Merci la technologie ! Si le monde se libère de plus en plus, il est encore compliqué de pouvoir rencontrer des artistes pour parler musique. On a donc pris rendez vous avec Okala sur un célèbre réseau social pour en savoir plus sur son projet. Rencontre avec un artiste poétique et inattendu.
La Face B : Hello Baptiste, comment ça va ?
Okala : Eh bien écoute, ça va très bien! content de pouvoir discuter musique avec toi.
LFB : Est-ce que tu peux nous présenter ton projet ? Qui est Okala ?
O : Okala est un projet solo indé-pop amiénois, post pop alternative. J’ai commencé le projet il y a un peu plus d’un an maintenant et j’ai sorti un premier EP il y a 6 mois qui s’appelle First Step. Dans le style, je dirais que je fais une musique plutôt vaporeuse, poétique et imagée un peu cinématographique. Mes influences sont assez larges, de Michael Jackson à Radiohead, de Vivaldi à Arcade Fire et Michel Legrand !
Je ne sais pas si cela s’entend dans ma musique en tout cas, ces influences ont forgé ma façon d’écrire.
LFB : Le projet étant très jeune, c’est un projet qui grandit finalement à travers le live. Comment as tu vécu la période récente ?
O : Le confinement? eh bien, j’ai un peu honte de le dire mais dans le fond, j’ai plutôt aimé ça bien qu’artistiquement ça a été une grand pause. Je suis quelqu’un d’assez (voire totalement) introverti, alors ces quelques semaines ont été une vrai p**** de respiration. Après le fait d’être dans le flou concernant le live a été moins évident à gérer, encore aujourd’hui, l’ensemble des acteurs des musiques actuelles est dans le flou et c’est compliqué. Ceci dit je reprends les concerts en juillet si tout va bien… Et je me suis découvert une passion pour les plantes pendant la période (rires).
LFB : Tu as donc sorti First Step en fin d’année dernière. Si je te dis qu’à la réflexion, et après beaucoup d’écoute, je trouve que c’est la musique d’un garçon au cœur brisé, est ce que je tape dans le mille ?
O : D’une certaine manière oui. First Step explore l’idée d’un nouveau départ qu’on vit comme un premier, tout premier, départ. Un pas en avant. Je me suis toujours senti paumé dans ce monde, à côté de mes pompes, dominé par l’impression d’être sans valeur, médiocre, jamais à ma place… Mais j’aborde ces questions de manière détournée, je cherche toujours la lumière, l’espoir, je m’y accroche. First Step c’est un vœux pour des lendemains meilleurs.
LFB : Si on « dissèque » un peu first step, le morceau qui donne son titre à l’ep, c’est l’idée qui en ressort, les paroles sont assez sombres, mais il y a une touche d’espoir.
O : Oui c’est exactement ça. Pour la petite anecdote, First Step est le tout premier morceau que j’ai enregistré et vraiment dans mon esprit il marquait un tournent dans ma vie et presque même une profession de foi, ou du moins un engagement. Tu sais, ce moment où on se dit « allez maintenant je vais bien« .
LFB : Est-ce que tu trouves ces solutions et ces échappées dans ta musique ? Est-ce que ta musique t’aide à « aller bien » ?
O : Je ne sais pas trop, c’est peut-être un peu perché mais j’ai cette idée tenace depuis tout petit que la musique peut changer le monde. Que la musique, parmi la multitude d’interactions entre humains, a ce pouvoir de parler directement à l’inconscience, d’ouvrir l’esprit, de faire grandir. Et c’est ce que je cherche, je me fie aux tendances dans la composition. Et la musique fait partie de mon équilibre, clairement et particulièrement l’étape de la composition. Quand l’idée d’une mélodie ou d’un arrangement arrive sans trop savoir comment et pourquoi et qu’ensuite je la sculpte c’est vraiment l’étape que je préfère du coup j’aime bien la faire durer (rires). J’ai des morceaux en attente depuis genre 5 ans, qui maturent tranquillement.
LFB : Justement, je me demandais si à l’origine tu avais envisagé Okala comme un projet instrumental ?
O : C’est marrant que tu poses la question parce que j’écris beaucoup de morceaux instrumentaux. Il pourrait y en avoir dans les prochains disques, je ne m’interdis rien.
LFB : Quand on écoute Forbidden Love, la voix a un effet presque inattendu, elle arrive par surprise et disparait presque aussitôt. Je trouve ça très beau car c’est un risque et en même temps le morceau est hyper pop et accessible.
O : Merci! Oui en fait, quand je compose je raisonne plutôt en terme de thème et moins en terme de structure de chanson. Et pour forbidden love j’avais envie d’une espèce d’apparition inattendue presque fantomatique comme un songe qui passe, très éphémère, un thème qui ne s’expose qu’une seule fois dans le titre alors que le reste de la chanson est une sorte de ritournelle très marquée.
LFB : C’est ce qui te plait de créer l’inattendu ? Les morceaux de l’EP ont pour moi cette caractéristique commune : ils sont mouvants. C’est un peu une aventure, on se laisse porter par les morceaux pour voir où ils nous emmènent.
