Cela fait quelques années déjà que l’on suit avec plaisir les aventures musicales de Lou-Adriane Cassidy. On était tombé sous le charme de son dernier album, Lou-Adriane Cassidy vous dit : Bonsoir, on n’a donc profité de son récent passage en France au MaMa festival pour s’offrir une conversation avec la Québecoise. On y parle d’évolution musicale, de sensualité, de vocabulaire et de « coït musical ».
La Face B : Salut Lou-Adriane, question importante ; comment tu vas ?
Lou-Adriane Cassidy : Ah ça va bien bien, ça va super bien. Pour une fois, les contextes ne sont pas toujours évidents, là toutes les conditions sont en place, j’ai tous mes musiciens, on joue 45 minutes. On l’a fait beaucoup en festival cet été alors je me sens en contrôle, en pleine possession de mes moyens, je suis très heureuse.
La Face B : On s’était déjà rencontrés y a 3 ans, je me demandais comment t’avais vécu cette période un peu étrange…
Lou-Adriane Cassidy : Oui je me souviens ! Comme tout le monde je pense que ça n’a pas toujours été facile… Moi j’ai été très chanceuse parce que ça coordonnait avec l’arrêt de ma tournée, l’écriture de mon prochain album, l’enregistrement… Ça m’a permis d’avoir beaucoup de temps pour y penser, pour savoir ce que je voulais faire pour la suite des choses donc je dirai que personnellement ça n’a pas été tant négatif que ça. Quand ça a refermé, j’étais censée recommencer les spectacles. Finalement, j’ai eu plus de temps pour penser à ce que je voulais faire. J’arrive, je suis encore plus prête donc pour moi j’suis très privilégiée, c’est pas tout le monde qui peut dire la même chose mais j’étais très choyée pendant cette crise.
La Face B : Justement si je te demandais ça c’est que j’ai l’impression que sans le Covid et tout ça ton nouvel album n’aurait pas existé de cette manière-là… J’ai l’impression que tu as eu beaucoup plus le temps de le penser, le nourrir… Différemment que l’enchaînement album, tournée…
Lou-Adriane Cassidy : Exact. Je le vis en ce moment quand je suis en tournée. J’essaie de penser à écrire le prochain puis je trouve ça très difficile de séparer tous ces univers. Je me rends compte maintenant à quel point ça m’a aidé (rires). Le studio on y a passé 25 jours. C’est rare d’avoir autant de temps où se consacre à ça puis ça va toujours rester un souvenir précieux pour moi aussi parce qu’on a eu le temps.
La Face B : Cet album-là, j’ai l’impression que c’est un album beaucoup plus instinctif et direct que ce que tu avais fait auparavant. Beaucoup plus libre dans la façon dont tu l’as pensé, qui est sorti de toi entre guillemets…
Lou-Adriane Cassidy : Mais je pense que premièrement j’ai beaucoup plus eu de plaisir à le faire puis j’ai peut-être compris l’importance justement du plaisir, de ne pas avoir peur d’essayer des choses, puis peut-être que c’est dans ce lâcher prise-là parfois que se trouve plus de profondeur, plus d’idées, plus d’originalité.
C’est un album quand même très réfléchi, plus que le premier, même si il y a plus de laisser aller c’est aussi un album où j’ai l’impression que je suis allée justement au bout de mes idées, au bout de ce que je voulais dire et où je suis fière peut-être que ça va changer avec le temps mais je suis fière de chaque chanson.
Puis je considère que j’ai écrit au mieux de mes capacités de cette période-là, ce qui est déjà quelque chose dont je suis très fière et satisfaite. Pis, je pense que le premier j’avais pas ce rapport-là dans l’album, je crois que je doutais plus de moi, je savais moins ce que je voulais faire, où je voulais aller. Je me sens plus en contrôle.
La Face B : C’est marrant parce que tu dis que tu es fière de chaque morceau mais pour moi j’ai l’impression que chaque morceau est très défini dans ce qu’il est et que du coup tu développes une palette qui est très différente. Chaque morceau est très différent de celui qu’il précède ou celui qui vient après. Malgré le fait que t’aies limité un peu le choix des instruments, il y a une vraie densité dans ce que tu fais…
Lou-Adriane Cassidy : Merci ! C’est un album très court mais que je voulais très dense et concentré puis surprenant et où on ne sentait pas le laisser sur sa faim à la fin nécessairement. Il y a juste ce que j’avais à dire, mettre au mieux 12 chansons mais les chansons sont toutes à peu près 2 minutes, certaines durent 1 minute et demi. Et c’est ça que j’avais envie de faire, j’avais envie de venir à la plus simple expression de la chanson puis peut-être finalement de l’album après.
