Dans le top des artistes dont on a le plus parlé sur la Vague Parallèle, Voyou tient le haut du panier, suivi de près par ses potes Bagarre et Cléa Vincent. Il était donc logique que pour la sortie de son premier album, Les Bruits De La Ville, on se pose avec lui pour parler de l’évolution de sa musique, des sous-textes présents dans ses mélodies et du fait d’ériger la naïveté comme philosophie de vie. Compte rendu d’une rencontre avec un artiste pour lequel on aura toujours des nouvelles questions.
La Vague Parallèle : Salut Thibaud comment ça va ?
Voyou : Ça va très bien j’étais à Bruxelles hier pour faire la promo et j’étais content d’aller là-bas c’était cool.
LVP : Mise à part Seul Sur Ton Tandem, tous les titres sont nouveaux. Est-ce que c’était important pour toi de te faire une page blanche et de chercher à surprendre complètement les gens ?
V : Je sais pas si c’est forcément une page blanche puisque comme tu dis il y a Seul Sur Ton Tandem dessus et puis il y a beaucoup de titres que j’ai joués en live pendant 2 ans, des titres que j’avais testés en live pour voir ceux qui marchaient bien ou ceux qui marchaient un peu moins.
LVP : On définit souvent ta musique comme quelque chose de très coloré et très pop mais je trouve qu’à l’écoute de l’album les gens vont peut-être découvrir plus de mélancolie dans tes intentions. Est-ce que c’était intentionnel pour toi, de montrer autre chose ?
V : C’est pareil, chaque morceau a sa couleur, sa teinte, son mode d’expression et chaque morceau est assez différent des autres sur l’album. Cela vient surtout du fait que j’ai vraiment essayé d’utiliser la musique qui accompagnait le texte pour représenter au maximum le décor dans lequel je place mes histoires.
Ce qui fait que les morceaux peuvent être assez différents. Moi après je les fais tels qu’ils me viennent et je laisse aux gens le plaisir de se les approprier et d’y voir ce qu’ils veulent y voir. Mais c’est vrai que ça navigue dans pleins de genres différents et ça me plaît de me dire que je peux réussir à avoir un truc cohérent sans être obligé d’avoir toujours les mêmes types d’instrumentations.
LVP : Tu as beaucoup réfléchi à la façon dont tu plaçais les chansons dans l’album ou pas du tout ?
V : Ouais, j’y ai un peu réfléchi. J’ai essayé de faire un truc cohérent dans l’enchaînement des saisons un peu, pour que chaque morceau soit la suite logique de celui d’avant en terme de saison, d’atmosphère et tout ça.
Je trouvais ça important d’avoir une cassure au niveau du disque et j’y ai beaucoup pensé. Je suis un gros consommateur de vinyles et j’ai beaucoup pensé à avoir une face A et une face B, pour qu’il y ait deux faces déjà qui soient en elles-mêmes cohérentes et en plus de ça que le disque s’écoute du début à la fin de manière fluide. J’écoute aussi des singles mais j’écoute surtout des albums en entier, toujours tout un album ou un EP, c’est mon mode d’écoute. Du coup, j’ai créé l’album en ayant cette façon d’écouter la musique en tête, même si ce n’est pas très moderne.
LVP : Justement c’est intéressant ce que tu dis car c’est un peu ce que j’ai ressenti au-delà du titre, je vois ton album comme une balade dans une ville, une personne qui raconte toutes les histoires qui se passent autour de lui ou qu’il a vécues.
V : Il y a un peu de ça et c’est aussi pour ça que l’album s’appelle Les Bruits De La Ville. Tout l’album se passe à l’extérieur en tout cas, il n’y a aucun morceau qui se passe à l’intérieur d’un lieu ou alors c’est juste des passages, on rentre et on repart.
Mais ouais c’est aussi un peu comme ça que s’est passée ma vie pendant le moment où j’écrivais ces morceaux-là. J’étais souvent dehors, pas très souvent chez moi et puis j’ai été beaucoup spectateur de pleins de choses que ce soit dans l’actualité ou dans la vie plus intime de mes amis… J’ai déménagé aussi donc y a eu pas mal de choses comme ça, ce petit truc de balade, de passer devant des décors, des histoires. Je trouve ça important que l’artiste se place d’un point de vue observateur de ce qu’il se passe et pas juste de manière très égocentrique, de parler que de soi, d’être toujours centré sur soi. Je pense que c’est important de faire état des choses qui se passent autour de nous.
