On avait déjà croisé Léo Meynard, aka St Graal, au tout début de son aventure musicale. Depuis, le garçon a fait un petit bout de chemin, que ce soit sur les réseaux sociaux ou aux INOUïS du Printemps de Bourges, d’où il est reparti avec un prix. C’est au coeur des FrancOff qu’on a eu le plaisir de le retrouver pour parler avec lui de l’évolution de son projet, de l’importance de créer une démarcation entre les réseaux et la vie et de la solidarité de plus en plus importance et nécessaire entre les artistes émergents.
Crédit photos : Rarolin
La Face B : Salut Léo, comment ça va ?
St Graal : Écoute, ça va bien carrément bien même. Là c’est l’été, c’est festival donc en vrai, ça ne peut qu’aller bien.
La Face B : Là on est aux FrancOff, tu as fait les iNOUïS où tu as eu un prix, tu viens d’être annoncé au MaMa, est-ce que t’as l’impression que c’est une année charnière pour le projet St Graal ?
St Graal : Bah ouais. L’année dernière ça a été l’année pour le public un peu. Cette année, on essaie de se faire voir par les pros avec tout ce qui s’est passé. Mais ouais, il y a un peu cette impression d’année charnière. Après, j’espère que ça ne sera pas la seule et que ça me fera grandir encore.
La Face B : Et justement, depuis notre première en rencontre en 2019, est-ce qu’on peut dire sans mauvais jeu de mots qu’on est un peu face à un St Graal 2.0 ?
St Graal : (rires) Ouais carrément. Ça a beaucoup changé. En fait la D.A s’est affinée quoi. C’était du St Graal tout brut quoi. Je venais tout juste de créer le projet de manière concrète. Et au final, les années de COVID, ça m’a permis de me questionner sur ce que je veux vraiment, où est-ce que je souhaite aller etc … Et puis on a taffé ça, essayé de faire une vraie identité musicale et visuelle. Et aussi au niveau des réseaux et tout ça. Donc voilà ! (rires)
La Face B : Ce qu’il y a de marrant, ce n’est pas forcément le cas pour tout le monde, j’ai l’impression que cette période de pause entre guillemets t’a été bénéfique justement…
St Graal : Ouais carrément. Mais en fait c’est que je taffais en même temps, j’étais soignant. En tant qu’AMP, Assistant Médico-Psychologique, je m’occupais de personnes en situation de handicap mental et en fait ça m’a fait beaucoup de bien de me lâcher sur les réseaux pendant cette période où c’était totalement incertain.
Mon manager m’a dit « va sur les réseaux, éclate toi, fais des trucs qui te font du bien ». Et au final ça m’a fait énormément de bien. Et on était un peu dégoûtés, on venait de sortir l’EP, on venait de faire notre premier Pop Up Du Label complet et là bam, COVID. On a eu l’impression d’être un peu coupés dans notre élan, comme tous les artistes. Mais, on a réussi, je pense à prendre un bon tournant et à profiter de la situation, même si c’était vraiment compliqué à côté. Mais ça a été bénéfique au projet d’un côté.
La Face B : Pour moi, les nouveaux titres que tu as sorti, on est sur une musique plus instinctive et beaucoup plus connectée à l’autre, tu vois. Avant, il y avait un côté très réfléchi et j’ai l’impression que là tu t’es, entre guillemets, tu t’es peut-être autorisé à être toi-même dans tes chansons…
St Graal : Je suis totalement d’accord. En fait, j’aime beaucoup la pop. J’aime vraiment la pop. Tu vois cette pop à la Thiéfaine. La chanson française mais ce côté un peu chanté, s’autoriser à faire parfois des trucs très crus, très bruts. Et en fait à l’époque je pense que j’étais biaisé par tout ce côté scène actuelle française : Feu! Chatterton, Odezenne, qui est très réfléchi, et je m’étais un peu bloqué là dedans. Et au final, je me suis dit qu’en fait je vais faire ce que j’aime à 1000% et ne pas essayer de me retrouver coincé dans un personnage, de me libérer de ces chaînes.
La Face B : Ce qui est drôle, une nouvelle fois sans mauvais jeu de mots, mais qui marche pour les deux, c’est que j’ai l’impression que tu as trouvé ta voix. L’utilisation de ta voix a complètement changé ente l’EP et le morceau que tu as sorti récemment.
