Les Viagra Boys c’est cette partie crade qu’on essaie de refouler. Parfois elle revient, elle va sur la scène du Bataclan, et elle retourne tout. C’est ce qui s’est passé le 12 décembre, et on y était. On vous raconte tout.
Dans la longue queue qui mène au Bataclan, on se réchauffe bien comme on peut. Entre deux buveurs de bière, la fumée d’une cigarette qui se mêle à la buée, des corps emmitouflés, on tend l’oreille. Forcément, Viagra Boys est dans toutes les bouches. Le concert est complet depuis des mois, la file s’étire jusqu’au coin de la rue, la date est attendue. En à peine quatre ans et déjà trois albums studio au compteur (tous trois sortis chez Year0001 Records), le sextet a fait son trou, et c’est le moins qu’on puisse dire. D’un punk un peu crasseux, un post-punk/free jazz bizarre, un on ne sait quoi qui fait passer ce groupe pour un petit ovni qui dégouline d’énergie, mais d’énergie inlassablement crade. Bref, le groupe est atypique, surfant sur une image dégradée, qui claque un peu l’ambiance un poil aseptisée dans laquelle on vit (coucou Alex Turner).
A l’image de leur dernier album, Cave World (datant de juillet dernier), le groupe porte un regard cruel sur la société, qui, peut-être tente d’en être le miroir, au travers de leur son si bordélique, si noir, dur, porté par une basse acerbe. Bref, ça castagne.
Et ça castagne dès l’entrée. Trois femmes se partagent la scène du Bataclan, pour démarrer. Voici VULKANO, trio de princess punk (ça vient d’elles, pas de nous). On ne va pas se mentir, la dénomination est bien trouvée. En parcourant leur discographie (quatre albums depuis 2013, dont le dernier date de cette année) on y trouve un univers fort de contradictions. Un punk candide, habité par des synthés et une basse aux accents pops, discos. La première chanson pose le dilemme entre fantasme et réalité, et clairement, le trio suédois a choisi le premier choix. Leur dernier opus, sorti dans sur propre label (comme les trois précédents d’ailleurs) est une vrai surprise. Assez excellent dans un style qu’on n’entend assez peu finalement. Leur prestation scénique est à l’image du reste, dans un style ambivalent d’une grosse basse, d’accents dansants, de rythmes simples et synthés aériens. En tout cas, le Bataclan adore, et l’on retiendra Candy Woman, dont la version live est exceptionnelle.
Dans un contraste chaud/froid saisissant, une fois passée la candeur de VULKANO, vient la débauche des Boys. D’un style assumé, à leur image, le groupe envoie assez rapidement ses guitares, son énorme basse et ses synthés mixés d’un saxophone éraillé. Ça déménage, ça envoie, les pogos se lancent, le Bataclan répond présent, la soirée démarre sur les chapeaux de roues. Assez rapidement, le chanteur fait tomber le haut et exhibe fièrement son ventre rond et tatoué, qu’il malaxe de temps à autre, avec une certaine fierté. Le concert, long de plus d’une heure, mérite les applaudissements. La setlist pâtit néanmoins de quelques ventres mous (désolé du jeu de mot) qui font retomber un peu la pression et engagent le groupe dans un faux rythme, qui finit malgré tout toujours par se relancer.
On retiendra bien évidemment que les Viagra Boys sont un groupe à voir en live, absolument. Pour les fans du genre, fans de cet univers si particulièrement grossier, soyez rassurés, leur performance est un condensé de jemenfoutisme total, de shorts très courts, de chapeaux de cowboy et autres dingueries. Pour autant, quand il faut jouer, les musiciens s’emploient à rendre à la perfection l’imparfait. Tout semble provenir d’un bordel contrôlé, mais contrôlé du bout des doigts. A chaque instant, on imagine la machine s’emballer, perdre les pédales et se retrouver dans une soirée abjecte, un peu poisseuse. Rien de tout cela, rassurez-vous, le concert se termine de la meilleure des manières, magistrale, entre deux vomis du chanteur. Ne dit-on pas qu’une image vaut mille mots ?
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Crédit photo : cover de Viagra Boys – Cave World