Entre Walter Astral et La Face B, c’est une histoire d’amour qui roule. On a profité de leur passage au MaMA Festival pour les retrouver et s’offrir une conversation drôle et loufoque autour de leur premier EP, Hyperdruide.

LFB : Salut Walter Astral, comment ça va ?
Tino : Ça va. Les chênes chantent, les peupliers roucoulent et les sorbiers…
Tristan : Tout à fait ouais. C’est ça.
LFB : Vous venez de sortir votre premier EP, qui s’appelle Hyperdruide. J’aimerais beaucoup parler de la pochette, qui est clairement un hyperdruide, la fusion de vos deux cerveaux et deux personnes.
Tristan : On a mis du temps avant de savoir sur quoi on allait partir. Je sais que quand on a eu l’idée, après ça a foncé.
Tino : On a eu l’idée et puis après c’était très rapide.
Tristan : C’est l’un des premiers dessins que t’as fait. On est allé chercher d’autres trucs et puis on est retournés dessus.
Tino : Oui j’avais fait plein de sketches et on avait kiffé cette idée. Mais de base, Tristan et moi, on a commencé à faire fusion. La création de cet album, c’est notre fusion, notre bromance.
Tristan : Ouais, clairement. Je lui demande l’autorisation si je vais me couper les cheveux, tu vois. Attention.
Tino : Tu m’as dit un truc l’autre jour : si on était des femmes, on aurait nos règles en même temps (rires).
LFB : Vous êtes connectés quoi.
Tino : On est plus que connectés, à la lune, aux arbres, ensemble, quoi.
LFB : Du coup, créer cet univers autour du projet, c’était quelque chose qui était présent dès le départ ? C’était dans le moodboard tout de suite ou c’est quelque chose qui vous est venu après ?
Tino : La chanson Le feu est venue avant quoi que ce soit d’idée de groupe. Il n’y avait pas de projet de groupe avant même qu’on rencontre Luc en fait.
Tristan : Ouais, on a commencé à faire du son ensemble en ayant aucune envie, sans penser qu’on allait avoir un groupe ensuite. Et c’est quand on a fait le track Le feu et qu’on a fait écouter à Luc, qui est notre manager, qui nous a dit « les gars, vous ne voulez pas faire un groupe ? ». De là a découlé la thématique des éléments. Le délire des druides, c’était un truc qui connectait de ouf avec le moment qu’on vivait : en confinement, dans notre maison. C’était un moment beaucoup plus calme, beaucoup plus éloigné de la vie quotidienne qu’on a à Paris qui est très nocturne et festive. Là, c’était plus calme et puis les druides, ça nous faisait aussi un peu marrer. Donc il y avait un truc où ça réunissait à la fois un truc un peu profond et à la fois un truc un peu délire. C’est devenu la DA du projet rapidement.
Tino : Ouais, très rapidement. C’était facile de dessiner sur cette thématique, surtout avec en parallèle le concept des éléments. C’est du pain béni, parce que le champ des possibles… Tous les deux, on est vraiment dans le même genre de DA, le même genre de conneries, le cerveau à peu près… On est titillés aux mêmes endroits. C’était facile de balancer des idées quoi.
LFB : Ce qui est intéressant, c’est que l’EP raconte vraiment cette histoire, étape par étape, de la maîtrise des éléments pour arriver à l’hyperdruide. Pour moi, il y a vraiment une histoire.
Tino : C’est pas exactement ce délire. C’est drôle. Moi, la notion de contrôle des éléments, je trouve ça un peu trop badant.
LFB : C’est peut-être eux qui te contrôlent.
Tristan : Justement, en gros, ce que nous on essaie de raconter, c’est qu’on parle de tous ces éléments de la nature qui nous entoure et qui fait sa life. Mais qui, en même temps, a des résonances très très fortes avec la vie des humains. Et l’hyperdruide, c’est plutôt la place que nous on occupe au milieu de ces éléments.
Tino : C’est ça. L’hyperdruide, ça serait l’humain qui a trouvé exactement l’équilibre, sa place dans la nature.
LFB : Qui est au croisement des éléments.
Tristan : Exactement. Un truc de total cohésion.
Tino : L’abandon de soi. Putain, on a fait un album engagé en fait (rires).

LFB : Comment on envisage la mise en musique d’un élément ? Chaque titre a une direction assez claire, une couleur musicale assez claire. Est-ce que vous avez réfléchi à ce que représentait l’élément pour vous et comment le transformer en musique ?
