Une conversation avec Peter Peter

Bientôt 10ans que Peter Peter nous berce avec sa pop onirique et teintée de mélancolie. Cependant Super Comédie marque un véritable changement dans son approche, laissant apparaitre un propos moins cryptique et plus proche de la réalité du monde qui l’entoure. On est donc allé rencontre le Québecois dans son studio pour une interview fleuve afin d’en savoir encore plus sur un artiste qui ne cesse de nous fasciner.

La Face B : Salut Peter ! Première question simple : comment tu vas?

Peter Peter : Je vais bien! Je vais bien franchement, j’ai eu des moments dans ma vie un peu difficiles depuis le confinement, mais depuis quelques mois ça va plutôt bien.

LFB : Ton album s’appelle Super Comédie, et depuis qu’il est sorti tout le monde te parle beaucoup du terme « Comédie ». Pour être assez clair, là on est plus chez Balzac que chez Christian Clavier non? 

P: Ouais, on est plus chez Balzac que chez Christian Clavier en effet (rires). C’est plus vers la comédie humaine, c’est un peu la façon de voir le verre à moitié plein, dire que c’est une comédie et pas une tragédie. Surtout que mes albums, en général, traitent beaucoup de mélancolie et de sentiments plutôt pessimistes. Alors c’est un peu ma façon de dire que la vie vaut la peine et que je l’aime bien : même si je m’en plains souvent, je l’aime beaucoup en fait. Et cette histoire là pour moi c’est la vie en tant qu’œuvre, et on est tous témoins de quelque chose de grandiose. 

LFB : Toi qu’on a souvent vu comme un artiste « onirique », est-ce que c’était une étape importante pour toi de créer un album à ce point dans le réel et pas que dans ton réel à toi?

P : C’est un défi, c’est toujours un défi de parler de moi et de parler des autres en même temps. C’est quelque chose que j’essaie de faire et où j’essaie de m’améliorer. Forcément quand je fais des morceaux, j’ai tendance à parler de moi parce que la musique est un exutoire. Mais oui, je suis assez content de réussir à parler de moi en parlant de la société en même temps. Après j’ai dosé, je ne fais pas d’immenses critiques sociales mais il y a des clins d’œil ici et là. Je suis assez content d’avoir réussi à maîtriser ce côté là.

LFB : Je trouve que l’album développe un vrai point de vue que ce soit sur les relations entre les gens, les rencontres sur internet… Il y a pas mal de choses., aors que sur les précédents albums, c’était un peu plus « flou » 

P : Oui, surtout avec Noir Eden. Je pense que je brouillais beaucoup les pistes, c’était l’album avec lequel j’avais complètement perdu contact avec la réalité et j’en parlais beaucoup. J’étais presque dans un truc de science-fiction, et je pense que j’ai encore ce côté un peu crypté selon les gens : un autre journaliste me disait qu’il avait adoré mais n’avait pas vraiment compris mon album et qu’il le trouvait cryptique alors que pour moi c’est assez clair. Chacun le voit avec sa perspective mais je pense que je n’ai pas perdu mon identité et que tout le côté onirique est encore là. Mais évidemment, des trucs font surface quant à mon observation de la société. C’est peut être en vieillissant aussi (rires)

LFB : Est-ce que c’est un album que tu as écrit en réaction à Noir Eden? Il n’avait pas été reçu comme tu le voulais et cette fois j’ai l’impression que tu as poussé sur des directions plus extrêmes mais plus condensées à la fois. L’album raconte une histoire, c’est pas une collection de chansons.

P : Effectivement, je pense que j’avais envie de faire un Noir Eden réussi dans l’absolu. Il y a de très bons morceaux dans cet album là, mais pour être honnête je n’ai pas réussi à le dompter. J’avais trop d’idées en tête, trop d’impératifs qui venaient de l’entourage et je n’ai pas été complètement imperméable à ça. Ça m’a un peu fait partir dans tous les sens, ça a été très difficile.