La Face B : Tu parles de la durée de l’album, j’ai une question pour moi qui est très drôle… Ton album parle de sexualité et de sensualité, du coup j’ai fait des recherches et j’ai regardé, la durée moyenne d’un rapport sexuel est de 22 minutes. Je me demandais si tu trouvais que ton album était un coït musical ? (rires)
Lou-Adriane Cassidy : (rires) J’avais aucune idée.
La Face B : Hier, je suis allé sur Google, j’ai tapé « durée moyenne du coït » et c’était marqué entre 33 secondes et 44 minutes. D’où l’idée du coït musical…
Lou-Adriane Cassidy : (rires) C’est tellement bon, c’est une bonne question, je ne sais pas si j’ai une réponse à ça. Il y a beaucoup de doutes dans cet album-là donc j’espère que dans le coït, il y a plus de plaisir et de lâcher prise que dans cet album qui est aussi… Où j’ai essayé de mettre en relief toutes les dimensions de la sexualité. Je pense que des fois dans les chansons qui parlent de sexualité c’est souvent des chansons qui parlent de séduction, d’émancipation… Le dernier album de Beyoncé par exemple. Je trouvais ça intéressant de ne pas seulement aborder cette dimension-là, pour moi en tant que femme ou en tant qu’humain, peu importe, c’est quelque chose de contradictoire, c’est quelque chose qui vient avec ses doutes. Oui, le désir existe mais aussi l’absence de désir, la peur, toutes ces choses-là on voulait essayer de tout incorporer et d’en faire un portrait dans son ensemble.
La Face B : Tu vois ce qu’il y a d’intéressant c’est que tu vas me dire si je me trompe mais l’album il est universel sans être impudique. C’est-à-dire que tu parles de toi mais tout le monde a ressenti les mêmes choses, y a pas cette idée d’aller trop loin dans ce que tu es toi… J’ai l’impression que dans la façon dont tu l’as écrit, tu gardes aussi une part de fiction et une part de l’idée de te dire que faut que les chansons malgré tout faut qu’elles atteignent les personnes qui vont les écouter…
Lou-Adriane Cassidy : C’est que j’imagine que toutes les chansons qu’on écrit peut-être parlent de soi mais j’ai pas nécessairement en tête de parler de moi quand j’écris… Souvent je suis un fil qui me vient et puis après je le retravaille. Une idée, une émotion en tête quand j’écris, je ne fonctionne pas comme ça. Je suis même d’avis que parfois d’avoir un message ce n’est pas important puis après que les gens puissent en prendre ce qu’ils veulent et même moi le sens de certaines chansons évoluent avec le temps, je pense que c’est ça qui est intéressant dans cet art qui est mouvant, la scène aussi. Mais ouais.
La Face B : Est-ce qu’il y avait un défi particulier à parler de sexualité et de sensualité dans des morceaux qui sont de type j’allais dire entre guillemets chanson française mais chanson francophone… ?
Lou-Adriane Cassidy : Ben en fait… Que ça ne soit pas en étant trop cru pour rien. C’est quand même dangereux comme type de champ lexical mais que ça soit évident, que j’en parle qu’y ait un clin d’œil évident, mais qu’il y ait quand même la suggestion ou style au travers de tout ça. Je pense que ça m’a beaucoup aidée de collaborer.
Je pense que si j’avais écrit seule, je n’aurais même pas osé me lancer là-dessus. C’est un album dont les textes ont été complètement co-écrits avec Alexandre Martel qui a aussi réalisé l’album pis qu’a fait la mise en scène du spectacle donc on est vraiment comme un binôme pour ce projet-là. Pis, ça m’a quand même permis d’avoir ce recul sur mon intimité. Je pense que d’avoir le nez collé parfois ça empêche d’en parler justement. Pis peut-être ça m’aurait empêché d’en parler même directement. Avoir ce regard-là, pis de me dire que d’y aller, d’oser, je pense que ça m’a beaucoup aidée.
