Une conversation avec Ariane Roy

Si vous suivez nos aventures, vous savez qu’on a toujours une oreille qui traine vers les nouveautés venues de nos cousins du Canada. Parmi elles, on a été particulièrement marqué par Medium Plaisir, le premier album de Ariane Roy. Après une découverte live aux Francofolies de La Rochelle, on a eu plaisir à la retrouver à La Rochelle pour discuter avec elle de sa musique.

Crédit : Eva Duc

La Face B : Salut Ariane, Comment ça va ?

Ariane Roy : Ca va très bien. J’me sens super bien, j’me sens détendue, j’me sens quasiment en vacances !

La Face B : Est-ce qu’il y a eu une pression particulière à l’idée de présenter ta musique en France ?

Ariane Roy : Bah oui, quand même un peu ! (rires) C’est surtout que c’est la première fois que je présente vraiment le spectacle complet. C’est l’inconnu, on ne sait pas du tout comment les gens vont recevoir ça mais j’ai très hâte de jouer. J’ai beaucoup de plaisir à le faire.

La Face B : J’ai beaucoup écouté ton album, je l’ai écouté après t’avoir découverte en live justement à Montréal, je me demandais comment tu avais fait pour condenser ton énergie du live dans un album ?

Ariane Roy : Comme on a commencé avec l’album, tu vois ça a été plus, après, sur scène que j’ai l’impression qu’on s’est encore plus permis. C’est plus rock le show live que l’album. Puis pour moi, c’est correct que l’album et la scène soient deux choses différentes, dans lesquelles je peux explorer autre chose puis encore plus me permettre de m’incarner je pense. Mais ç’a été compliqué de rendre l’album en live parce qu’y avait beaucoup dans cet album-là, il fallait quand même faire des choix, mais au final, c’est deux choses différentes.

La Face B : Oui comme tu dis, ton album il est très pop et je trouve que sur scène tu as un côté beaucoup plus rock, beaucoup plus explosif en fait qui ressort… La guitare ressort beaucoup plus sur scène.

Ariane Roy : Oui, oui, clairement. Sur scène, ça devient beaucoup plus rock, plus loud, plus fort. Puis je pense aussi que je découvre les chansons encore plus quand je les fais à répétition. On peut encore plus expérimenter des choses ou les revisiter. Souvent, j’ai goût de revisiter mes chansons mais j’avoue que des fois je m’en empêche un peu…

La Face B : Ton album s’appelle « medium plaisir », qui est un titre assez drôle je trouve, est-ce que pour toi le medium plaisir c’est un peu la représentation de ce que tu as vécu depuis le premier confinement et puis la sortie de ton premier projet en fait ?

Ariane Roy : Oui, ça représente en fait les sources d’inspiration de cet album-là, les choses sur lesquelles j’ai écrit… Des fois ça partait de choses très belles, très fortes, très intenses que je vivais autant que des échecs, des périodes de remises en question extrêmes, des moments difficiles… C’était une année montagnes russes, des hauts et des bas extrêmes comme je n’avais jamais eu avant, mais je pense que tout le monde faisait un peu face à ça. Ce n’était pas normal ce qu’on était en train de vivre. J’imagine que tout le monde sait à quoi je fais référence là, pas la peine de le nommer 40 000 fois. Mais, pour moi, je trouvais ça drôle c’est une moyenne, medium plaisir. C’est pas noir, c’est pas blanc.

La Face B : Ce qui est marrant en fait, c’est que ça représente vraiment bien l’album, parce que tu as vraiment des oscillations avec des titres hyper énergiques, et des titres qui sont beaucoup plus down et tu remontes et tu redescends… C’est vraiment hyper impressionnant la façon dont tu les construis justement…

Ariane Roy : Oui, parce que tu vois je n’ai jamais eu le goût de faire un album homogène. Tu sais des fois, il y a des gens qui tiennent à ce qu’un album soit très cohérent, pis je pense de toute façon que cet album est cohérent, mais je n’ai pas le goût de faire des trucs complètement linéaires. Moi ça ne me dérange pas d’aller à plein d’endroits en même temps, ça représente quand même mon instinct créatif à ce moment-là.

La Face B : Puis ce qui est intéressant, c’est que c’est un album qui transpire l’amour de la pop, mais de toute la pop en fait tu vois… Ce n’est pas quelque chose de vraiment spécifique, on voit que tu as des influences qui viennent de tous les genres musicaux de la pop et je trouve que c’est très ouvert, et comme tu dis pas monocorde en fait. Mais là où je trouve qu’on retrouve la thématique, c’est que c’est un album où tu t’es beaucoup confrontée à toi-même…

Ariane Roy : Oui. Ce n’est pas tout le temps facile ça nécessairement mais oui, vraiment. Pis ce qui est drôle c’est que oui, dans l’écriture, c’est confrontant et en même temps ça faisait tellement du bien de pouvoir écrire sur ce que je vivais à ce moment-là. Mais c’est que la création même de l’album, du départ jusqu’à l’enregistrement, jusqu’à enregistrer les voix, ça a été quand même confrontant aussi. Et que ça représente même le processus de création aussi, pas juste le contenu brut. Et tout ça a été dans cette veine-là au final.