LVP : Tu parles d’observateur, sur cet album là tu utilises la première personne ce que tu ne faisais jamais avant. Est-ce que tu ressentais le besoin de te montrer comme acteur de ces chansons ou est -ce que tu avais des choses plus personnelles à raconter ?
V : J’utilise la première personne mais ce n’es pas pour autant que je raconte des choses aussi personnelles que ça. C’est un peu parfois pour le bien de l’histoire, je place ma narration à la première personne car ça sonne mieux dans l’écriture du texte. Au début, j’avais un peu peur de faire ce truc là, d’utiliser la première personne car j’avais envie que les gens sachent que même si j’utilise la première personne et bien je ne parle pas que de moi. Si jamais j’avais fait que des morceaux à la première personne, ça aurait été compliqué à le faire admettre, là je me suis permis de le faire car c’est plus simple pour le déroulé de l’histoire. Un morceau comme Les Trois Loubards aurait peut-être moins de répercussions si je l’avais raconté à la deuxième ou troisème personne. Et parfois, même si j’utilise la première personne, j’utilise aussi le point de vue de Voyou et pas celui de Thibaud Vanhooland.
Je me permets aussi d’incarner des personnages mais qui ne sont pas forcément moi et j’utilise aussi l’ambivalence de ce nom, Voyou, qui me permet d’être plein de personnages polyvalents et pas que moi, le Thibaud que je suis dans la vie de tous les jours pour raconter plein de types d’histoires différentes. Mais c’est vrai que je me suis senti plus légitime de le faire mais aussi car j’avais assez fait comprendre aux gens que quand j’utilisais la 1ere personne eh bien ce n’est pas de moi dont je parlais forcément.
LVP : Tu avais peur de peut-être tomber dans l’égo trip ?
V : En fait je trouve ça important de ne pas être centré sur soi et de laisser de la place à la parole de tout le monde. Tout le monde ne peut pas écrire des chansons, en avoir sur Youtube, Spotify etc. Donc y a un moment donné où les gens écoutent ce que tu fais, on te dit toujours que tu as la responsabilité de ce que tu vas raconter et tout ça. Et si dans ce cas tu prends ça au sérieux, tu te dis bah je vais pas être moi-même, enfin tu vois genre « je vais pas me limiter à ma parole à moi ». C’était déjà une réflexion sur l’EP, de ne pas me contenter de ma parole unique et ça continue sur l’album, mais parfois je me permets d’utiliser la première personne.
LVP : Moi ce que je trouve le plus beau dans ta musique, c’est sa candeur et sa naïveté qui est complètement assumée. Je me demandais si c’était une nécessité pour toi de te protéger du cynisme ?
V : C’est une nécessité pour moi dans la vie de tous les jours et du coup ça transparait dans ce que j’écris mais j’essaie toujours de voir simplement le bon côté des choses. J’essaie toujours de croire que si jamais on voit que le mauvais côté des choses eh bien on se plaindra de ce qui va mal sans qu’il n’y ait plus d’espoir et du coup rien ne changera jamais. Le fait d’essayer de rester optimiste ou du moins d’essayer de voir les choses positivement, je pense que ça permet d’avancer un peu mieux, un peu plus sereinement.
Ce dicton qui dit « heureux les simples d’esprit », il y a un moment donné où je me force à avoir la pensée la plus simple possible pour pouvoir rester le plus heureux possible et ne pas dramatiser tout. Ce qui se passe de tragique ça se passe, faut l’accepter et avancer et trouver des solutions pour que ça aille mieux, pas se morfondre sinon tout le monde sera malheureux et ça ne sera pas terrible.