La Face B : C’est ce que tu partages avec Ariane Roy d’ailleurs. Dans la façon d’écrire, de garder une distance et de toucher l’humain aussi avant tout…
Lou-Adriane Cassidy : Ariane, c’est drôle, parce que j’ai appris il n’y a pas longtemps plein de sujets de ses chansons parce qu’on partage plein de musiciens sur scène. Et moi Ariane, c’est mon amie d’enfance depuis des années, puis j’ai su y a pas longtemps ce à quoi elle pensait quand elle écrivait certaines chansons que je n’avais jamais deviné… (rires) Ça fait justement un bon exemple comme quoi l’idée que t’as en tête quand tu écris c’est d’en savoir plus sur toi puis en fait c’est pas grave.
La Face B : Malgré le poids des thématiques, des choses que tu racontes, je trouve qu’y a une vraie douceur et étrangement une vraie légèreté aussi dans la façon dont il est écrit cet album…
Lou-Adriane Cassidy : Comme je disais, y a avant tout du plaisir… Et une envie de pas trop s’prendre au sérieux non plus, pis j’pense que ça enlève pas… J’pense qu’y a des œuvres trop sérieuses, parfois ça passe à côté de quelque chose… La vraie profondeur pour moi ce n’est pas nécessairement… Je ne sais pas. Avoir un spectre plus large ça permet justement d’atteindre une plus grande profondeur. C’est important pour moi cette différence de niveau, dans tout.
La Face B : Cet album-là est-ce que tu l’as aussi pensé en imaginant le live ? Les morceaux ils ont vraiment un aspect organique et justement dans l’enregistrement très live presque palpable en fait…
Lou-Adriane Cassidy : Oui et non. Parce que même ça sonne comme ça, pas vraiment. Ça a été un album qui a eu beaucoup… On a enregistré certains trucs après d’autres par-dessus plus tard. On a gardé des morceaux, des maquettes puis on construisait des trucs. Donc c’est un album plutôt construit, puis produit. Justement le défi, c’était de voir comment on allait l’adapter. Finalement ça s’est super bien fait. Mais non j’avais pas du tout ça en tête quand on allait enregistrer de comment on allait monter le spectacle. Je pense que le spectacle est beaucoup plus rock que l’album.
La Face B : Avec un album aussi « conceptuel » entre guillemets, comment tes anciens morceaux s’incorporent dans le spectacle ?
Lou-Adriane Cassidy : On a réarrangé presque tous les morceaux. Puis on n’avait pas le choix d’en faire. Parce que justement l’album est tellement court qu’on ne pouvait pas faire le spectacle de 75 minutes qu’on fait au Québec. Donc la question se posait, le temps passait et je doutais de plusieurs de mes chansons, je n’avais plus envie, ça me rejoignait moins… Donc il y a eu un gros travail de réarrangement puis finalement ce sont des chansons qui s’incorporent bien puis ils font du bien…
La Face B : Est-ce que tu as redécouvert justement tes anciens morceaux d’une manière différente ?
Lou-Adriane Cassidy : Oui exactement. Je pense que c’est ça, j’ai été un peu dure avec eux. Comme on l’est tous sur quelque chose qu’on a fait. J’avais 18/19 ans quand j’ai écrit ces chansons. C’est les premières chansons que j’avais écrites, c’est difficile pour moi de m’y replonger et maintenant juste plaisir (rires)…
La Face B : Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter avec cette vitrine ? Est-ce que t’as envie d’être vue par les professionnels pour justement venir faire une vraie tournée, ce que t’as jamais eu l’occasion de faire en France…
Lou-Adriane Cassidy : Bah en fait on devait…Puis ça a été annulé. Là on a une tournée qui n’a pas encore été annoncée en mars qui arrive aussi. J’ai la chance de travailler avec Ulysse qui est une maison de booking d’artistes, donc j’ai mon booker en France,. L’envie c’est de me faire un peu mon équipe, tâter le terrain, voir comment ça va. Pour le moment après une seule vitrine au Printemps de Bourges ça a bien été, j’ai eu de très bons retours, là pour le moment j’essaie de juste voir, faire des spectacles…
La Face B : Est-ce que t’as des coups de cœur à partager avec nous ? Pas forcément musique…
Lou-Adriane Cassidy : Oh my God… J’ai regardé Alien c’est très bon (rires), le premier. C’est une bonne question. Je pourrai parler du spectacle de Bibi club que je suis allée voir tantôt au Mama si on reste dans le festival. Oui je connaissais leurs chansons qu’ils avaient sorti et j’ai été agréablement surprise par la dynamique, les nuances. J’ai vraiment été touchée. La chanteuse Adèle elle est vraiment bonne.