Une Ode à Chilly Gonzales – Solo Piano III

Quand on pense à Chilly Gonzales, il y a des mots clairs qui reviennent en tête pour le définir : entertainement, folie, génie. Des mots qu’il utilise lui-même pour se définir et qui ont fini par se greffer à son ADN. On laissera à chacun le libre choix de son interprétation de cet artiste hors norme à la fois hors du temps et pourtant toujours d’une actualité clinquante. La sortie de sa dernière oeuvre Solo Piano III nous donne surtout une excuse parfaite pour faire l’éloge d’un artiste qu’on aime dans son entierté, pour ses qualités comme pour ses défauts. Laissez donc votre impartialité de côté et laissé vous bercer par tout l’amour qu’on porte au grandiose canadien.

Il y a comme une odeur de fin de cycle à l’écoute de ce Solo Piano III. Un bruit de page qui se tourne, comme lorsqu’on arrive aux dernières pages d’un livre qui nous aura fortement marqué et que ,consciemment ou non, l’on se coupe le doigt sur le papier comme pour laisser une trace à une œuvre qui aura elle aussi laissé une trace en nous. Comme lorsqu’on regarde un film jusqu’à la fin du générique car on n’a pas vraiment envie de le quitter. Il y a ce vertige, cet instant perdu qui n’appartient qu’à nous et qu’on voudrait voir durer pour toujours, se glisser dedans pour ne jamais le quitter.

Tout cela chez Chilly Gonzales se conjuge en une page de presque 15 ans, une œuvre imposante ponctuées de coups d’éclats, comme son record du plus long concert en 2009, de coups de génie, Solo Piano II, Ivory Towers…, et de coups dans l’eau comme cette association un peu ratée avec Boys Noize pour Octave Minds.

Et si le piano va solo, il n’en est rien du musical genius canadien qui tend lui vers la réunification, vers la foule et le rassemblement. Sa marotte, l’idée fixe de sa carrière, c’est d’emmener différents publics vers des genres qu’ils ne connaissent pas et qui finiront par les toucher. C’est d’amener l’amateur de classique vers le rap et inversement, en créant avec The Unspkeable Chilly Gonzales un album de rap symphonique. C’est prouver qu’on peut à la fois créer des tubes pop comme Working Together, électro comme You Can Dance, ou mélanger le tout seul au piano avec Gogol, chacun de ces titres finissant par entrer dans le monde commun avec leur nombreuses utilisations dans des pubs, séries ou films.

C’est avec cette donnée en tête qu’on s’est plongé dans l’écoute de Solo Piano III, un album à la beauté subtile qui sonne comme l’oeuvre somme d’un artiste qui se veut ouvert à tous et qui finit par toucher au sublime, à l’indicible. Ces quinze titres sonnent comme une œuvre de vulgarisation sans tomber dans le vulgaire, avec une envie de simplicité qui n’ira jamais sombrer dans le simplisme.

Fatalement, certains associent l’instrument  et le genre classique à des temps anciens alors que chez Gonzales, on en tire toute la modernité,  pour offrir 15 vignettes variées et actuelles, chacune étant dédicacée à des artistes qui ont importé dans la carrière de l’auteur comme une note d’intention face à la diversité du bonhomme. Ainsi, on y trouve entre autres Beach House, Daft Punk ou … Migos.

A certains moments, on fini même par avoir la sensation que c’est le piano qui guide l’artiste et non plus l’inverse, que celui-ci se retrouve habité, vivant, offrant ses pulsations à un personnage qui ne demande qu’à le suivre. Cette sensation est palpable sur des titres comme Nimbus ou Present Tense. Et puis il y a des petites tubes, ces petites pastilles qui frappent dès la première écoute et qui s’accrochent à nos oreilles comme une tique se planterait dans notre bras. Chico fait partie de ceux là, tout comme Blizzard In B Fat Minor.  On y trouve aussi des morceaux plus longs, qui prennent le temps d’installer des ambiances parfois atmosphériques et rêveuses, October 3rd et Be Natural, parfois plus sombres aussi comme sur Lost Ostinato.

L’album s’achève avec Whist, aussi lumineuse que mélancolique par endroit et on se dit que Solo Piano III a ceci de proche de la vie qu’il mélange les sentiments, qu’il n’est ni tout noir ni tout blanc, qu’il peut se faire joyeux comme ombrageux, positif autant que  doux amer et qu’il semble, au final, être une représentation assez pure et honnête de ce qu’est Chilly Gonzales.

Comment conclure après tout ça ? Peut-être tout simplement en s’adressant à l’auteur lui-même. Merci James, merci pour tout : pour tes réussites comme pour tes échecs, merci de nous avoir bercé, fait rêver, pleurer, danser, rire, de nous avoir diverti. Merci pour ce Solo Piano III et son épure qui semble à la fois si loin et si proche de la mégalomanie qui semblait t’habiter un temps. On a grandi avec toi, avec ta musique, tu nous as surpris, déconcerté, mais plus que tout, tu nous a réuni autour de toi et tu nous a ému. Alors sois prévenu, on sera encore derrière toi pour ta prochaine aventure. Et la suivante aussi. On tourne la page et on y laisse une trace ok ? A bientôt.