute prête. J’appuie sur play et ça a d’abord joué le premier morceau que j’avais sur Apple Music. Et c’était Bring me to Life d’Evanescence (rire) ! Il disait : “Ah ouais, ça a changé le rap !” Ce sont des moments comme ça que je chéris aujourd’hui.

LFB : On a cette impression où, surtout dans le rap, lorsqu’on commence à l’écouter et à en comprendre la culture, on a tendance à s’enfermer dans ce style, quitte à ne rien découvrir d’autres. Est-ce que ça a été ton cas un moment, ou est-ce que tu as toujours assumé ce côté touche-à-tout ?

Tuerie : J’ai presque toujours assumé ce que j’écoutais. Je viens de Boulogne-Billancourt, une ville où il y avait deux axes. Un axé sur le rock, où le renoi qui faisait du rock à l’époque entendait souvent : “Eh ! Va faire du rap !” Et celui qui écoutait du rock, mais qui avait envie de faire du rap, se faisait dire : “Renoi, tu n’as pas bien choisi ton camp, retourne faire du rock, défrise-toi les cheveux, il y a des groupes comme BB Brunes où tu pourrais encore trouver ta place. Et si tu ne joues pas d’un instrument, tu feras du triangle” (rire)!”

En fait, j’ai toujours été une sorte d’OVNI dans une ville où il y a des codes de rap hyper durs. On a eu cette culture à Boulogne-Billancourt, où mes aînés, par exemple Booba, Ali, Salif, Zoxea, avaient du Mobb Deep, Wu-Tang en intraveineuse. C’était très New-York à Boulogne. Et moi, j’ai toujours été un espèce d’hybride. Mais je n’ai pas lâché l’affaire. J’étais très têtu, et ça n’a vraiment pas été facile. Par moments, j’avais envie d’abandonner, parce que les gens me voyaient uniquement comme le weirdo. Et aujourd’hui, je trouve ça fou justement d’être toujours ce weirdo et d’avoir autant d’influences.

Les gens parlent de changement de prod, de changement de style. Ce qui fait qu’aujourd’hui, peu importe si je chante, si je rap ou si je mélange les styles, il y a un truc qui reste homogene, c’est cette voix. Celle qui s’est tapée pour justement imposer ce truc. Et aujourd’hui je n’ai plus du tout de mal avec ce truc là, c’est ce qui fait ma force. C’est grâce à ce truc là aussi que j’estime être “seul dans mon couloir”. Et c’est trop cool d’être seul dans son couloir par ce que c’est plus facile d’être le meilleur (rire).

Il y a un meme qui est trop rigolo, où tu as un mec qui est vénère avec des écouteurs, et ça montre ce qu’il écoute vraiment. C’est toute ma scolarité ! J’ai eu la chance de raconter ça à Tunisiano, cet espèce de parrain (rire). Le temps d’un trajet vers Nantes car il s’occupe de Coelho que j’avais assisté sur scène. On parlait de cette époque pendant le trajet, et je lui expliquais qu’à des moments, des gens pensaient que j’écoutais des trucs hyper gore alors que j’écoutais des Sans (re)Pères ou du Wallen qui m’accompagnait et qui me faisait bouger la tête comme si j’écoutais un truc ultra hardcore. Mais le plus hardcore pour moi c’est le manque d’ouverture. A des moments j’en ai eu marre et j’ai commencé à mettre des casquettes à l’envers comme mon héros Fred Durst.

L’important, c’est d’épouser la culture. Ce n’est pas parce que j’écoutais des choses différentes que ma base différait. Moi j’étais grave dans les baggy’s, mon modèle c’était Allen Iverson, le mec qui a littéralement fait interdire les tenues streetwear des couloirs de basket tellement il était insolent. C’est en grandissant avec ce genre de modèle que t’épouses cette culture.

LFB : Puis le rap c’est une musique qui est basée sur le sample, les rappeurs ils ont des influences ultra-diversifiées. Et à l’heure actuelle en devenant une des musiques les plus mainstreams, le rap s’est grave ouvert aussi.

Tuerie : Ouais ! Il y a cette ouverture, parce que en ce moment les gens se posent beaucoup moins la question. Et, secrètement, je suis trop fier parce que je me dis que ce sont des mecs qui ont vécu les mêmes trucs que moi, et moi-même, qui avons commencé à défoncer une porte que les gens aujourd’hui ouvrent sans complexe. « Ah ouais, il y a un gros trou là ? Bah j’y vais, bien sûr ! »Je suis vraiment fier d’avoir aidé à décoincer cette porte-là. Et c’est pour ça que je suis aussi fier de mon frère, Luidji, parce que c’est aussi ça, Tristesse Business. Ça fait partie des trucs sans règles.

