Une conversation avec thems

Cette année, thems a dévoilé deux EPs que l’on a beaucoup aimé : Nuits et Brothers. On a donc profité de la sortie du dernier au début du mois pour échanger avec l’artiste sur sa façon d’appréhender la musique ainsi que sa retranscription en live et à travers les clips.

La Face B : Comment ça va ?

Thems : Ça va très bien.

LFB : La première question que je veux te poser, c’est : aujourd’hui, comment tu définirais le projet thems ?

Thems : Comment je le définirais… Musicalement ?

LFB : Oui, musicalement et visuellement.

Thems : Musicalement, pour moi, mon projet thems, c’est vraiment une musique électronique, que je qualifierais de cinématographique, qui est très influencée par l’image, par le visuel et par le cinéma et par les musiques de films. Il y a vraiment cette relation à l’image très forte. Je le définirais aussi… Enfin ce vers quoi j’essaie de tendre c’est de la musique électronique mais qui se veut organique aussi, avec des émotions, des éléments un peu vivants quoi.

LFB : On a beaucoup écouté l’EP qui sort vendredi et je pense que tu réussis à compléter cet objectif.

Thems : Super. Après, ça ne m’étonne pas parce que c’est vraiment ce qui me plaît dans la musique en général donc forcément, je veux aller vers ces choses là. C’est plutôt chouette si c’est réussi.

LFB : En préparant cette interview, j’ai lu que tu avais dit « je sais qu’une de mes musiques est réussie lorsque, quand je ferme les yeux, le film se déroule tout seul devant moi ». Est-ce que tu peux nous parler de ton processus créatif ? 

Thems : Justement, c’est ça en fait. Je commence sur une page blanche, me mets devant mon ordinateur avec mes synthés. Je commence par un piano, je fais quelques notes et je cherche des suites d’accords. Une fois que j’ai quelque chose qui me plaît d’un point de vue de l’harmonie, je vais me laisser aller dans ce sens-là. Ensuite, je vais beaucoup le réécouter et à partir du moment où, si je vois des choses…

Parce que moi vraiment, ça passe beaucoup par les images et il faut que j’arrive à avoir des couleurs, des températures de couleurs, des personnages, des actions. Il y a des images comme ça assez figuratives qui se construisent et quand ça, ça n’arrive pas, c’est que je ne suis pas sur la bonne piste. En général, les musiques que je garde, ça part de ça. Je commence à voir des choses et du coup je vais dans ce sens là et c’est ces choses que je vois, que j’imagine, qui vont construire un peu le récit et le storytelling que je vais mettre derrière le morceau.

LFB : Tu nous parles de couleurs. Quel couleur a cet EP qui sort vendredi du coup ? Est-ce qu’il y a une couleur prédominante ? Est-ce que c’est un mélange ?

Thems : Celui-là est plus dur à déterminer pour moi. Jusqu’à présent, j’étais beaucoup dans quelque chose de bleu et sur le dernier, quelque chose de plus sombre, qui tendait vers le violet. Mais là, ça se réchauffe un petit peu.

LFB : C’est plus nuancé ?

Thems : Ouais c’est plus nuancé. Moi j’ai toujours une dominante bleue parce que c’est, bizarrement, ce qui me parle beaucoup mais là je dirais qu’il y a des touches d’un peu de rouge, ça se réchauffe d’après moi. C’est pas plus mal parce que c’est quelque chose qui m’attirait depuis toujours et vers laquelle j’arrive à aller progressivement, avec parcimonie quoi.

LFB : Donc bientôt, on va se retrouver avec quelque chose comme le tableau derrière toi ? Un spectre assez large de couleur ?

Thems : Justement, c’est les couleurs de la musique. C’est un tableau où pour chaque couleur, il y a un titre de musiques. Peut-être en tout cas. Je sais qu’il y a certaines couleurs, tonalités vers lesquelles je n’irais pas forcément mais peut-être que malgré moi, ça peut arriver. Par petites touches c’est possible, ce sont des mélanges de toute façon. Je pense que je garderais toujours cette tonalité de bleu, que je raccroche à des sonorités mineures et finalement assez sombres, progressives et tout ça quoi.