Tino: Par exemple, La Terre, ça a été super clair.
Tristan : On a fait juste le riff et t’étais en mode « il est plus que dingue et tout, ouais c’est la Terre, let’s go ».
Tino : C’était bourrin. Je me souviens, c’était vraiment des appuis sur les temps très lourds. Je voyais vraiment les créatures terriennes quoi.
Tristan : L’air était un truc hyper long. Le morceau était déjà très avancé.
Tino: C’est aérien quoi, que des vocaux très soufflés, donc ça faisait vraiment sens.
LFB : Ce qu’il y a de marrant, c’est que pour L’eau, clairement ça parle de la naissance. Il y a des thématiques qui fonctionnent. Les paroles sont hyper intéressantes parce qu’on a l’impression que vous vous êtes amusés avec des contraintes très différentes selon les titres. Il y en a certains où il y a du storytelling, d’autres où c’est du mantra, des choses hypnotiques. Et je trouve qu’il y a un vrai plaisir, un vrai jeu avec les paroles.
Tristan : Cool, merci, ça fait trop plaisir.
LFB : Comment vous l’avez fait ? Parce qu’entre Le feu et L’eau, il y a quand même une différence qui assez flagrante dans la façon de l’écrire, j’ai l’impression.
Tristan : C’est vrai que L’eau dans l’EP, c’est peut être le track qu’on a le plus écrit. C’est la chanson la plus pop. C’est la seule qui a la structure couplet / refrain. Les autres, c’est ABCD. Ça se balade un peu partout. Donc celle-ci, c’est peut-être pour ça que tu as l’impression d’avoir une grosse différence d’écriture. Après, par contre, au niveau des thématiques, je sais qu’avant de se lancer dans l’écriture, c’était toujours un truc où on prenait beaucoup de temps, pour savoir ce qui allait fonctionner le mieux avec l’élément et qui pouvait vibrer avec notre vie, des questionnements qu’on avait.
Tino : C’était assez clair au final, les éléments et leur rapport avec la vie humaine je trouve.
Tristan : Ce qui est marrant, c’est que Le feu par exemple, on avait que le premier couplet et on s’est rendu compte en la chantonnant, en l’écoutant, qu’on parlait d’amour. Mais au début, c’était pas clair du tout.
Tino: On l’avait pas du tout fait dans ce sens-là.
Tristan : On était vraiment sur un truc très premier degré. Le feu, le feu, le feu. Et en fait, on s’est dit que ça parlait tellement d’amour, et du coup, de là est née l’idée de presque tout l’EP.
LFB : C’est la flamme qui crée le flambeau.
Tino : Chaque vers, c’est à chaque fois un moment que tu vis dans des histoires d’amour, des relations.
LFB : Je pense que ça se sent encore plus sur le live, mais il y a une vraie idée de mantra sur Hyperdruide, qui n’a pas de paroles. On voit que vous vous amusez à ça. L’élévation de l’esprit.
Tino : Faire rentrer les gens en tout cas dans notre transe et les mettre dans un état second juste à travers la musique, comme des vieux shamans, des cyber-shamans. C’est ça l’idée.
Tristan : Pour Hyperdruide, je trouve que c’est un peu le morceau qui représente le plus aussi ce qu’on propose en live, parce que c’est un morceau qui est beaucoup plus long et qui a des très longues phases instrumentales. Je trouve que c’est cool qu’on ait un morceau comme ça dans un EP qui est quand même assez efficace, dans le sens où…
Tino : Où on passe vite à une autre chanson.
Tristan : C’est pas non plus des gros, gros trips même si Hyperdruide, ça en est un. Du coup, dans un premier EP, déjà mettre ça, je suis hyper content.

LFB : Ce qu’il y a de marrant, c’est que c’est le morceau que vous jouez en premier sur le live et qui est vraiment une vraie porte d’entrée. Tu parlais de shamanisme, de trucs comme ça, j’ai l’impression que c’est hyper radical parce que c’est tout ou rien. La personne qui vient vous découvrir, c’est le morceau qui va faire que soit elle va aimer, soit elle va détester.
Tristan : Ouais, bien sur. Les deux, trois premières fois qu’on a commencé à le jouer en premier, quand on avait fini de le composer et qu’on pouvait le jouer, c’était intense. Même pour nous, on était genre « ouais c’est vrai qu’on va loin direct » et en fait, petit à petit on a eu de plus en plus de retours de gens qui nous disait que ça leur permettait de rentrer dedans.