LVP : Je trouve que c’est une légèreté qui est d’apparence mais ça ne t’empêche pas d’avoir des propos assez forts même s’ils sont imagés, je pense à Lille, mais par exemple moi quand j’ai écouté On A Marché Sur La Lune, j’ai l’impression que tu peux prendre le texte au premier degré mais tu peux aussi voir une personne qui parle de la surconsommation en elle-même. Et je me demandais si tu réfléchissais au sous-texte car avec un morceau comme ça c’était assez évident pour moi quand tu l’écoutes…
V : Ah oui, ce morceau parle clairement de ça, il parle de l’absurdité humaine, de ne pas accepter de comprendre certaines choses et d’être prêt à s’auto-détruire complètement juste pour prouver qu’il est plus intelligent que le monde qui l’entoure tu vois. Ce morceau parle vraiment de ça donc la société de consommation est un des résultats de ça car si jamais maintenant on a des téléphones ou des ordinateurs, à la base c’est pas pour nous faire plaisir c’est juste parce que les mecs ils ont créés ces choses pour aller sur la lune par exemple et après par derrière tant qu’ils peuvent se faire du fric en nous les vendant aussi, pourquoi pas, tout en les rendant populaires et en les vendant aux gens d’une manière un peu plus restreinte.
C’est l’histoire de l’humanité de toute façon, toutes les grandes civilisations ont eu l’impression d’être meilleures que la civilisation d’avant mais elles se sont éteintes exactement de la même manière. On est aussi débiles que l’empire romain, que les égyptiens sauf que nous en plus de ça dans notre civilisation on entraîne aussi beaucoup d’espèces animales. Mais bon, je pense qu’il y a un moment où on doit accepter qu’on est des débiles profonds sur ces choses là, qu’on est beaucoup trop égocentriques pour accepter qu’on est pas tout le temps en avance sur notre temps, pas tout le temps dans la création de nouvelles choses qui détruisent. Et surtout, si jamais ça doit être ça la fin de l’espèce humaine eh bien ça le sera et ça sera sa faute
LVP : Ca t’intéressait toi de créer ce double langage ? Car tu vois le gosse de 5 ans qui écoute ta musique va kiffer car y a un rythme et des paroles assez simples qu’il peut retenir mais t ‘as des gens qui vont vachement prendre ça au premier degré
V : En même temps la conquête de la lune c’est un truc qui est magnifique, c’est ça toute la complexité de ces choses et c’est aussi pour ça que je trouvais intéressant de raconter ce morceau comme ça. C’est quelque chose de magnifique qui a fait rêver des milliards d’enfants et d’adultes partout sur la planète. Et pour autant, c’est un truc dans la profondeur et sur le long terme qui est complètement auto-destructeur et un non sens absolu mais c’est en même temps la beauté et la réalité de la chose.
C’est ce que j’explique dans la petite partie refrain du morceau et c’est vrai que l’humain a ce truc de toujours vouloir aller plus vite, toujours aller plus loin et plus haut, c’est débile et en même temps ça nous apporte des bons moments aussi. Moi je suis pas porte-parole et j’irais pas critiquer quoi que ce soit car y a pleins de choses qui m’échappent là-dedans et finalement je ne suis que chanteur mais n’empêche que c’est quand même des choses dangereuses.
LVP : J’ai envie de parler de ton live car tu as un peu teasé ça sur les réseaux sociaux, est ce que tu peux nous en parler un peu ?
Faut venir voir. Faut venir à La Cigale le 10 avril (rires)
A La Cigale le 10 avril et en tournée ailleurs aussi en France. Mais écoute je passe de tout seul à être avec des musiciens et c’est chouette, ça va me permettre d’un peu moins avoir le contrôle, que ce soit un peu plus libre, qu’il se passe un peu plus de choses et c’est cool de pouvoir présenter ça sur scène.
LVP : Toi qui avais une connexion assez forte avec les gens du fait d’être tout seul, est ce que t’as pas peur de perdre un peu ça ?
V : Non je pense pas, je pense qu’elle va rester la même et qu’en plus d’être connectée avec des gens dans la salle, je serais aussi connecté à des gens sur scène.
En prenant des musiciens j’avais envie de placer toutes les choses qui sont humaines dans la musique et que je ne pouvais pas avoir sur scène. Et donc avoir des filles pour chanter les chœurs, avoir des percussionnistes qui sont doués, des pianos, des guitares …. Il y a beaucoup plus de chose que sur l’EP en terme d’instruments organiques et du coup j’avais pas envie d’avoir des bandes.
LVP : C’est aussi l’ampleur des chansons qui nécessitent l’apport de musiciens ?