St Graal : Ouais de ouf ! Bah y a eu le morceau Les dauphins qui est un morceau avec autotune et c’est mon premier morceau avec. Sinon il n’y en avait pas quoi. Après, ça reste quand même assez unique dans ce que je fais. Dans le sens où, là dans ce qui va arriver prochainement, il n’y aura pas beaucoup d’autotune. Il y aura peut-être un morceau avec des backs un peu autotunés tout ça. Je m’autorise aussi beaucoup de trucs. Je vais faire des mélodies vachement plus catchy. En fait ça me plaît vraiment de faire des trucs qui attrapent directement, de chanter les paroles, de danser dessus. Mais ouais, carrément. Le jeu de mots me plait bien.
La Face B : Et justement, comme on en parlait, le fait est que t’as complètement explosé sur les réseaux. Je me demandais comment tu l’avais vécu ça et surtout comment tu peux t’en protéger, parce que c’est quand même des limites qui sont de plus en plus fines quoi…
St Graal : Sur le coup ça a été, bah on peut en témoigner d’ailleurs, ça a été étrange. Parce que je n’étais pas forcément du tout prêt à ça et dans mon entourage je n’avais pas de pair entre guillemets qui pouvait me dire « T’inquiète ça va aller »
Et j’ai rencontré via les réseaux Ajar, qui lui niveau réseaux s’y connaissait pas mal et avait pas mal explosé à un moment et m’a pas mal rassuré en fait et m’a dit « Détends toi » et genre « Il y a la vie, il y a les réseaux et il y a une séparation. Et juste éclate toi, profites-en ». Mais au début, j’ai commencé à me méfier de tout le monde en fait, j’étais en mode « Non, faut que je me protège » et en fait je m’étais trop protégé. Finalement, il y a une séparation qui est là, qui est obligatoire, pour la santé mentale aussi. C’est aussi pour ça qu’on fait des lives. C’est pour les rencontres et là on casse la barrière, on est là pour rencontrer les gens tout ça. Il y a des moments dans la rue on croise des gens qui peuvent te connaître où c’est cool, trop bien. Après moi je le dis généralement que ce n’est pas trop le moment, mais je pense c’est ça aussi qui est à faire, toujours avec bienveillance et jamais avec jugement quoi… Pour que ça reste un minimum sain.
La Face B : Et justement, est-ce que tu te sers de ça comme d’un incubateur pour ta musique, un lieu d’expériences ?
St Graal : De ouf ! Je dis la musique me plaît à moi évidemment en premier temps mais le « premier temps bis » c’est vraiment le public. Ce n’est pas les majors, ce n’est pas les labels ou trucs comme ça, qui souvent sont appelés en premier, c’est le public. Sans public, on est personne quoi. On a beau avoir 10 000 labels derrière nous, 10 000 trucs, bah si il n’y a pas le public qui est derrière, on fait la musique juste pour nous et c’est un peu triste. Et si à un moment il y a un morceau qui plaît vraiment au public et que ce morceau me plaît aussi vraiment, bah je le sors parce que c’est pour les gens donc il y a le système incubateur. Et il viendra comme il viendra quoi. Je me sers de ça aussi pour ça.
La Face B : Est-ce que t’as aussi l’impression que ça maintient ta créativité sous tension ?
St Graal : Bonne question. Ouais carrément. A un moment justement quand ça a pété, j’ai peut-être fait de la musique pour les gens et un peu trop pour les réseaux parce qu’il y avait une reconnaissance. Et là depuis quelques mois je me suis dit il y a pour les gens évidemment mais il y a aussi pour moi et je vais peut-être diminuer ma présence sur les réseaux un petit peu et ce n’est pas grave si je perds les abonnés . Ce qui est important c’est la musique, d’abord. Et du coup, j’ai diminué tout ça et je me suis dit je vais rester sous tension parce que c’est cool aussi. J’ai énormément créé dans le stress, c’est bizarre mais c’est comme ça. Donc voilà.
La Face B : Est-ce qu’au fond il n’y a pas une espèce, justement, de schizophrénie dans le fait de voir que tu fais des millions de vues sur certains trucs et quand tu arrives sur scène tu as à nouveau à tout à reconquérir ?
St Graal : Évidemment les gens sur les réseaux ne vont pas se transformer en public. C’était un pouls comme ça, c’est super. Et clairement il y a un nouveau challenge et j’aime ça, c’est conquérir la scène. Je fais énormément de résidences. Le live a énormément changé depuis 2019, clairement. Je suis suivi par une SMAC, la Nef à Angoulême, qui m’aide à faire plein de résidences, qui m’aide à faire plein de trucs. Qui m’explique la scène, comment bouger, à quel moment interagir avec le public aussi et essayer de rythmer un peu le live et c’est un nouveau challenge quoi. Et il est trop bon ce challenge, il est trop bien. Et, évidemment, des fois y aura des grosses baffes dans la gueule, c’est normal. Si il n’y en a pas, je pense qu’on ne peut pas trop prévoir les murs à prendre. Mais là, au moins, les gens viennent petit à petit et c’est un gage de qualité. C’est trop bien.