J’ai arrêté Noir Eden au moment où je commençais à sortir de bonnes chansons mais le budget de l’album était déjà pété, alors il a fallu que je vive un peu avec. J’étais content de la réception, bizarrement au Québec il a été mieux reçu qu’Une version améliorée de la tristesse et c’était l’inverse en France. Je savais que je voulais couper court à Noir Eden parce qu’il y avait trop de morceaux que je n’avais pas réussi à emmener où je voulais.
Je voulais faire un truc un peu à la Starmania, je me disais « Bon, je peux avoir un registre de chanteur à voix » et c’est ce que je faisais avant quand je chantais dans des groupes de métal, c’est à dire de trouver des pitchs plus haut par exemple. J’avais envie de montrer que j’avais une voix, et que je ne murmurais pas en dépit de ne pas savoir chanter.

Je me suis dit « Qu’est-ce qui est cool en français? » et j’ai pu penser à Michel Berger et des trucs des années 80. Ça a été un peu un truc que j’ai fait en me disant que j’allais mettre tous les morceaux un peu guilty-pleasure. En général je ne les mets pas, je me censure rapidement. Ça a été une expérience, c’est un album que j’ai réécouté dernièrement et je vis bien avec, mais ça a été compliqué à tourner même si j’avais un bon band.

Pour répondre à ta question c’est complètement en réaction à ça, j’avais un peu perdu la connexion avec les instruments pendant Noir Eden, qui était vraiment un album de synthé et de prod. Au final, j’ai eu envie de faire quelque chose de plus organique, vraiment dans les sentiments et de ne pas me foutre des impératifs commerciaux ou de vendre des albums. Ça m’a fait du bien, ça m’a guidé de faire un album sans penser aux radios. Quand on a fait une chanson comme Carrousel, qui avait été bien jouée en radio, et j’en avais été heureux très honnêtement, on s’attend à ce qu’on refasse la même chose mais je me suis rendu compte que ce qui dure c’est les bonnes chansons, et j’avais envie de faire un album avec des bonnes chansons. 

Finalement, Super Comédie c’est un album qui est profondément anti-commercial comme tu le dis mais aussi personnel parce qu’humain. C’est un album qui pourrait te réconcilier avec les gens qui avaient aimé tes 2 premiers albums 

P : C’était mon but aussi, et de me réconcilier avec moi. Moi aussi j’ai préféré mes 2 premiers albums à Noir Éden très honnêtement. Il y avait quand même de bonnes chansons: Bien réel, Damien, Noir éden… Aujourd’hui on imagine les artistes en 2 ou 3 disques, mais j’appartiens un peu au monde d’hier et je considère que j’ai le droit de faire des albums moins réussis si j’essaie vraiment des trucs et que je n’essaie pas de converger vers le marché à chaque disque. J’ai envie d’expérimenter, même si l’industrie nous met de plus en plus de pression.

Aujourd’hui je travaille avec les gens avec qui j’ai envie de travailler et c’est assez cool, ça m’a ouvert des portes de faire un album comme ça alors que je pensais que ça allait être l’inverse. La tournée c’est un peu compliqué en ce moment, mais j’ai signé avec le tourneur Super! : je me doutais pas que j’allais finir dans un roster plutôt anglo-saxon et c’est ce que je veux faire en réalité, car c’est vrai que la francophonie finit par avoir une certaine limite…

J’ai envie de me réconcilier avec moi même, et évidemment ça me réconcilie avec le public qui m’a suivi et j’en suis très heureux. On me l’a déjà dit quand je vendais de la merch, « J’ai pas trop compris Noir Éden, je suis ici parce que j’ai aimé Une version améliorée de la tristesse ». On va me le dire peut être toute ma vie, parce que c’est quand même l’album qui m’a fait connaître mais voilà: je suis arrivé à me réconcilier avec moi-même, j’ai l’impression d’être parti de loin car j’avais peur de retourner en studio. À un moment de l’album, ça aurait pu finir de la même façon car je n’en étais pas content: je suis retourné chez moi, je suis retourné au studio, je suis retourné chez moi, je suis retourné à Montréal… et je n’étais toujours pas content de l’album. Cette fois là je me suis dit : « Je le laisse pas aller ». Il y en a eu des chansons, je dirais une quarantaine mais j’ai décidé de quand même le finir et de devenir meilleur, de produire de mieux en mieux et ça a donné ce que ça a donné. 