La Face B : Mais ce qu’il y a d’intéressant c’est que je trouve qu’il y a beaucoup d’empowerment, dans le sens où on a l’impression qu’il y a un côté passage à l’âge adulte dans l’album, où tu prends des décisions et tu « te prends en main » pour aller vers quelque chose qui te représente plus en fait tout au long des chansons… Il y a certains titres où tu parles à quelqu’un, mais j’ai l’impression que tu te parles à toi-même.

Ariane Roy : Ouais le Je et le Tu se confondent, ça c’est vrai… Puis en même temps, au départ c’est un album très centré sur ce qui est très intime, j’étais très centrée sur moi, c’est bête à dire. Mais plus ça avance, plus il s’ouvre vers l’autre, pis je pense que le rapport à l’autre à un moment donné ça allait vite. Mais ça représente aussi pendant la pandémie les moments de solitude, et après d’échanges. Je pense que ça vient aussi de la peur de quitter une naïveté, une candeur, pis de savoir que c’est ça mais c’était ce paradoxe-là de vivre pis d’espérer tout le temps garder ça en soi.

La Face B : Et du coup au niveau de l’écriture, je me demandais si t’avais l’impression de t’être libérée… Je trouve que c’est un album qui est limite plus brut et plus honnête que ce que tu as pu faire avant, tout en gardant l’espèce de jardin secret par moments…

Ariane Roy : Ouais, ben je pense que tu as bien vu ça. Ça a été super libérateur, je pense que je serais jamais… Pourquoi je ne peux pas concevoir de ne pas écrire c’est parce que j’aurais toujours des choses à dire ou à mettre sur papier, ça sera toujours un exutoire. Après de lancer cet album-là pour plein de raisons, oui ça m’a libérée. Pis pas juste au niveau des textes, mais aussi au niveau de la pression immense que je me suis mise pour un premier album. Pis des fois c’est un peu… Au final tu dis, j’ai enfin sorti mon premier album pis je me dis la Terre elle tourne, y en aura d’autres après… Mais cet angoisse-là, tu sais, fait que ça a été extrêmement libérateur.

La Face B : Et le fait du coup d’avoir travaillé avec d’autres personnes sur cet album, d’avoir une collaboration avec Lou-Adriane, avec des gens avec qui t’as écrit, est-ce que ça t’a permis de prendre un peu de recul par rapport à ta musique, et justement prendre du recul par rapport à cette pression du premier album… ?

Ariane Roy : Oui, j’avais vraiment besoin de prendre du recul. C’était une bonne chose aussi des fois de même ne pas écouter ce que j’avais fait pendant une semaine ou deux. Puis au niveau du travail en collectif, j’ai tout le temps été une bonne travailleuse d’équipe. Je suis très capable de déléguer l’envie. J’ai le goût de m’entourer de gens que je trouve bons dans ce qu’ils font, de réunir des talents… Je ne vois pas l’intérêt de tout faire seule au niveau de la production, de la musique… Il y a des gens qui le font parrce qu’ils sont extrêmement talentueux. Moi, je ne peux pas faire ça, je ne serai pas capable de, j’ai vraiment le goût d’avoir beaucoup de gens autour de moi pis ça m’aide à être plus lucide par rapport à ce que je fais.

La Face B : Il y a certains trucs dans l’album qui restent quand même assez métaphoriques, est-ce que des fois t’es surprise de l’interprétation que les gens font de ta musique ?

Ariane Roy : Complètement. Et j’adore ça en même temps. Pis je me dis que l’interprétation que tu en fais quelque part est aussi juste que ce que moi j’ai voulu dire. Parce qu’une fois que je sors une chanson, elle ne m’appartient plus vraiment. L’interprétation que tu en fais c’est parfait, elle sert à ça, à te rejoindre. Ça sert à ça la musique, tu sais. Mais oui ça m’est arrivé plein de fois de me dire « Ariane, qu’est-ce que t’as fait comme ça ? » et de réécouter la chanson puis de dire mais oui, je comprends pourquoi c’est ça.