LFB : À l’image de Miskine, qui est hyper audacieux, mais tellement dans l’air du temps. C’est intéressant car on associe surtout Luidji au rap, mais en écoutant sa discographie, tout est parfaitement cohérent. C’est chouette de voir que certains artistes ne se préoccupent plus de savoir s’ils peuvent s’aventurer en dehors du rap ou pas.

Tuerie : Je suis très jaloux du morceau Miskine. Parce que ça, c’est vraiment de la musique qui me transcende, et c’est carrément un de mes couloirs préférés. C’est un des trucs que je montrerai certainement plus tard, parce que je l’ai déjà beaucoup fait à une époque où j’étais moins exposé. Mais, ce truc d’aller sur ces sonorités rock, qui, en réalité, est de la musique noire. Je vois des débats, des gens hyper fâchés chez nos amis les Ricains. Ils sont trop fâchés que Beyoncé fasse un album country, par exemple. Alors que c’est de la musique noire, tout simplement. Et ce n’est pas parce que les super-héros et têtes d’affiche sont non racisés, que les gens n’ont pas le droit de faire cette musique.

Et quand j’ai entendu Miskine, j’ai vu plus loin. Je me suis dit : “Putain ! Il est allé dire à ce voleur d’Elvis Presley, ‘Eh, donne ça là ! J’ai un ancêtre qui n’avait pas les cheveux gominés, qui le faisait aussi bien ! Donc, je reprends mon truc ! Tu as le droit de le faire mais je le reprends (rire) !” Et c’est pour ça que j’adore ce morceau.

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LFB : On peut retrouver cet effet dans la musique électronique, où, par exemple, la house est aussi une musique noire de base. Et quand tu vas dans un festival électro qui passe de la house, tu as majoritairement un public de blancs, qui ne possède aucune conscience de l’héritage culturel de cette musique. Un public qui, sans entrer dans les généralités et les clichés, ne veut pas entendre ou comprendre qu’il s’agisse d’une culture, et ne rend pas ses lettres de noblesses aux personnes qui ont popularisé cette musique. C’est également un débat qu’on entend de plus en plus dans le rap.

Tuerie : C’est fou parce que je trouve ça à la fois bizarre et à la fois beau. Le fait que les gens ne se posent plus trop la question, avant, d’épouser un genre. Là où ça va me déranger, c’est quand des gens ne respectent pas la culture. Des gens qui manquent de curiosité ou qui ne veulent pas s’informer, et qui se prennent pour des experts du sujet. Ça, c’est quelque chose qui me dégoûte beaucoup. Mais sinon, chez moi, il y a un ‘super-pass’, où tout le monde est invité à apprécier ma musique, à la chanter.

Mais si je vois un N-word dans la foule, je vais bien regarder et lui dire : ‘T’es sûr que t’as dit ça ?!’ Et quand je ne le fais pas, quand je vous parlais de bienveillance, il y a des gens dans mon public qui n’acceptent pas ça, ils éduquent pendant le concert. Et c’est ça qui est cool. Je « capte» que quelqu’un qui manque de finesse et d’éducation à ce niveau-là puisse le faire délibérément. C’est comme un enfant qui, avant de savoir qu’il ne doit pas mettre les mains sur la plaque à induction, se brûle.

LFB : Pour avoir discuter avec des gens dans la foule lors de concerts, j’ai remarqué que la plupart ne réalisent pas la profondeur et l’importance de l’héritage derrière ce mot, et qu’ils ne parviennent pas à saisir la gravité de la situation.

Tuerie : Oui, c’est ça ! La question qui me revient souvent, c’est : “Oui, mais pourquoi toi tu l’utilises si c’est aussi péjoratif ?” Mais en fait, c’est comme pour tout. Je l’utilise parce que, pour moi, c’est un pied de nez énorme de pouvoir l’utiliser et de le rendre stylé le temps de deux minutes trente. C’est notre truc à nous, notre marque de fabrique, de transformer la tristesse en business, de convertir des chaînes qui sont censées nous emprisonner en parures brillantes. On transforme justement des chaînes d’esclaves en VVS. C’est exactement le même principe. Toute ma musique, c’est soit du contre-pied, soit des pieds de nez, car c’est l’enfant éternel en moi.

LFB : Tu en parlais un peu dans Blue Gospel : ton fils ! On sait déjà qu’il fait du 27 (rire).