Tino : Elle est super agréable en tant qu’artiste pour rentrer dans le jus et s’entr-apprivoiser avec le public. Tu rentres progressivement dedans, c’est méga agréable.
Tristan : Pour nous deux, on sait qu’à la fin de ce morceau, on sera déjà chauffés. Et on a eu plein de retours de gens qui étaient hypnotisés de loin. C’est cool.
LFB : Je vous ai vu il y a quinze jours, j’étais avec mon père et c’était le concert qu’il a préféré sur les deux jours parce qu’il est vraiment rentré dans l’univers. Il y avait vraiment ce truc d’accueillant. Et même autour du live, d’échanges. Ce que je trouve intéressant dans le live et qui est clairement dans l’EP, c’est qu’on a un peu la fusion de ton côté très électronique, et de ton côté à toi, qui est très organique, sur l’utilisation des morceaux. Ce n’est pas forcément évident mais là, ça se mêle hyper bien dans ce que vous faites.
Tristan : Trop bien.
Tino : Merci. C’était tout le défi, tout l’objectif de ce projet. Trouver la belle balance entre ces deux choses et du coup, parler à un public qui est ultra ultra disparate.
Tristan : C’est trop bien. Parce que moi, j’ai déjà eu des gens de la techno qui m’ont dit « ah tes kick ils sont vénères ». Ça s’est cool. Des gens vont avoir un petit truc de leur coeur touché par nos morceaux.
LFB : Ça vous ouvre à tout le monde. Je trouve que ça représente bien votre musique parce que c’est vraiment une musique d’ouverture, vers l’autre et au-delà des éléments, d’échange.
Tino : Nous sommes les druidosses.
Tristan : Ça fait trop plaisir.
LFB : Ce qui m’a beaucoup marqué, c’est l’utilisation du banjo. Le banjo, il y a un côté très country et tout alors que là, les intonations sont hyper orientales. Tu le fais sonner totalement différemment de ce à quoi on pourrait s’attendre.
Tino : On a été très étonnés d’apprendre que le banjo fait partie de l’orchestre traditionnel turc par exemple. Ou au Maroc aussi. C’est pas rare de voir des banjos présents en fait.
Tristan : Ça, on l’a appris après.
Tino : Genre des Turcs qui nous envoient des messages en mode « force à vous, trop bien le banjo ».
Tristan : Et ils nous envoient un lien du banjo avec un nom turc, mais c’est clairement un banjo en métal.
Tino : C’est ouf.
Tristan : Le notre, on a quand même un vieux monsieur avec nous qui pourrait claquer à tout moment. On a jamais rien changé dessus.
Tino : C’est la tournée Johnny en fait, à chaque fois c’est la dernière (rires).
LFB : En plus, cet instrument-là est vachement lié à ton histoire musicale et ton histoire familiale et ton rapport à la musique.
Tristan : C’était celui de mon père, ouais.
Tino : On a tout créé chez son père. Donc, on avait le délire de jouer avec tous les instruments présents sur place, même les rapes à fromage. Le dernier truc auquel on n(avait pas touché, c’était ce vieil étui à banjo. Donc let’s go, quoi. Il a vraiment fait le taff.
LFB : Est-ce que la musique a été influencée par le lieu dans lequel elle a été créée ?
Tino : Le lieu s’appelle Saint Rita.
Tristan : C’était la maison d’une vieille femme qui habitait avec son chien et qui était très sympa apparemment. Mes parents ont petit à petit reconstruit cet endroit. Nous, on l’a vécu dans des situations où c’était vraiment hardcore quoi, tu avais des murs qui nous tombaient dessus et tout.
Tino : On dormait dans le salon et tout, au milieu des machines. Notre studio, c’était notre lieu de vie. Il y avait toutes les machines, le lieu de prod’, notre feu et nous au milieu qui dormions et qui regardions The Mandalorian et The Office.
Tristan : Une zone qui a très peu de connexion internet. Donc ça aide à très vite cutter. Vu que c’était une vieille pierre froide, le feu est devenu un élément très essentiel de nos journées. D’aller couper la bûche, faire le feu.
LFB : Donc c’est vraiment le lieu qui a influencé l’EP.