O : Ce que tu me dis là me fait hyper plaisir! Tu sais quand tu écris ta musique dans ton coin, tu y mets une certaine intention mais tu ignores si ça va être perçu ensuite et donc ça fait vraiment hyper plaisir. J’aime beaucoup les variations, j’aime bien que la musique me surprenne, mais sans pour autant révolutionner la musique tu vois et pour le coup c’est un peu quelque chose que je trouve dommage ces dernières assez en musique. Il y a une tendance à écraser les mélodies, à styliser à l’extrême la musique mais y perdant un peu d’âme sur le chemin. Une tendance qui me donne un peu l’impression parfois qu’on fait de la musique « prêt à porter », qui ne s’écoute pas vraiment, une musique qui s’entend qui est un peu neutre.
Je parle bien d’une tendance, les artistes qui proposent des choses hyper cool, hyper ressenties et développées il y en a plein et ils font du bien quelque soit le style.
LFB : C’est drôle car à te lire, ça me ramène à un groupe que tu ne cites pas mais dans lequel je vois une vraie filiation, à savoir les Beach Boys. Ce besoin de créer des vraies mélodies, à la fois hyper accessibles mais en même temps pleines d’inventions, de cassures et de recherches.
O : C’est vrai, je pense jamais à les citer, alors que oui ils m’ont clairement influencé! Pour tout te dire j’ai redécouvert les Beach Boys il y a 5-6 ans et c’est à tomber par terre.
Et j’ai découvert notamment grâce à Rémi Alexandre avec qui j’ai produit First Step.
C’est un de leur titre les plus connus donc c’est pas très hype de le citer mais God only Knows m’a profondément marqué enfant et il me fout les poils à chaque écoute.
LFB : Je me trompe peut être, mais j’ai l’impression que tu pars de la musique avant de t’attaquer aux paroles. Je me demandais quelle influence cela avait sur les thèmes abordés. Comment tu fais le lien de l’un avec l’autre ?
O : En effet, la musique arrive d’abord. Je sais pas trop comment expliquer mais quand la musique arrive j’ai l’impression qu’elle dit déjà quelque chose (en liant avec mon état d’esprit du moment) et ensuite j’ai la sensation de juste traduire par des mots ce que la musique dit déjà. C’est possible aussi parce que je ne suis pas dans une écriture narrative
LFB : C’est aussi ce qui influence le choix de chanter en anglais ?
O : C’est possible, mais en l’occurrence c’est vraiment un choix. Comme je te disais, je ne m’interdis rien et par extension je ne m’impose rien non plus. Du coup, si un jour le texte me vient en français je n’hésiterai pas une seconde. D’ailleurs…je travaille sur une reprise en ce moment en français(pour la Face B).
LFB : Je voulais revenir sur une chose dont on parlait au début de l’interview : le live. Ta musique est hyper foisonnante et je me demandais comment tu retranscrivais ça sur scène puisque tu es seul.
O : J’ai mes machines sur scène qui jouent avec moi! J’utilise 2 synthés et une MPC c’est un sampler. Je voulais que le live, sans que ce soit un copier coller des versions studio, conserve de la densité. Merci la technologie !
LFB : Et le but dans le futur, c’est d’avoir un groupe avec toi ou cette configuration te convient?
O : J’ai envie de te dire : les deux! ma configuration actuelle me plait, me permet d’aller où je veux aller. Mais avec d’autres musiciens ça me permettrait d’aborder la scène d’une autre manière qui serait tout aussi cool. Je me verrais bien dans un mix des deux, des machines et des musiciens. Mais ça ne sera pas pour tout de suite.
LFB : Sur La Face B, on est assez curieux, du coup, on voudrait bien connaitre tes coups de cœur culturels récents ?
O : Tu vas rire, mais avec le confinement j’ai tellement déconnecté de tout que rien ne vient là. Il va me falloir quelques minutes de réflexion… Muddy Monk!!! dernier coup de coeur, poétique, vaporeux et nostalgique comme j’aime. Et j’ai découvert très récemment Moondog (de ces découvertes tardives qui te font dire « euh mais comment est-ce possible que je ne découvre que maintenant« .
En ce moment, je lis un roman de Richard Wright qui s’appelle Black Boy c’est un roman autobiographique. Richard Wright raconte son enfance dans le Sud des US à l’époque de la ségrégation. C’est beau et dur à la fois, c’est un thème qui me parle forcement et qui est on ne peut plus d’actualité (toujours). Voilà mon conseil de lecture. Et je crois que je ne me suis pas posé devant un film depuis un moment! C’est à se demander ce que j’ai bien pu faire de mes soirées pendant le confinement
LFB : Dernière question : qu’est ce qu’on peut te souhaiter pour l’avenir ?
O : eh bien, si j’ai le choix, simplement de pouvoir continuer à écrire de la musique, de toujours rester fidèle à mon engagement et qu’elle trouve le plus large écho possible … Et un duo avec Charlotte Adigéry !