La Face B : Comment tu vis la scène maintenant ?
St Graal : Que ce soit en première partie, que ce soit les concerts en tête d’affiche, il n’y a rien qui est acquis. Et dans tous les cas, je démarre à zéro pour les morceaux et je veux qu’au dernier morceau je sois à 100/100 et basta quoi. Et si jamais ce n’était pas à 100/100, je me dis que je ne peux en vouloir qu’à moi-même et c’est des choses qui arrivent, il faut rebondir et voilà. Mais en ce moment, les concerts se passent plutôt bien et je suis content, content de voir que les gens sont contents. Et que parfois ils puissent chanter les paroles, même si la salle n’est pas pleine à craquer, c’est trop cool.
La Face B : Est-ce que tu as un public autre qui vient te découvrir, des gens qui ne te connaissent pas du tout ?
St Graal : Il y a des gens qui viennent de Spotify, Deezer, de la musique quoi et des gens qui viennent des réseaux, qui s’attendent un peu à me voir déconner sur scène. Et en fait il y a des morceaux très sérieux, comme Tu connais, tu vois. Mais, du coup, j’incorpore dans mes interventions entre les morceaux ma dose d’humour qui est très naturelle. Ce n’est pas un personnage. C’est aussi moi. Il y a ça et j’incorpore aussi Le goût de la vie, des titres qui vont être plutôt sérieux. Et puis évidemment il y a des p’tits curieux qui viennent en mode qu’est-ce que t’es, qu’est-ce que tu fais et voilà. Et si j’arrive à les choper en plein concert bah c’est 100%, c’est gagné.
La Face B : C’est quoi les plans pour le futur là ? A part les concerts…
St Graal : Ça va être un EP qui est en préparation, en finition, avec des morceaux très personnels justement et des morceaux qui, comme tu disais, peuvent venir des réseaux. Il y a a des grosses pistes aussi qui peuvent arriver.
Mais après c’est des concerts, j’ai signé en tour aussi avec Junzi Arts et j’espère arriver dans la ville de tous les lecteurs de La Face B et les inviter fièrement à venir faire un gros câlin et à boire des verres après les concerts. Et surtout à venir danser avant de boire des verres quand même.
La Face B : Dernière question. Est-ce que t’as des coups de cœur récemment ? Pas forcément musique, ça peut être un film, un livre…
St Graal : Il y a un film qui me marque et que je peux revoir tout le temps, c’est Leto. Il est incroyable, hein ? C’est un film du coup sur l’arrivée du punk en Russie dans les années URSS et qui me fait chialer. La fin, j’ai trouvé que tout le monde est incroyable. Sinon, coup de cœur musical, ça s’est passé avec les iNOUïS du Printemps de Bourges, j’ai eu énormément de coups de cœur musicaux que je connaissais pas du tout en fait. Il y a Rallye qu’est vraiment un gros coup de cœur et Oscar les vacances et Eesah Yasuke avec qui on a gagné des prix et puis même Yoa que je ne connaissais pas, qui sont des gros coups de cœur musicaux que j’ai, des projets en développement qui gravitent aussi où j’ai envie d’être un peu avec eux quoi. C’est cool, parce qu’y a vraiment une bienveillance entre les groupes en ce moment et c’est super quoi.
La Face B : Ca se développe vachement, ce qui n’était pas le cas avant d’ailleurs…
St Graal : Avant, il pouvait y avoir un p’tit peu un truc compétitif quoi, qui était un peu malsain et là, y a un truc. On en a parlé ensemble pendant les iNOUïs et en fait on s’est fait des potes quoi. Il y a zéro compétitivité quoi.
La Face B : Le Covid a switché ça. Tout le monde était dans la merde…
St Graal : C’est ça… Et puis si on peut se filer des coups de main entre artistes, bon ben nous on s’en file un. Là il y a des trucs qui se passent avec les INOUïs du Printemps de Bourges, où on est allés aux concerts des uns et des autres, c’était trop bien ! C’était plein de bienveillance et c’était sain ! Et ça c’est vraiment le mot d’ordre pour ce qui va arriver après et j’espère que ça va continuer parce que c’est vraiment trop cool. Et on est une bonne team à arriver quoi et c’est vraiment ouf. Je suis trop content.