V : Ouais mais je pense que j’ai aussi fait l’album comme ça car je savais que l’album était moins électronique et je pense qu’il a été fait comme ça car je savais que j’allais enfin pouvoir me payer des musiciens sur scène. L’idée c’est de toujours évoluer, changer. Peut-être qu’un jour je reviendrais tout seul, peut-être que je ferais des chansons que piano voix ou guitares voix mais là c’est ce que j’ai envie de faire et j’e suis content de pouvoir le faire.
LVP : Il y a pas mal d’influences brésiliennes sur l’album…
V : Il y en a un petit peu mais . Vu que j’ai travaillé avec un brésilien pendant que je faisais le disque eh bien forcément y avait des petites teintes de ça mais je suis quand même toujours aux manettes de mes arrangements.Un morceau comme A Nos Jeunesses qui est clairement influencé par la musique brésilienne. Après il y a d’autres morceaux comme Papillon ou on pourrait avoir tendance à mettre ça dans le panier de la musique brésilienne mais c’est un morceau qui m’a tout autant été soufflé par la musique du Ghana, de laColombie ou de Cuba tu vois. Du coup c’est pas que de la musique brésilienne, y en a un petit peu mais je pense que chaque morceau a ses provenances.
LVP : Ca t’ennuie qu’on ne voit que ça ?
V : Pas du tout mais je trouve ça important de replacer les choses là où elles sont et c’est la facilité de dire que c’est très influencé par la musique brésilienne car il y avait un brésilien présent l’enregistrement du disque et que le disque ouvre avec un morceau de bossa nova.
Mais la vérité c’est qu’il y a pleins d’influences différentes et il y a des choses qui m’ont été inspirées par de la musique d’Asie, d’Orient, d’autres par de la musique africaine, parfois il y a différentes petites teintes au sein du même morceau. Après j’adore la musique brésilienne donc je prendrais jamais ça comme une insulte qu’on me dise que y a des sonorités brésiliennes.
LVP : Ce que je voulais dire par là c’est que c’est l’influence la plus marquée bien que les influences soient assez multiples
V : Je suis peut-être pas très objectif mais je trouve quand même que l’influence la plus marquée c’est quand même en terme d’harmonisation un truc assez français, de melting-pot, de truc qui se rassemblent enfin tu vois le fait qu’il y ait eu beaucoup d’immigration en France, ça a créé un espèce de gros mélange culturel qui a fait aussi des musiques très colorées, teintées de pleins de cultures différentes. Ça nous a donné accès à pleins de musiques dont on avait pas forcément très conscience et je trouve que finalement là où la France est un des pays les plus intéressants c’est dans le fait de regrouper plein de sonorités et de textures de pleins de pays différents. Et c’est Diogo Strausz le brésilien qui était avec moi pour le disque qui m’a dit « vous êtes drôles les français car c’est quand même vous qui avez inventé la world music » et d’un côté il a pas tort car en France on aime bien rassembler des influences d’un peu partout. Après c’est vrai que le Brésil est assez présent mais je sais pas, peut-être que je ne suis pas assez objectif.
LVP : Est ce que tu as vu des réactions différentes entre les pays ? Je pense au Brésil, Japon ou l’Angleterre ou tu as joué.
V :Les publics sont pas les mêmes en fonction des pays, au Japon par exemple c’est une toute autre manière de recevoir la musique et d’aller la voir sur scène,c’était super et j’ai adoré jouer là-bas mais t’as d’autres codes pour aller voir les lives. En Équateur c’était fou car les gens étaient vraiment à fond mais tu as aussi la musique que les gens ont l’habitude d’entendre.La bas par exemple, tu sens que la musique électronique est pas encore trop présente, y a des super musiciens et tout mais ils sont aussi très influencés par la musique des montagnes et il y a des jeunes groupes qui se mettent au rap, des musiques un peu plus modernes mais qui sont quand même toujours dans un truc… tu vois je pense que déjà l’accès aux technologies n’est pas la même, ce qui fait que quand ils voient arriver des gens comme nous tu vois leurs réactions enthousiastes. J’ai joué avec INÜIT sur une des dates et c’est quand même un groupe avec beaucoup de percussions, c’est très moderne avec beaucoup d’influences différentes et assez techno par moments. Eh bien eux ils étaient trop à fond d’écouter de la musique comme ça, ils ont kiffé.
