Variables, l’art de la variation d’Alfa Mist.

La nouvelle génération de Jazz aujourd’hui prépondérante a grandi en même temps que ses parents. L’un d’entre eux, Alfa Mist, a sorti récemment son tout nouvel album. Ce dernier est intitulé Variables.

L’identité musicale du claviériste londonien est claire et établie. Partisan d’un son et d’influences modernes, ce dernier y inclue aussi des passages rappés par ses soins. Rappelant alors le Jazz Fusion, mais plaçant au premier plan l’émotion. Le tout donne un alliage fort, calibré et muri depuis près de dix ans. Un facette se mêlant au Hip-Hop et au R&B. Cette tendance à mélanger les genres se matérialise notamment sur le deuxième morceau, Borderline.

Cette identité à deux moitiés permet une gestion efficace du rythme et des dynamiques. Le morceau d’ouverture, Foreword, est complètement différent du titre qui le suit. Ce cinquième album intronise également l’apparition des sonorités africaines. Les 2:36 minutes de Genda (Go Away) l’illustrent bien. La présence de l’artiste Bongeziwe Mabandla constitue un autre exemple de l’incursion d’une telle culture, omniprésente dans l’agglomération londonienne. Sur le terrain des invités, on retrouve aussi l’artiste Kaya Thomas-Dyke, collaboratrice de longue date d’Alfa Mist.

Le producteur met en exergue un sens du rythme et des dynamiques très aiguisé. L’alternance des genres entraîne Variables dans des directions différentes. Des chemins qui fluctuent constamment, donnant un rythme effréné au disque. Peu de morceaux contiennent des paroles, mais sont tous orientés vers une thématique sociale. On peut notamment entendre le producteur évoquer la condition des jeunes populations noires anglaises sur Borderline. Le discours est cohérent tout le long du projet, et bien amené. 

La brillance et l’excentricité du Jazz Fusion s’accorde à des éléments d’orchestration utilisés comme support mélodique. L’ensemble donne une œuvre riche qui gagne en épaisseur à chaque écoute. Ce cinquième album démontre une technique impressionnante et une grande subtilité. On sent et entend les progrès et le tout travail abattu depuis 2015, et le premier projet, Nocturne. La production accompagne le tout d’un grand soin avec un grain soyeux et doux. Tous les arrangements portent du sens et amènent les compositions dans des territoires surprenants mais cohérents.

On notera l’excellent enchaînement qui clôture le disque, 4th Feb et BC nuançant les sonorités du projet et illustrant bien cette variation latente. Le Fusion clinquant de Foreword, The Gist, ou de Variables montre aussi toute la versatilité dont peut faire preuve le MC. Entre les quatre moments de Jazz virevoltant pur, le pianiste a l’intelligence de nous proposer autre chose. Ce choix confère une vraie énergie revigorante pendant tout le projet faisant passer les trois quarts d’heure en un instant. 

Cinq albums, c’est le temps qu’il aura fallu à Alfa Mist pour afficher une complète maitrise d’un art à la fois si simple et si complexe. Le producteur démontre à travers Variables une impressionnante capacité à varier les ambiances et son rythme pour construire une œuvre forte et cohérente. Nul doute ne fait que le londonien est actuellement l’un des meilleurs dans son exercice, et ce cinquième disque en est la preuve.