LFB : Sinon tu finis comme Wong Kar-Wai au fond (réalisateur hong kongais connu pour travailler le montage de ses films encore et encore ndlr)

P : C’est ça, exactement.Il y a ce truc là où j’ai peur d’avoir un peu cette malédiction, mais je raconte quand même des histoires. Même dans Noir Éden, ce qui fait que ça n’a pas été complètement un échec, c’est que je pense que j’avais quand même quelque chose à dire, et qu’il y avait une trame narrative qui montrait que je savais écrire des chansons mais niveau production c’est vrai que l’émotion véhiculée était assez inégale. L’éternelle insatisfaction ça existe, mais je considère que j’ai réussi à faire un disque et je ne vis pas dans le passé: là, il est fini. Mais c’est vrai que je l’ai bricolé jusqu’à la fin. À la fin on était en mix à Montréal, pendant qu’ils mixaient j’ai écrit C’est une saison sans temps qui passe parce que je sentais qu’il manquait une partie à l’histoire. J’ai fait ça en secret, sans vraiment le dire à la compagnie de disque, j’ai un ami qui a joué la basse chez lui et puis j’ai envoyé ça au mix. Je l’ai travaillé jusqu’au bout, mais parfois il faut tout foutre aux poubelles aussi, il n’y a pas vraiment de règles.

LFB : Je vais faire une dernière question là dessus, sur le premier titre de l’album j’ai l’impression que tu fais un peu le pont entre Noir Éden et Super Comédie, comme si tu prenais de la hauteur par rapport à ce qu’il s’était passé avant et que tu disais que finalement la vie c’était de prendre du recul et réaliser qu’il y a du bon même dans la tristesse et dans l’échec. 

P: C’est absolument ça, je suis content c’est la 1ère fois qu’on me le résume aussi bien. Je me rends compte dans ma vie d’humain et pas seulement d’artiste que je vis avec la peur que tout s’arrête, mais j’essaie d’embrasser un peu plus la vie parce que même les échecs font une assez belle histoire. J’ai réussi à prendre de la hauteur à travers ça.

LFB : Au delà de ça, c’est aussi un peu l’album d’une personne qui a le cœur brisé non? 

P : Ma naïveté l’est: en la société, en l’industrie, en beaucoup de choses. En tout, en fait. En réalité, j’ai le cœur brisé d’une certaine façon oui. Par contre, ce n’est pas le cœur amoureux qui est brisé car je suis encore passionné par ce que je fais et j’essaie de pas être trop amer ou cynique par rapport au monde dans lequel je vis. J’ai l’impression que c’est difficile aujourd’hui d’être sensible et de ne pas avoir le cœur brisé en voyant tout ce qui se passe. Et je ne parle même pas de la pandémie, la pandémie c’est juste la petite cerise sur le gâteau. Au début j’ai pensé rapidement à l’amour et l’amour ça va, franchement j’ai de la chance à ce niveau là, mais j’ai le cœur brisé de vivre dans le monde dans lequel on vit. 

LFB : J’ai l’impression qu’avec ce point de vue là, tu as fissuré la carapace un peu cryptique de ce que tu pouvais raconter. Je trouve que c’est un album assez clair au niveau des thématiques qu’il envisage, même si ça reste hyper poétique.

P : Oui, je sais pas trop quoi répondre à ceux qui ne le comprennent pas parce que je ne pense pas que je puisse être plus clair. (rires) 

LFB : Puis finalement, c’est un album qui est aérien tout en étant terre-à-terre. J’ai l’impression que t’as les pieds bien ancrés dans le sol mais que t’as toujours un peu la tête dans les nuages, même sur la composition des chansons. Je trouve que le côté onirique passe plus dans les ambiances que tu diffuses dans les titres que dans les paroles.

P : C’est ce que j’essaie de faire aussi, j’essaie de faire vivre des trucs aux gens, et je le vis moi même en faisant ma musique. J’ai décidé de toucher un genre de personne au lieu d’essayer de toucher tout le monde, et d’une certaine façon je pense que j’essaie de toucher des gens qui me ressemblent, qui ont un peu le cœur brisé. Et j’ai l’impression que c’est plus facile de faire avaler la lourdeur et la densité des textes et des propos sur de la musique qui fait planer, tout simplement. J’ai l’impression que je dois donner un peu d’oxygène aux gens dans les méandres de ma mélancolie (rires) 

Je pense que c’est un album qui peut te ramener un vrai public, un public auquel tu ne t’attends pas forcément.