LFB : Ça va bien avec le côté cinéma du coup. Tu peux nous dire quelle place prend réellement le cinéma dans ton processus ? Comment ça t’influence ?

Thems : Le cinéma m’influence directement par le récit, par la construction d’un récit. Moi j’aime bien toujours, comme je disais avec les histoires que je me fais dans ma tête avant, j’aime bien avoir une idée de quoi ça va me parler, de construire. Parler des histoires des gens, de celle d’une personne face à une autre, ça on peut le rattacher au cinéma. Je pense que je suis hyper influencé par le cinéma. Après, il y a les musiques de film, qui accompagnent les films. Ça aussi, c’est une grosse part. Je ne sais pas si c’est plus le cinéma qui m’inspire ou les musiques mais tout est lié. C’est vraiment cette idée de souligner le récit, de suivre une progression et de raconter l’évolution d’un personnage face à quelque chose.

LFB : Tu te verrais un jour composer la musique d’un film ?

Thems : J’en rêve. Clairement. C’est un rêve depuis toujours après c’est du gros, gros travail et puis ça s’ouvre aussi beaucoup à la musique électronique aujourd’hui. On le voit avec Arnaud Rebotini par exemple. Il faut quand même toujours avoir un peu cette base d’orchestration d’après moi. Que j’essaie d’apprivoiser un petit peu et que je mets dans ma musique de plus en plus parce que ça me plaît beaucoup aussi. En fait les deux se rejoignent petit à petit et j’aimerais bien un jour.

LFB : Ça serait quel genre de film ?

Thems : Quel genre de film ? C’est dur à dire. Ça serait pas des films d’action ou des films humoristiques mais plus des films très introspectifs je dirais, des films d’auteurs, des choses plus sur les sentiments, sur les émotions, sur les ressentis d’un personnage, sur des choses en profondeur quoi.

LFB : On va croiser les doigts du coup. 

Thems : Ah ouais à fond.

LFB : Pour le moment, tu as sorti plusieurs EPs. Est-ce que t’as d’autres projets pour la suite ? Est-ce qu’un album serait un format vers lequel tu irais ?

Thems : C’est un format qui, en même temps, m’attire et m’effraie un peu. Parce que j’ai une manière de composer qui est très par période et c’est souvent des impulsions comme ça. C’est pour ça que c’était des formats assez courts jusqu’à présent. En même temps, je me cherchais beaucoup au niveau du style. Je dirais que ça fait deux EPs où je suis plus à l’aise et où vraiment ce que je veux faire se retranscrit. Donc c’est pour ça que j’avais pas envisagé jusqu’à présent de faire des formats plus longs. Je commence à y penser pour pouvoir développer un thème sur une plus grand longueur. Ça sera peut être pas dans l’immédiat. Je pense que d’abord, il y aura un autre EP. Mais pourquoi pas juste après le prochain. J’y pense fortement.

LFB : Une autre question qui porte maintenant sur le live. Pour le moment, on a pas pu la chance de te voir en concert. Comment tu retranscris ta musique en live ? Comment se passe un concert de thems ?

Thems : J’essaie de réinterpréter mes morceaux dans la mesure du possible parce qu’ils sont construits d’une manière assez progressive donc c’est dur de découper dedans et de boucler des choses. Donc la structure reste assez similaire, si ce n’est les intro et outro. Mais ce que je fais, c’est que je ré-interprète beaucoup les synthés en live, les leads, les synthés principaux. C’est-à-dire que devant moi j’ai les deux synthés avec lesquels je compose la plupart du temps et soit je rejoue les choses, soit j’envoie du MIDI dedans et je transforme tous les sons.

C’est vraiment sur ça, sur les textures sonores et sur le son en lui-même que je travaille. C’est là où je m’éclate vraiment beaucoup. J’ai essayé différents formats de construction de live mais c’est celui-là qui me plaît le plus, où je m’amuse le plus. Et il y a une partie très importante, que j’ai pas eu l’occasion de faire sur les deux derniers, c’est que tout le live est mis en vidéo. J’ai vraiment un film qui se déroule derrière moi et du coup c’est une expérience… Mon but c’est pas qu’on me regarde moi, c’est plus se laisser transporter par ce qu’on voit à l’écran.