Tristan : 100%. Et ce poêle n’était pas dans l’endroit avant, il a été installé spécialement parce qu’ils savaient qu’on allait venir faire le confinement. Un jour avant qu’on arrive, ils ont installé le poêle, c’est devenu l’un de nos morceaux. En vrai, il y a tout un truc avec ce lieu.
Tino : Ouais, ouais. Encore, quelle synchronicité.
LFB : L’EP a un truc très très fort. Je me demandais si vous n’aviez pas peur d’être cloisonné là-dedans et ce que vous envisagiez pour la suite, si ça allait être radicalement différent ?
Tristan : On y a pas mal réfléchi justement. Après, ça va être quoi ?
Tino : Les couleurs, les formes (rires).
Tristan : Trucs trop chiants (rires). On ne s’est pas trop dit tout ça, mais par contre de raconter une histoire…
Tino : On aime écrire des histoires.
Tristan : Avoir une thématique au sens plus large, ça va continuer à être un truc qui nous plaît. Mais voilà, on reste libres sur la manière dont on va l’appliquer.
Tino : Là, l’idée c’est d’écrire des chansons sans… C’est ça qu’est drôle, on aime avoir une thématique qui vient un peu faire l’écrin du projet quand même. C’est super agréable d’imaginer des chansons. Comme ce qu’on dit pour La Terre, effectivement elle marche aussi parce qu’elle a été… Donc oui, on est un peu dans une mécanique de raconter une histoire.

LFB : Il y a aussi l’histoire dans l’histoire. Tu vas avoir des gens qui pourraient rester sur la surface mais si tu creuses, il y a d’autres choses qui découlent des morceaux. Rien n’est jamais figé.
Ce qu’il y a d’intéressant, c’est que finalement, le live aussi raconte une histoire. Avec vos interventions entre les morceaux, il y a quand même énormément de travail justement pour faire vivre tout ça. Même quand il y a des pauses et des moments de calme. Vous racontez des conneries aussi.
Tino : Ouais, on aime bien.
LFB : Il y a une vraie liberté. Il y a vraiment cette idée d’échange et oui, vous cherchez le public. Ce qui n’est pas toujours le cas sur le live. Mais vous, on sent que vous avez besoin de ramener le public dans votre monde.
Tino : Ouais ouais, sans non plus les forcer. On est est vraiment Take it or leave it.
Tristan : C’est vrai qu’on ne demande pas que tout le monde crie ou saute.
Tino : Non, je fais sauter les gens et si je les vois un peu beaucoup sauter, là je me dis let’s go, on fait ça tous ensemble.
Tristan : Non mais c’est vrai, on est pas JoeyStarr à faire « du bruit » (rires). Mais par contre, le sens de la narration, de créer un univers un peu au-dessus de juste un concert, c’est vraiment un truc qui nous plaît. C’est toujours ce truc-là, de se dire qu’on passe un peu un moment particulier. La musique pourrait très bien suffire, mais on a toujours un peu besoin d’en rajouter.
Tino : Ouais d’ailleurs, ce soir on fait la flûte ?
Tristan : Ah tu veux faire la flûte ?
Tino : Oh je sais pas. On verra.
LFB : Dernière question : est-ce que vous avez des recommandations culturelles à nous faire ?
Tristan : Ecoutez Polycool. Écoutez Gaetan Nonchalant.
Tino : Écoutez Orval44. Le dernier album de King Gizzard (rires).
LFB : Lequel ?
Tristan : Pas celui qui est sorti il y a un mois mais celui qui est sorti il y a une semaine (rires).
Tino : Écoutez Alon Tayar, c’est un super song-writer israélien qui fait de la pop vraiment mortelle. C’est dans le délire Yodji. Ils font partie de la même bande. C’est super.
Tristan : Jouez au jeu Stanley Parable, c’est le meilleur jeu-vidéo du monde. C’est un jeu qui questionne la place du joueur et du libre arbitre. C’est un jeu vraiment extraordinaire que je conseille fortement. C’est la folie.
Tino : Regardez le film Everything, Everywhere, All at once. C’est très très lourd. Ça pose plein de questions. C’est un peu métaphysique. Ça parle de quantum, c’est marrant.
LFB : Et regardez The Office surtout.
Tino : Ça, tout le monde le fait à La Face B non ?
LFB : Oui, c’est une obligation parmi les journalistes.
Crédit Photos : David Tabary
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