P : C’est ce que je veux faire, évidemment. Quand j’ai fait le disque, je me suis dit « ça va être un putain d’album de live », en plus j’avais très envie de rejouer. Je trouvais qu’il y avait de moins en moins de trucs surtout en français qui jouaient avec de vrais instruments et qui envoyaient le steak. J’avais et j’en ai encore envie, on commence à partir en duo. J’ai l’impression que ça va être mon meilleur live, et je m’attends à ce que ce soit joué pour de vrai, que ce soit organique… J’espère que ça va toucher des gens différents. Je reparle du tourneur, mais c’est un truc que j’avais jamais eu : un tourneur chez qui je regarde les artistes, et je me sens à la maison. J’imagine que le public qui est dans ce circuit là s’attend à ce genre de sensibilité là en 2020 même si c’est plus étriqué. Ce n’est pas la majorité des gens, mais je m’en fous. J’ai fait cet album en réaction à Noir Éden mais aussi en réaction au paysage musical, et je veux toucher les gens qui sont pas nécessairement touchés par la musique mainstream en ce moment. 

LFB :Pour en revenir à l’album, certaines choses m’ont un peu marqué. J’ai noté qu’il y avait des chansons que je nommerais « Chansons Dialogues », comme Conversation et Essayer. Je n’ai pas l’impression que tu avais fait ça avant, tu instaures un dialogue pas forcément avec l’auditeur mais tu t’adresses à quelqu’un. 

P : Je sais pas comment c’est apparu, je fais jamais d’exercice de style. Ça vient ou ça vient pas. Mais oui, peut être que j’ai ouvert quelque chose en allant chez le psy, peut être que ça a ouvert une porte qui fait que je me livre plus. C’est 2 chansons qui parlent franchement de la santé mentale à un certain point et du mal de vivre, c’est des chansons que j’écris pour les autres mais aussi à moi-même. D’ailleurs, Essayer devait s’appeler Une lettre à moi même. 

LFB : Essayer c’est un mantra, un truc que tu te répètes pour te convaincre…

P : Oui, exactement! Je pense que toute personne qui a de l’anxiété, qui ne croit plus en Dieu et qui cherche la spiritualité d’une certaine façon doit presque la trouver dans des TOCs, des trucs superstitieux, se dire des choses à répétitions… Le conditionnement peut finir par fonctionner, se conditionner à être heureux c’est un peu un défi. Parce qu’évidemment des médicaments peuvent nous aider, il y a des gens qui en prennent et qui le conseillent, mais moi pour l’instant c’est plutôt réussir à me concentrer sur une idée positive et surfer dessus. C’est un peu cornélien, pour certaines personnes les médocs ont changé leurs vies, mais ça fonctionne pas pour tout le monde, c’est pas une science exacte. Mais c’est quelque chose de fragile: quand on a une douleur, il faut en prendre soin. Je suis sceptique envers tout: envers la psycho-pop, envers la religion… Mais j’essaie de me trouver des petits trucs superstitieux qui me rassurent.

C’est cool que tu me parles de ça, parce que je me demandais justement quel est ton rapport au religieux? Il y a des thématiques religieuses qui apparaissent dans l’album: la résurrection, par exemple.

P : Déjà j’ai une éducation chrétienne catholique, j’ai cru très fort très jeune. Jésus c’est un beau personnage, il y a un beau message derrière ça. À l’adolescence ça a été une libération pour moi de m’en détacher, en lisant une synthèse sur Karl Marx, en comprenant qu’il pense que la religion est « l’opium du peuple » et trouver que ça fait du sens.

Mais quand l’anxiété gagne du terrain, je me dis que c’est dommage qu’après la mort on aie pas une récompense pour passer à travers tout ça. On a été déçu par la religion: l’emprise qu’elle a sur la société, les prêtres pédophiles… Mais par contre le problème, et je suis pas le seul à le dire, c’est qu’il n’y a plus vraiment de place pour aimer son prochain dans notre culture néo-libéraliste : on vit dans un monde de compétitivité. Je trouve ça dommage. Quand je pense à Houellebecq, l’essentiel de son œuvre c’est dire qu’on n’a pas réussi à trouver quelque chose pour remplacer ça et qu’on est complètement perdus. En voyant les institutions, religieuses ou pas, qui tombent, j’ai l’impression que l’humain perd un peu ce qu’il avait construit et on tombe dans un genre de nihilisme néo-libéral.