Tuerie : Ouais maintenant il doit faire carrément un 30 ou un petit 31, ça pousse vite, surtout lui ! (rire)

LFB : Il est beaucoup plus présent dans Papillon Monarque, est ce que cette paternité a eu un impact sur ta vision artistique ? On sait également qu’il écoute du Gazo, est ce que tu appréhende le fait qu’un jour il veuille devenir artiste, et surtout rappeur, comme son père ?

Tuerie : Oui, il y a cette crainte, mais je ne ferai pas la même erreur que mes parents, c’est-à-dire de ne pas m’accompagner dans la démarche par peur. Je pense avoir perdu beaucoup de temps à cause de cela. Si j’avais été bien accompagné, les choses auraient été beaucoup plus faciles pour moi. Alors, si c’est ce qu’il veut faire, je l’accompagnerai de toutes mes forces. Mais s’il ne le fait pas, purée, je serais très content (rire).

Parce que c’est un privilège. J’ai beaucoup de chance de travailler avec mes frères, avec une bonne équipe. Ce n’est pas un modèle récurrent, toute cette équipe, cette formation qui se surprotège. Nous sommes hyper sauvages et solidaires. Nous partageons évidemment sur scène, mais en coulisses, nous nous protégeons tous. Tu ne nous vois pas souvent en soirée, par exemple, parce que nous avons décidé de le faire rien qu’entre nous. On ne nous a pas toujours ouvert les bras, donc c’est aussi un mécanisme de défense. Mais il n’est pas dit que mon fils aura la chance d’avoir un Foufoune Palace bis dans sa vie.

C’est pour ça que ça me fait un peu flipper. Mais c’est indéniable, c’est un créatif. Déjà, il aime danser. Quand on fait de grosses dates parisiennes, il n’est jamais très loin, il guette avec son casque anti-bruit. Parfois, il me regarde et me dit “M’oublie pas ! Je veux venir aussi !” Donc, s’il veut faire ça, je l’accompagnerai, mais ça reste flippant, et je ne peux pas totalement en vouloir à ma mère. Car l’industrie, maintenant que je la côtoie, est hyper carnassière.

Et là on parle que de l’aspect de l’industrie. Mais aujourd’hui, je l’ai une semaine sur deux, et quand il y a des périodes de tournée, ou des périodes de créa où je suis beaucoup au studio, je ne le vois pas beaucoup. Est-ce que ce sont ces sacrifices là qu’il aura envie de faire ? Par ce que tu as beau ne pas le voir, revenir et acheter tous les jouets possibles, ça vaut pas le temps que je passe avec lui. Et à la fin, je suis sûr et certain que ce qu’un enfant retient c’est le temps passé avec lui. Donc c’est aussi pour ça que je n’ai pas envie qu’il rencontre les mêmes sacrifices que moi.

Mais je souhaite à n’importe qui d’avoir un enfant, car c’est un bonheur immense et indescriptible. Je pourrais t’expliquer dans les moindres détails, mais je ne pourrais jamais te spoiler l’émotion que c’est. C’est dingue ce feu d’artifice que tu peux ressentir dans ton cœur. Quand il est arrivé, quand je l’ai tenu dans mes bras pour la première fois, le premier truc que j’ai eu envie de faire c’est appeler ma daronne et m’excuser. C’était ma première émotion. Bien sûr, j’étais déjà ému, mais il était là depuis seulement quatre secondes et je l’aime déjà tellement fort que je pense déjà à quand il ira en club, etc. Si j’ai déjà du stress, alors je me demande dans quel état était ma mère par ce que j’ai fait les 400 coups (rire) !

LFB : À part te souhaiter une excellente date, que pouvons-nous te souhaiter pour la suite ?

Tuerie : Franchement, vous pouvez me souhaiter la santé, car quand tu es vraiment malade, c’est toujours le rappel ultime. Donc, déjà une bonne santé pour la suite. Et que le prochain projet ait le même effet avalanche. Car il y avait déjà des aficionados avec Blue Gospel, et c’était génial de ne plus se sentir seul. Avec Papillon Monarque, ça a amené tellement de convaincus en plus. Si on peut encore avancer de la même manière, même si ça prend du temps, ce n’est pas grave. Je suis prêt à attendre une année dans l’ombre de plus.

Donc, vous pouvez simplement me souhaiter du succès et que tout mon entourage soit en sécurité. Car quand une roue du carrosse flanche, c’est toute une organisation qui est bouleversée. Et nous voulons simplement continuer à fonctionner pour le bien de nos familles et pour le divertissement que nous pouvons apporter.

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