Au Brésil, c’était chouette aussi mais c’était encore différent car c’est un pays où la musique est hyper importante et c’est tellement un gros acteur de la musique mondiale. Ils sont très curieux et très conscients de leur rôle de créateurs de musique star un peu. Mais c ‘était trop bien aussi les concerts étaient super et c’est vrai que le public change pas mal mais t’as toujours le même truc où si tu fais un bon concert avec une bonne énergie, tout va bien et ça se voit dans la salle. C’est universel.
LVP :Je voudrais aussi parler de ton image visuelle, pour moi tu es très imprimé et ma question c’est que c’est pas toi qui a fait la pochette et comment ça s’est passé ? Est ce que t’as pas été un peu frustré ?
V : Non, franchement j’avais pas le temps de faire la pochette déjà et puis j’avais pas envie de la faire non plus. C’est la pochette de mon disque et j’ai pas l’impression d’être illustrateur. Il y a des gens dont c’est le métier mais c’est pas le mien, moi mon métier c’est de faire de la musique. Mes pochettes d’EP pourquoi pas, ça m’amuse mais j’avais pas envie de faire moi même une pochette d’album, un truc qui va rester …enfin j’espère (rires).
LVP : Mon autre question, est ce que tu te vois faire un clip avec quelqu’un d’autre que Vincent Castant ? Car j’ai l’impression qu’il a tellement imprimé son image sur ta musique.
V : Oui en vrai je me vois faire des clips avec d’autres personnes mais c’est super compliqué car c’est une esthétique qu’on a développé ensemble et ça fonctionne tellement bien. Après il faut jamais camper sur ses positions, à un moment donné faut savoir prendre des risques et changer ses habitudes.
J’ai essayé de faire un clip avec quelqu’un d’autre tu vois et ça l’a pas fait, c’était pas possible. Mais il y a d’autres personnes dont j’aime le travail et ce que est j’aime c’est de toujours pouvoir travailler avec des gens qui savent faire les choses par eux mêmes, un truc un peu DIY où tu sais faire des belles propositions avec pas grand-chose. L’artisanat quoi. J’ai pas envie de faire des clips où la caméra est à 50 000 balles et faire des beaux plans au ralenti et tout ça, moi ça me fait chier, j’arrive pas à regarder ça plus de 5 secondes. L’idée c’est de rester sur cette ligne de conduite mais après je sais que je pourrais pas faire des clips toute ma vie avec Vincent car c’est un garçon très occupé et assez talentueux pour qu’on lui propose du boulot tout le temps donc voilà. Et c’est la grande question en ce moment, est ce qu’on va pouvoir faire un troisième clip ensemble car à chaque fois c’est quand même assez prenant car pour un clip il se prive de sa vie pendant un an et demi, il reste chez lui enfermé à faire du montage nuit et jour.
LVP : Est ce que c’était évident pour toi d’utiliser le nom de la ville de Lille pour en faire une chanson ?
V : Déjà c’est la première ville que j’ai jamais quitté et la première fois que j’ai dû quitter quelque chose ou quelqu’un en fait, c’est quand j’ai quitté Lille. Mais le morceau je l’ai écrit quand j’ai quitté Nantes et que j’ai quitté une fille. Cc’était assez évident de parler de Lille car je me suis rappelé… enfin tu vois je crois que tu as toujours un rapport très intime avec l’endroit dans lequel tu es né, tu as l’impression d’avoir un vrai sentiment d’appartenance avec cet endroit là et moi j’ai un sentiment d’appartenance très fort au Nord et à Lille. Le fait de partir de cet endroit c’était à la fois très bénéfique et très tragique car partir de quelque part c’est se mettre en danger pour plein de raisons mais c’est aussi partir à la découverte ets ortir de sa zone de confort.
J’avais aussi envie de faire un morceau pour cette ville tu vois, qui a complètement forgé ma personnalité et la personne que je suis. Je parle de Lille mais aussi de ses habitants, je parle de son ciel, de ses murs, ses maisons et des gens qu’on voit là-bas. J’ai l’impression que cette ville m’a apporté un côté beaucoup plus humain que si j’étais allé dans pleins d’autres villes, j’ai eu de la chance de vivre dans une ville où il y a une grosse mixité sociale où je savais dès l’enfance ce que c’était un arabe, un noir, un ouvrier, un fils de…Enfin tu vois, le fait d’avoir aucuns préjugés sur qui que ce soit, ni sur quelqu’un qui est riche, pauvre, noir ou asiatique. Je souhaite à tout enfant de pouvoir vivre dans un endroit comme ça, où la différence n’existe pas vraiment parce que t’es trop jeune pour te rendre compte qu’il y a de la différence.
