Les sorties de single étaient nombreuses depuis la fin de l’été dernier et l’impatience grandissait au fil des semaines. Mais le voilà enfin, ce quatrième album de Yuksek. Le producteur et compositeur rémois a réuni de nombreux artistes et DJ dans son dernier album pour aboutir à une réalisation purement dance.
On peut dire qu’il est partout. Fondateur du label Partyfine, réalisateur de remixes (Chassol, Lana Del Rey, M83, etc.), producteur musical (Birdy Nam Nam, Clara Luciani, Zazie, Breakbot, …) et aussi compositeur de musique de films, l’agenda de Yuksek est sans aucun doute bien rempli. Pourtant, sans compter ses nombreux EP et singles, il parvient à sortir son quatrième album Nosso Ritmo en onze ans. Ce passionné de musique n’en finit plus de nous faire vibrer régulièrement et sait se montrer en phase avec son époque. Ce LP nous offre une évasion colorée et parfumée.
Ainsi, Yuksek plonge directement son auditeur sous le charme des sonorités paradisiaques du Brésil sur les premières secondes de Do Beijo, qui signifie en français « du baiser ». Quelques références à des instruments brésiliens y sont insérées par leur rythmique comme l’afoxé ou encore l’atabaque sans jamais tomber dans le cliché de la capoeira ou du latino. On les retrouvera ainsi, par parcimonie, au fil des quinze titres. Il s’agira de la ligne directrice de ce quatrième opus qui va amener une ambiance chaleureuse, dynamique et parfois légère.
Si l’influence est assurément latine, Nosso Ritmo n’en reste pas moins anglo-saxon par ses aspects bruts et naturels. Dans les nombreuses collaborations présentes sur l’album, le charme opère immédiatement quand le groupe australien Confidence Man se prête au jeu de Yuksek sur Georgeous. La piste est tout aussi lumineuse, décalée voire sensuelle mais plus nocturne que la précédente, et emporte avec elle un air entêtant dont certains effets résonnants, sur la fin, nous rappellent le talent de Todd Terje et qu’on identifiera aussi sur certains autres moments de l’album.
Placé comme une référence en la matière, il n’est guère étonnant de le voir entouré de la scène dance-pop la plus branchée du moment. C’est avec un plaisir coupable qu’on retrouve les français de Isaac Delusion et de Polo & Pan. Pour les premières cités, ils s’illuminent sur Into The Light où sur les premières notes, la voix de Loic nous rappelle celle de Steeve Bronski sur Smalltown Boy. Néanmoins, l’influence musicale se rapproche plus des références disco des seventies. Le résultat est bluffant et dansant, se laissant écoutant sans fin. Le style sonne tout aussi estival pour les secondes cités mais sans chant et plus house. Ce duo nous délivre avec Cadenza six minutes d’ambiance nightclub à la fois accrocheuse et entrainante, produit sans aucun doute pour enflammer les dj-set. Au final, Yuksek a réservé à ses comparses français deux titres indémodables pour leurs répertoires respectifs.
Il ne s’agit pas des seuls artistes français ayant participé sur cet album. La prestation de Zombie Zombie s’illustre parfaitement dans le fil rouge voulu par le compositeur français. Très mystique, Hashram Peplum se place comme un des titres le plus percutant avec des montées de rythme régulières et jubilatoires, le tout accompagné d’un saxophone charmeur se perdant dans la nature indienne. Ce nouvel opus est aussi l’occasion pour Yuksek de mettre en avant ses protégés de Juveniles, dont il est le producteur, avec le morceau Burning qui bénéficie d’une dernière minute riche et enivrante. En revanche, si le plaisir de réentendre Breakbot sur The Only Reason dans son style chill et soul si caractéristique est plaisant, le travail de production de Yuksek semble plus discret. Le titre bien qu’agréable se montre aussi un peu fade et déjà-vu. Il n’aura pas une situation pérenne dans nos mémoires.
Il aurait été inenvisageable d’oublier dans cette liste de DJs invités de Nosso Ritmo, le duo brésilien Fatnotronic. A deux reprises par Bateu et Corcavado, ils apportent une tonalité latine plus sauvage et pêchue à la production disco du français. La compatibilité des deux univers est une réussite car sans forcer les traits de chacun, Yuksek réussit à réinventer ces deux genres musicaux avec une simplicité qui parait évidente. Queen Rose bénéficie aussi d’une double présence. Sa voix se mariera à des moments plus psychédéliques de l’album. Les deux titres où elle participe, This Feeling et G.F.Y (aka Go Fuck Yourself), sont avant tout des appels revendicateurs pour l’émancipation de la femme, les paroles sont percutantes, provocatrices et la mélodie facilement porteuse.
Yuksek sait aussi se détacher de toute collaboration pour offrir trois pistes inédites, fruit d’un travail solo. The Rollercoaster en est le plus abouti. A la folie funk et aux violons discos, la piste va droit au but avec son énergie sans faille : nous faire danser ! La talent du compositeur rémois réside aussi dans la capacité à créer des tubes électro sur des morceaux relativement courts pour ce genre musical, nous rappelant aux premiers succès de Cassius.
Au bout d’une heure et cinq minutes de vibes positives, le DJ rémois s’affiche encore plus lâché et libéré de toute valeur qu’il aurait à prouver. Il prend un malin plaisir à marier ses idées musicales aux artistes électro tendance de son époque. Le rendu final est peut être moins surprenant, comme souvent quand l’artiste commence à se faire un nom, mais réussit à devenir beaucoup plus accrocheur et efficace. Il partage même son plaisir de créativité comme on peut le ressentir sur la dernière piste J’aime les synthés. Yuksek, qui continue à tourner aux quatre coins du monde, montre par son dernier LP qu’il se classe définitivement parmi l’étendard de la French touch actuelle.