Parfois j’aime rappeler l’institution, que ce soit religieux ou non. Je pense que je vis dans le monde d’hier, j’ai envie qu’on construise une société dont on est fiers, et en ce moment la société n’existe plus vraiment, c’est plutôt un truc de marché. Je fais partie de ce monde là, j’ai connu un peu le monde pré-internet et je suis complètement nostalgique. Et dans la religion, je trouve qu’il y a de belles images, et on manque de belles images aujourd’hui. On est de plus en plus dans un côté ostentatoire, à vouloir montrer qui est le plus fort, qui vend le plus de disques, qui a les meilleures valeurs… C’est le seul rapport qu’il me reste à la religion : simplement la nostalgie d’avoir des concepts transcendants.

LFB : Malgré tout ça, je trouve qu’au fond c’est un album qui est profondément lumineux, il y a une vraie volonté d’espoir qui s’en dégage. 

P : Pour Peter, oui ça en est un (rires). C’est cool que pour toi aussi, mais pour certaines personnes c’est encore un album mélancolique. Après évidemment, j’aime bien toujours massacrer les choses : mettre une chanson comme Extraordinaire qui parle du début, de la passion, du sexe suivie d’un morceau complètement désabusé comme Damnatio Memoriae et de jouer avec ces personnages là et l’amertume qui peut me gagner. Un jour on est amoureux et lumineux et le lendemain on peut être le pire escroc et la pire personne.

LFB : C’est pour ça qu’on part sur quelque chose d’humain: ton album montre une « palette de facettes » qui font un entier. On est des contradictions. 

P : Absolument, c’est ce que j’essaie de dire. Les personnages je les joue: c’est un peu moi, c’est un peu tout le monde. J’essaie de faire des aveux humains, ça c’est sûr.

LFB : J’imagine que l’album est prêt depuis un certain temps, est-ce que tu réalises qu’il est en complète adéquation avec le monde dans lequel on vit maintenant? On pourrait croire que tu l’as fait pendant le confinement! 

P : Il est prêt depuis 1 an. J’ai l’impression que Répétition est le morceau qui laisse penser ça, après je sais pas s’il y en a d’autres. Les gens m’en ont beaucoup parlé, évidemment elle est très littérale, elle parle de masques. Je suis content que la poésie me devance, c’était pas une prédiction en réalité. Les mots nous devancent à un certain moment

LFB : C’est une saison sans temps qui passe, c’est des trucs qu’on a vécu pendant 3 mois quand même! 

P : Je fais des entrevues par téléphone en ce moment et Radio Canada me demandait le temps qu’il faisait à Paris. L’été était revenu et je disais « il fait très très beau, il fait chaud » et en fait j’ai envie que ça s’en aille, parce que j’ai l’impression que je me suis fait bouffer mon hiver en réalité.  J’ai envie de retourner au mois de février et de prendre ça cool, de vivre mon hiver. On dirait que c’est vrai, qu’on a pas de saisons. L’été je l’ai franchement détesté, je n’avais pas envie d’en avoir un cette année. 

LFB : Toi qui vient de loin, Paris c’est pas une ville un peu parfaite pour toi? Tu peux y être seul dans la masse. Est-ce que ça t’influence? 

P : Ça m’influence dans ma vie, après en musique je sais pas à quel point. Déjà j’ai plus d’espace dans cet appartement là et j’en suis assez heureux. Comme tout le monde je pense, j’ai une drôle de relation avec Paris : je l’aime beaucoup, mais est-ce la ville parfaite pour moi? Non, parce que je suis hyper anxieux et anti-compétitif et c’est la pire ville pour ça. Mais je suis encore ici, et c’est drôle Paris. On ne sait pas pourquoi on est toujours là, surtout en tant qu’expatrié. Parfois on déteste Paris et on ne sait pas pourquoi mais on y revient.