La Face B : Il y a une chanson qui parle fortement de dépression et de suicide, tu parles d’une personne qui s’est éloignée…

Ariane Roy : Tu voulais parler oui

La Face B : Pour moi quand je l’ai écoutée, la façon dont tu lances le dialogue, j’ai vraiment l’impression que tu es face à une personne limite qui s’est suicidée et que tu lui parles de dépression…

Ariane Roy : Oui c’est une fiction. Ça parlait d’une peur que moi j’avais que ce genre de situation-là m’arrive… Ça parle de ça pis cette chanson-là est assez étrange parce qu’elle est très contrastante, la musique est assez high energy, c’est assez joyeux, c’est quasiment dansant, et le texte est assez sombre. Mais c’est une totale fiction par contre. Mais oui, tu avais vu juste.

La Face B : Est-ce que c’est important pour toi de faire danser les gens sur la tristesse ?

Ariane Roy : C’est très personnel, j’adore faire ça. Tu vois la chanson de Mylène Farmer Désenchantée, c’est super triste cette chanson-là, c’est une chanson de détresse, de dépression… Puis, en même temps, c’est la chanson sur laquelle tout le monde a tellement le goût de danser. Je trouve qu’y a un sens à ça. Danser c’est Shake it off, ça fait du bien, c’est pousser les démons… Ça m’aide beaucoup.

La Face B : Je danse beaucoup sur du Joy Division alors que finalement ce n’est pas des trucs les plus joyeux du monde… J’en parlais avec ta gérante tout à l’heure, moi ma chanson préférée de l’album c’est Kundah. J’aime bien demander aux gens de me parler d’un titre particulier que j’ai beaucoup aimé de leur album et je voulais savoir si tu pouvais me parler de ce titre-là.

Ariane Roy : Je suis contente que tu dises ça. Absolument ! Ça venait d’une soirée à Québec où on avait fait un spectacle pis après on est allés prendre un verre au Kundah Hôtel qui est un restaurant à Québec. Cette soirée-là est devenue une soirée mémorable, une soirée hyper festive, ça faisait longtemps tu sais, on avait le droit à ce moment-là de le faire, ça faisait longtemps qu’on n’avait pas vécu ça, tout le monde ensemble danser jusqu’aux petites heures du matin.

Puis on s’en est rappelés de cette soirée-là, puis on arrêtait pas d’en parler la fameuse « au Kundah ». A un moment donné, on avait une chanson sur l’album qu’on n’arrivait pas à finir, pis la chanson était pas satisfaisante, on était à deux doigts de pas la faire. Pis c’est Dom, le guitariste qui a co-réalisé l’album avec moi qui a revisité la chanson, qui a repris la chanson, qui l’a complètement changée, qui a pensé à une nouvelle mélodie, puis moi je suis partie de ça. Finalement dans les paroles, vu que je recommençais le texte à zéro, je me suis dit qui sait, son inspiration venait de la soirée au Kundah, puis je voulais faire un hommage au plaisir et à la fête. Je me suis dit cette chanson-là, je la dédie au Kundah Hotel (rires). Pis j’ai inventé un personnage, le prophète Kundah, ça n’existe pas mais moi ça me faisait rire. C’est une histoire qui est impossible à savoir si tu connais pas l’anecdote.

La Face B : Comme beaucoup de sons sur l’album, ce sont des chansons qui t’accrochent dès le départ, l’album dès les premières secondes il t’attrape et je trouve ça très beau, l’énergie qui se déploie comme ça… C’est la première fois que tu joues en France ?

Ariane Roy : C’est pas la première fois mais c’est la première fois que je présente mon show complet.

La Face B : Quelles étaient tes attentes par rapport à ça ? Et ce que tu prévoyais pour le futur pour la France et la Belgique, si tu avais des envies particulières…

Ariane Roy : J’ai très envie de faire des spectacles ici, j’ai envie que ça rejoigne les gens, ce que je projette c’est un peu l’inconnu, ce que je me souhaite c’est que ça fonctionne, que je puisse commencer à développer ici, parce que j’aime jouer en Europe, j’aime aller en Europe, j’aime la France, puis c’est un rêve de petite fille, mais pourquoi pas. Let’s go !

La Face B : Il est déjà commencé le rêve de petite fille là.

Ariane Roy : Ouais c’est vrai.

La Face B : Est-ce que tu as des coups de cœur récents à partager, pas forcément musicaux, ça peut être un livre, un film…

Ariane Roy : J’ai un film à partager, c’est The World. Je pense que c’est un film suédois. C’est un film incroyable, j’ai adoré. Un autre film que j’ai beaucoup aimé dernièrement Red rocket. Après ça, un album que j’ai aimé… Saya Gray. J’ai découvert, j’ai écouté l’album, j’ai capoté, j’étais subjuguée par cette fille. Je pense qu’elle est anglaise mais je ne suis pas sûre de mes sources. Vraiment un coup de cœur musical. C’est mes coups de cœur du moment.

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