Si l’apocalypse était pour hier, la pandémie mondiale aura réussi à composer le cri cathartique du quatuor normand le plus prisé des caves aux sols collants. Douze titres saturés reprennent le flambeau de l’album qui les avait propulsés à la face du monde il y a deux ans et demi. Alors qu’ils seront sur la scène du Petit bain le 02 décembre et au 106 le 04, le moment était idéal pour revenir sur Can’t Wait To Be Fine.
Dépression chérie
L’album s’ouvre par une supplique grave et lancinante, Raphaël Balzary susurrant à un auditeur qu’on craindrait presque trop habitué aux pistes de Kids are lo-fi. « It’s time / Introduce the tide » : marée montante menaçant de tout engloutir, la déferlante se fracasse au récif d’une relève définitivement assurée ; des na-na-na au débit rapide nous épuisent de sursauts irrésistibles en guitares grattées avec acharnement – dissonance maîtrisée. « I respect your medicine / I’m in love with ritaline ». Qu’on soit prévenus, la fin du monde est passée par là, et nos taux de sérotonine n’en sont pas sortis indemnes.
DSM VI (visionnaire, la dernière version étant le V) s’orne d’accents pop tranchant avec le propos grave, auxquelles succèdent les nappes mélodiques de Chloé Barabé, à mi-chemin entre cynisme et mysticisme. « Open your chakras and let them guide you / Release the beast that is inside of you ». Le changement de rythme annonce une fin de non-recevoir : en résolution de la dépression ambiante, qu’on se le dise : « I’ve got something to fight ».
De l’engagement dans le post-punk
Avec Coca Collapse, le positionnement politique du groupe s’affirme, entre écologie et éthique. « Corona / Australia / Lubrizol / You ready? Buy Ouighours clothes on a site (…) Enjoy abuse the little child ». Le groupe prend ses distances avec l’essence no future de la mouvance dont il est l’enfant légitime, plaidoyer rock pour un avenir à inventer – ce que chanter veut dire.
Plus intimiste, le cathartique Exorcise aux influences définitivement Shoegaze s’attaque au récit d’un viol. « My heart stopped beating », scandé d’une voix douce et déterminée rappelle le son 90’s des Throwing Muses sur Not too soon ou de Hole sur Jennifer’s body. « I lost my friends when I told them » : la voix ne se laisse pas démonter par le propos, les guitares saturées font place à l’apaisement, choc post-traumatique jalonné de moments de grâce. De l’exorcisation du trauma comme prémices à des lendemains qu’on décidera résolument solaires.
Aux instants suspendus
Au son des hululements des chœurs, Epiphany précède Vanishing patience. L’accalmie – de courte durée – se donne à voir comme dans la résilience – humeur fluctuante, parenthèse. La balade psyché, ode au rétablissement à venir – dont on ne doute jamais – prend de faux airs de berceuse aux accents de prière laïque crépusculaire avant l’explosion de rage en plein vol, toujours avec le sourire.
« About racism and all this crap / They say « ouais c’est la vie » (…) « Now go fuck themself / It’s time to stop the patriarchy ». Et de conclure « Always beat in my heart », refrain obsédant sur fond de garage post-punk, revendication clamée haut et fort. Et quand Terminal martèle « it’s time to dance with my friends », le titre éponyme de conclure : « We want to be fine / It’s time to be fine » : des éclats dans l’obscurité.