Quand je sors de Paris et que je vais dans d’autres villes en Europe, avec ma copine on se fait des films où on déménage dans ces endroits. Quand on revient à Paris, Paris nous reprend et on retombe amoureux d’elle encore une fois. Je pense que je suis quelqu’un de grande ville pour le moment mais ça peut changer. Mais oui, j’aime ce côté de vivre dans mon petit arrondissement et de pas compter pour personne car il y a une masse de gens. 

LFB : Je viens du Nord de la France et j’avais ce fantasme de la grande ville aussi, et quand je suis arrivé à Paris j’ai vite déchanté! Le fait d’être seul dans la masse, je trouve ça hyper dur.

P : C’est pas fait pour tout le monde, en effet. Bizarrement j’ai l’impression que ça s’est étendu: c’est peut être moi qui vieillit mais le Paris d’il y a 7 ans ce n’est pas le Paris que je reconnais. Déjà, le monde est plus dans le même état. Mais il y a un truc assez exacerbé depuis quelques années. Je commence tout juste à me dire que c’est peut-être pas ma ville, et ça fait 7 ans. Je me dis « Putain, est-ce que c’est sain pour moi? », et je sais pas car il y a des côtés que j’adore. Quand je vais à Montréal, je dis que c’est la meilleure ville du monde, que j’aie visitée du moins. Mais je commence à avoir des doutes en réalité (rires) 

LFB : La dernière fois qu’on s’est croisés, tu m’as dit que la musique était une des belles choses qui te gardaient en vie. Je me demandais si c’était toujours le cas ou si tu avais trouvé d’autres respirations? 

P : Je trouve que j’ai dit quelque chose d’assez cliché pour un artiste (rires) c’était il y a 3 ans mais quand même. En réalité oui, l’art et la beauté en général. Je n’ai toujours pas fait d’enfants alors je ne peux pas dire que c’est mes enfants, sinon je pense que je pourrais dire un truc comme ça.
Ça me donne l’impression, surtout avec ce disque là, de continuer une quête du bien contre le mal. Tu peux être du côté du mal comme du côté du bien avec la musique. J’ai l’impression d’avoir choisi le côté du bien, et me dire que je fais les choses pour une bonne raison ça me garde en vie. Ça peut aussi pencher de l’autre côté, et être la même chose qu’un broker à Wall Street ou vendre des immeubles. C’est pas un métier plus noble qu’un autre, c’est ce que tu en fais. Avoir une vocation me tient en vie, mais il y a d’autres formes d’art comme la littérature qui le font aussi. Ma vie serait différente si je pouvais pas me nourrir de belles choses. Je sais pas ce que je ferais sinon, je crois que j’irais dans l’armée (rires) 

LFB : Qu’est ce qu’on peut te souhaiter pour ton avenir proche? 

P : C’est facile de savoir quoi souhaiter à l’humanité, que les choses se calment évidemment, mais sinon pour moi : continuer à faire les choses pour les bonnes raisons je pense. Faire de la scène, que Super Comédie aie une vie différente à celle que j’imaginais. On annonce des dates la semaine prochaine, on fait un show en duo. On a fait une promo à 4 et c’était vraiment cool. On a fait 2 répets et c’était exactement comment je l’avais imaginé. Donc oui, on peut me souhaiter le live. C’est un album que j’ai fait pour jouer avec de vraies batteries, il y aura un laptop mais on fait quelque chose de différent. Je vais jouer beaucoup de guitare. C’est assez positif, c’est ce que je voulais faire. 

Pour finir, est-ce que tu as des coups de cœurs récents? 

Je mate surtout plein de vieux films ces temps-ci, c’est rare que je sois dans le moment. J’ai rencontré un mec que je trouve vraiment cool, c’est un chanteur qui fait plein de trucs qui pourraient me déplaire mais la façon dont il le fait est super. J’ai fait une soirée et il est venu, c’est Chaton et j’aime beaucoup sa musique. C’est un vrai. Je trouve qu’il y a pas beaucoup de vrais artistes, j’ai vu que c’était une vraie personne. Dans le milieu musical qui est très carnassier, je trouve que c’est un vrai gars, et il a la foi en le bien contre le mal en musique. 

C’est un gars que je trouve trop cool. Si on parle de coup de cœur: Chaton

Crédit Photos : Cédric Oberlin