Après peut-être que les différences arrivent un peu plus tard sauf que moi je suis partie de Lille avant de pouvoir voir que peut-être les gens en grandissant se créent des différences les uns avec les autres. Je suis arrivé à Nantes et le premier truc qui a été violent pour moi c’est de me rendre compte que les gens étaient vraiment séparés des uns des autres, que les gens pauvres et riches n’habitaient pas dans les mêmes endroits, que dans mon collège il y avait un noir et un arabe tu vois, je trouvais ça hyper bizarre, hyper chelou.
LVP : Pour moi c’est une chanson sur le passage à l’âge adulte, je l’ai vu comme ça et ça me semblait assez évident que tu clôtures l’album avec une chanson comme ça car ça marche comme une chanson de fin de chapitre.
V : C’est possible, dans tous les cas c’est une chanson sur un changement d’état. Après il peut y avoir des répercussions différentes pour tout le monde, ça peut être un morceau sur une rupture car je parle de Lille comme si c’était une femme que je quittais, ça peut être un morceau de déménagement, de passage à l’âge adulte, ça peut être pleins de choses différentes et dans tous les cas c’est une chanson qui exprime le changement et le fait que quand on change, c’est pas pourtant qu’on oublie ce qu’il s’est passé avant. C’est toujours délicat, il y a ceux qui partent et ceux qui restent et dans ce morceau c’est pour dire à ceux qui restent, qu’ils restent là, qu’ils ne partent pas avec nous.
LVP : Quels sont tes coups de cœur récents ?
En ce moment c’est No Name, une rappeuse américaine. Je dis rappeuse mais c’est presque réducteur par rapport à la musique qu’elle fait, les instrus sont incroyables, c’est assez acoustique, y a beaucoup de violon, beaucoup d’influences et c’est génial. Y a aussi Kiefer qui a sorti un disque chez Stones Throw, c’est un pianiste de jazz mais qui a des instrus hip hop incroyables et qui revient à un truc qui amène quelque chose d’un peu nouveau, il revient à quelque chose où il y a des vrais thèmes, des impro toujours hyper bien placées dans l’émotion, pas que la technique. J’écoute pas mal Grand Veymont, c’est un groupe français et je sais pas qui ils sont et d’où ils sortent et ils ont genre 1000 écoutes mais ils ont sorti un EP l’année dernière qui est juste trop bien. J’écoute pas mal des trucs de Haruomi Hosono, un japonais des années 70-80, j’ai récupéré un vinyle de lui et c’est assez cool. Le fait d’avoir acheté un disque de lui fait que je le réécoute et que je me replonge dans d’autres vieux trucs qu’il avait fait mais que je n’avais pas écouté avant mais dans tous les cas c’est les disques que j’ai acheté récemment.
LVP : Puisqu’on se connaît bien maintenant, est ce que tu aurais une question pour LVP ?
V : Est ce que c’est vrai la légende urbaine selon laquelle Razmo Ducrot a créé LVP ? (rires)
Je peux peut-être poser une autre question, selon vous, qu’est ce qui fait le plus mal à la musique de nos jours ?
Je vais me permettre de répondre en mon nom, puisque cette opinion ne concerne que moi. Pour moi, ce qui fait le plus de mal à la musique de nos jours c’est internet. Ça peut sembler étrange de la part de quelqu’un qui travaille sur un média en ligne, mais avec internet le rôle de chroniqueur musical a perdu de son ambition. Désormais, pour beaucoup de média, on réduit au maximum les chroniques et les interviews en pensant que les gens n’auront pas la patience et l’intelligence de lire jusqu’au bout un article long. C’est un peu pour moi notre combat ici, ne pas rendre les gens bêtes et leur offrir des articles et des interviews qui traitent du fond et pas seulement de la forme. Je sais pas si c’est une réussite, mais c’est en tout cas un but.
Un immense merci à Océane pour son aide dans la retranscription.