En deux ans et sept projets, winnterzuko a eu le temps de dévoiler des bribes de son récit. Parfois intimiste et souvent empreint de mélancolie, il l’incorpore avec singularité sur des rythmiques électroniques exacerbées. Une formule qui s’est affinée petit à petit, s’accompagnant de la reconnaissance d’un public investi. Tout cela vient donner vie au très abouti winntermania dans lequel on vous emmène de suite.
L’art d’introduire
winntermania c’est la promesse d’une obscurité ambiante mais loin de la descente aux enfers pour autant. Pour placer ce décor, winnterzuko joue la carte du minimalisme en posant sa voix et les thèmes qu’il va aborder sur la suite du projet avec l’introduction : SYNCHRONICITY. Enfant issu des années internet, il ne cache pas son appétence pour un univers digitalisé ou glitché. Ce qui se ressent à la fois dans le vocabulaire qu’il utilise, dans ses visuels et dans ses choix de productions. Pourtant, c’est bien à propos de problématiques réelles que sa musique prend vie. Explicitées par fragments dans ces précédents projets, l’introduction de ce nouvel opus les regroupe, annonçant d’entrée une nouvelle pièce intime livrée par le jeune artiste.
J’ressens comme un vide
winnterzuko – SYNCHRONICITY
Je suis seul dans la pièce, j’attends qu’on m’invite
Tu veux qu’on s’connecte, moi j’le prends comme un risque
Avec toi je partage pas, j’suis comme un riche
J’ai des bleus, des hématomes
Ajuster le curseur
Une des difficultés en ayant été aussi prolifique sur ces deux dernières années était d’éviter de tourner en rond, surtout avec une recette si unique. Mais il ne fallait pas non plus perdre un public forgé sur ces mêmes bases. Pour cela, winnterzuko a su faire le pont sans trop de difficulté. Il a progressivement poussé le curseur de plus en plus loin sur winntermania. Si le début peut ressembler aux ambiances de ces précédents projets comme 2036 ou VON, la suite se laisse porter par des productions minutieusement orchestrées et une maîtrise vocale encore plus pointue. C’est dans cet univers qu’il convie Khali a sortir de sa zone de confort pour briller sur le refrain de DIRTY. De même pour So La Lune sur LA RUCHE. Ce même morceau voit également la voix de Realo rajoutant un brin d’onirisme à la production.
Une dernière collaboration se trouve au sein du projet, celle avec wasting shit. Les deux artistes avaient déjà pu laisser transparaître un respect mutuel sur les réseaux sociaux, il a pris forme avec grandeur sur 8H36.
Des débats sur la classification du genre musical auquel s’affilierait la musique de winnterzuko ont bien évidemment alimenté les réseaux sociaux. Il est certain que ce mélange de productions électroniques se rapprochant tantôt de l’eurodance, tantôt de l’hyperpop avec un flow brut peut dérouter. Mais à l’heure actuelle, le rap se dilue, combinant les sonorités aux influences diverses avec ses codes traditionnels. S’il ne les met pas spécialement en avant, il est important de noter que du côté des placements et des flow, sa musique est tout droit héritée d’un rap brut et sans concession.
winnterzuko : toujours plus profond
Du côté du récit, il n’hésite pas non plus à encore plus se livrer. En effet, il parle de relations amoureuses sur NAKAMA ou de sa vision de la vie d’artiste sur le titre final : JE SUIS MUZIK (sample issu de Je suis musique tiré du film Fatal de Mickaël Youn, la magie d’Internet). Des sujets effleurés par le passé qui gagnent en profondeur sur ce dernier opus.
Le point culminant de cette introspection se fait sur PAPA T OU. Sur une instrumentale 2step signée Koboi et Mei, le rappeur plonge dans son passé complexe, animé par une relation conflictuelle avec son père violent. Ce morceau semble particulièrement important au vu des thématiques principales émises depuis ses débuts, à savoir une enfance noire, un amour dévoué pour sa mère et des difficultés financières assommantes. Une pièce angulaire de sa carrière qui en dit long sur la personne qui se cache derrière ce micro et ses aspirations artistiques.
T’es mon père sauf quand t’es alcoolisé, j’ai pas pu, c’est le Très Haut qui va te corriger
winnterzuko – PAPA T OU
J’pense à toi et j’entends zuko bomayé, papa t’es où comme si j’étais Stromae
Fils de femme battue, pour maman, faut je fasse grave d’la thune
Maturant sa musique à coup de projets, il est maintenant l’heure de rentrer dans une nouvelle sphère pour winnterzuko. Elle commence avec winntermania. Indéniablement, ce dernier projet s’apparente déjà comme une pierre angulaire de sa carrière. De par ses productions minutieusement orchestrées et ses thématiques traitées avec profondeur, il en ressort un projet complet. Ce dernier vient synthétiser l’essence même des sept le précédant. Il ne reste plus qu’à voir comment il va préparer la suite. Mais le temps ne presse pas et la productivité n’est pas toujours la meilleure amie de la qualité.