Ultra Dramatic Kid de Muddy Monk est sorti le 1er avril 2022. Loin d’être une mauvaise blague, l’album prend aux tripes et on veut crier à qui veut l’entendre d’aller écouter ce petit artiste indépendant qui prend une grosse place dans nos coeurs.
Un album volcanique
Muddy Monk a dormi longtemps, 4 ans exactement depuis son dernier album (beaucoup moins depuis son dernier EP, je le concède), avant de nous offrir le magmatique Ultra Dramatic Kid. C’est ainsi que nous débutons l’écoute de l’explosif Intro, avec beaucoup d’attentes et d’espérances. Rivalisant d’audacité, nous sommes une nouvelle fois happés dans le riche univers de Muddy Monk dès les premiers accords. L’harmonie ne semble pas au rendez-vous, les dents grincent, les oreilles saignent… Et pourtant! Les multiples éléments sonores s’arrangeront pour former l’une des pistes les plus extraordinaires de l’album. Les pieds se mettent à battre le rythme, la tête épouse les notes de la guitare et l’esprit décolle avec l’arrangement vocal pour nous emmener vers une toute nouvelle histoire, celle de Guillaume Dietrich.
Notre suisse a en effet bien évolué depuis Longue Ride. Évolué mais pas changé. Muddy Monk conserve les synthétiseurs et sa voix de tête si significatifs de sa musique mais y ajoute plus de vie et de passion, moins de retenue et d’effets convenus. Fini les chansons planantes à écouter au lever du soleil dans la Peugeot 208 direction Saint-Malo. Ultra Dramatic Kid nous fait lever le pied de l’accélérateur… pour venir le poser à terre et proposer sa meilleure danse, qu’elle soit sous le scintillement d’une boule à facette comme dans Face ou pile ou sous le regard d’une statue dans un parc public pour Satin Dolls. Muddy Monk veut faire sortir toute notre frustration avec la plus grande honnêteté et la plus grande finesse. Il n’oublie pas pour autant de nous procurer quelques décharges acides. Les paroles de TR mettent ainsi nos petits cœurs d’artichaut à mal dans une track ultra dramatique quand la piste instrumentale de 3546.85°C est presque cauchemardesque.
Une construction erratique mais pas anodine
Les fans invétérés de Longue Ride ne seront pas déçus. Muddy Monk revisite en effet En Léa avec Suzie. La carcasse est exactement la même mais une nostalgie et un effet rétro viennent se greffer pour créer, finalement, une version assez différente de l’originale. Le même résultat se produira avec Slow la deuxième version de Splash s’il est possible de dire. Le clin d’oeil d’En Léa peut être vite compris par sa forte popularité mais pourquoi reprendre Splash? Ce titre terminait Longue Ride comme Slow termine Ultra Dramatic Kid. Calme et reposante et pourtant emplie d’une forte affliction, l’ultime morceau est le plus long de tout l’album, presque quatre fois la longueur de TR, c’est dire ! Si les deux titres sont dédiées à un amour, Slow officialise la fin de celui-ci. C’est pourquoi il était nécessaire de revenir dessus.
Le nerf de l’album se cristallise autour de Smthng (ndlr : à prononcer Something pour plus de commodité…). Le son crépitant du vinyle, les notes répétitives et énergiques, Muddy Monk s’insurgeant à sa manière si singulière, cette piste est un savant mélange de flottements expectatives et de pétarades flamboyantes. Puis Satin Dolls parachève de tout déflagrer. Nombreux sont ceux d’ailleurs qui qualifieront la 6ème piste d’Ultra Dramatic Kid comme d’une « masterpiece ». Complètement déconstruite avec son refrain en introduction et ses couplets instrumentaux, et pourtant soigneusement organisée, Satin Dolls représente tout le génie pop de Muddy Monk.
Ce principe de déconstruction et de reconstruction se retrouve partout dans l’album, lui conférant à la fois une belle unité et créant une sensation de réminiscence. Dès la première écoute, nous avons l’impression de tout connaître malgré que nous n’ayons jamais rien entendu de tel. Voilà la force de Muddy Monk. Être capable d’utiliser à la perfection ses fusils de Tchekhov, ses sonorités disséminées ça et là. Et la comparaison ici avec un procédé récurrent en cinématographie n’est pas anodin car Ultra Dramatic Kid n’est pas juste un album mais aussi un court-métrage. Multiples clips, de TR à Soldat Boy, il y a de quoi se faire plaisir. Ou alors direction immédiate au film de 23 minutes et 46 secondes disponible sur YouTube réunissant tous ces derniers, et plus encore. De la même façon que Magritte mélangeait du banal et de l’étrange, Muddy Monk et Félix de Givry nous propulse dans le futur rétro d’Ugo Bienvenu (absolument représentatif du principe de l’inquiétante étrangeté énoncée par Sigmund Freud) avant de nous faire retrouver une humanité empreinte de spiritualité déjà explorée dans le clip de Splash. Les clips ont d’ailleurs fait l’objet de toute notre attention ici, là, ou bien par-là, et peut-être un peu par-ici et encore par-là, témoignage de notre fascination au sein de la rédaction pour cet artiste incroyablement innovant.
Muddy Monk a réussi encore une fois à nous charmer non pas cette fois-ci par sa candeur mais par son ardeur. Il est déjà évident que le suisse signe un autre grand classique des CDthèques de collectionneurs. Allez rapidement vous procurez le votre avant que la rupture de stock ne vous prive d’une masterpiece…