Notre rencontre avec Charlotte Adigéry remonte à 2016. A l’époque, un peu sortie de nulle part, elle s’illustre dans un registre lancinant et mélancolique sur la bande son de l’excellent Belgica. Trois ans plus tard, son nom est devenu de ceux qui bruissent en douceur à nos oreilles musicales. Elle débarque aujourd’hui avec Zandoli, un EP aussi efficace que personnel, qui trouve son ADN dans l’identité DEEWEE mais surtout dans les racines de Charotte Adigéry.
À quoi ça tient de faire de la bonne musique ? À un bon producteur ? À des bonnes compositions ? À un tube ? Sans doute un peu tout ça en effet. Mais pour nous, la musique est excitante quand elle laisse transpirer la personnalité de celui qui la créée. Car faire des tubes peut parfois se transformer en une formule mathématique, un truc tout simple qui peut être appliquer à tous et qui transforme un artiste en produit. Alors oui c’est efficace, oui ça fait danser, mais à l’image d’un passage chez MacDo, ça se mange et ça s’oublie en moins de temps qu’il ne faut pour le digérer. Heureusement pour nous la musique de Charlotte Adigéry est de celle qui marque et qui s’incruste dans nos crânes. Vous ne nous croyez pas ?
Essayez donc de vous sortir Paténipat de la tête ! C’est impossible. La moiteur qui s’en dégage, le rythme martial et le refrain entêtant sont comme une drogue qui se diffuse dans tout notre être. Un titre qui marque le pas de ce qui nous attend dans Zandoli : interroger l’importance de ses racines et les intégrer à une modernité qui rendra le tout universel.
D’ailleurs, il est bon de préciser que si le projet prend le nom de l’artiste, il est avant tout l’œuvre d’un travail commun avec Bolis Pupul, descendant d’une vague d’immigration chinoise en Martinique. Là encore un mélange explosif qui rentre au cœur des questionnements diffusés sur Zandoli : cette manière de brasser la modernité attendue, aux racines et aux influences anciennes. Cet EP, plus que sa musique précédente, agit ainsi comme le véritable ADN de Charlotte Adigéry. Cette envie, ce besoin, de brasser ces différentes cultures qui coexistent, ces différents langages et ces souvenirs pour aboutir à un rendu musical pertinent et actuel qui touchera un maximum de monde.
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Ainsi, on la voit se questionner sur son héritage, sur sa place en tant que femme noire dans la société, notamment sur l’excellente High Lights qui joue aussi sur un rythme fou, une voix soul et mouvante qui pourrait rappeler autant Solange que Santigold. Ces idées de métissages culturels, de tissages, d’échanges et de créations trouveront aussi une vraie caisse de résonance dans Cursed And Cused et Okashi.
On retrouve aussi beaucoup d’humour, un certains penchant pour le surréalisme (deux qualités bien belges) et aussi une petite dose de provocation. Car en dehors de sa propre perception du monde et sur son quotidien, Charlotte Adigéry raconte aussi les histoires des autres. On évitera de vous faire l’insulte de vous expliquer ce que signifie BBC (faites pas semblant, vous le savez autant que nous) mais on trouve quand même assez couillu de réussir à faire danser les gens sur un titre qui raconte le tourisme sexuel des femmes mûres. Un vrai talent qui s’exprime ici dans cette manière d’allier une efficacité totale à un texte fort et distancié sur un sujet aussi sérieux que rarement traité dans la pop moderne.
Avec ces cinq titres, Charlotte Adigéry s’affirme de plus en plus, délaissant le côté synthétique et froid qui la caractérisait jusque-ici pour s’offrir un terreau musical plus personnel dans lequel elle mixe toutes les influences qui font d’elles ce qu’elle est. Une musique à la fois personnelle et universelle qui interroge autant qu’elle fait danser, sourire et s’évader. Un propos intelligent, et intelligible, qui ne renie donc jamais l’efficacité. C’est tout ça qui ressort de l’écoute de Zandoli. L’avenir s’annonce brillant pour Charlotte Adigéry.