LFB : Donc en fait quand tu vas préparer ton set, on peut dire que c’est plutôt cadré et que tu ne te laisses pas beaucoup de libertés ou tu en as quand même un peu en fonction de l’ambiance, de comment ce passe ton concert ?

Thems : J’ai quelques moments où je peux vraiment improviser sur la structure. Là, c’est plus libre et du coup en fonction de la réponse de la salle, en fonction du public, je peux vraiment jouer là dessus. D’autres qui sont vraiment plus construits et figés sur lesquels j’ai ma structure que je vais suivre pour avoir une certaine rigueur et un certain rendu malgré tout. Grosso modo, c’est ça.

LFB : Tu as des dates de prévus pour la suite ?

Thems : Je suis en train d’essayer d’en boucler quelques unes. J’avais l’idée de faire ça autour de la sortie de l’EP mais en décembre, c’était pas évident d’un point de vue des salles. Il y a plein de choses qui ont été reportées et tout donc du coup, il y a ça plus d’autres gens qui sortent des choses. Il y a beaucoup de monde. Mais là j’essaie de faire ça vers février / mars, enchaîner quelques dates.

A priori, il y en a déjà une qui est presque validée à Liège en Belgique et puis je suis en train de regarder vers Strasbourg, Dijon, Paris. Ce que j’essaie de faire, c’est de retourner un peu dans les villes où j’ai vécu parce qu’il y en a quelques unes. Donc Strasbourg, Dijon, Grenoble, Liège, ce sont des villes où j’ai vécu et où j’ai envie de jouer ou rejouer pour certaines. 

LFB : Un autre pan de ton projet : les clips. Tu as sorti au début du mois le clip de Brothers. Comment t’es venu l’idée du clip ?

Thems : Alors encore une fois, c’est en composant que m’est venue cette image de deux frères qui zonent un peu, qui font des petits coups pour s’en sortir dans la vie. J’avais des bribes d’images au début et j’ai construit quelque chose autour de ça. J’en ai parlé avec Jérémy Morlot avec qui je travaille sur tous mes visuels, que ça soit photo comme clip, depuis le début.

Du coup, on a brainstormé ensemble et il se trouve que j’ai tout de suite pensé au duo de frères qui est dans le clip parce que c’est l’un de mes meilleurs amis qui est dedans. Et puis voilà, avec son frère, ça matchait tout à fait sur le profil que je cherchais et du coup, ils se sont prêtés au jeu avec plaisir. Ça a été un tournage sur trois jours et on s’est vraiment bien amusés. Mais du coup toute la construction du clip part d’une petite idée que j’ai, j’en parle à Jérémy et tout se construit à partir de là. C’est ce qu’on a fait sur tous les autres clips avant ça aussi.

LFB : C’est le même processus à chaque fois alors ?

Thems : Quasiment. Il y a eu un truc différent. C’était pour la sortie de Nuits en janvier. Sur Ouverture, j’ai fait un clip un peu plus abstrait, moins narratif. On me voit en train de jouer, avec des projections et tout ça. Je l’ai réalisé avec Difracto qui est un super ami à moi. On a fait ça ensemble pour s’éclater un peu. C’était un peu plus artistique. C’était plus de l’ordre de l’expérience visuelle.

LFB : Ça donne une idée de ce qu’on peut trouver dans tes concerts du coup ?

Thems : Il y a effectivement des choses un peu comme ça. Il y a même un moment où dans mes concerts, je faisais un peu pareil que dans le clip : la projection se faisait en partie sur moi et en partie derrière moi. Je l’ai pas forcément repris parce qu’en fonction des salles, ça ne s’y prête pas mais j’adapte. J’aime bien aussi me fondre dans l’image. C’est un truc qui marche bien je trouve.

Découvrir Brothers , le dernier EP de thems, et notre chronique :