Depuis mars 2018, un groupe mystérieux a fait son apparition dans le paysage pop français. Pion, formé d’anciens membre de Blind Digital Citizen, a teasé lentement mais surement son arrivée jusqu’à ce point culminant : la sortie de son premier album 22:22. Un mystère qui nous a permis de nous poser cette question : existe-t-il une prophétie Pion ? Réponse ci-dessous.
Il existe une prophétie issue des temps lointains, d’une époque où les mots n’existaient pas encore et où les histoires se racontaient sous forme de hiéroglyphes sur des tablettes perdues puis retrouvées. Une légende comme un murmure lointain, un son dans le vent qui se percute à notre pensée pour annoncer l’arrivée d’un groupe, d’un sauveur qui à l’aube de la fin des temps viendra tout remettre en place, qui finira de détruire les chapelles musicales françaises pour offrir la réponse que l’on attendait tous, celle d’une musique libre, vibrante, où le mystère transforme les mots en poésie et où la musique serait une incantation conduisant à la transe, quarante minutes pour atteindre l’élévation. Gravée dans des tablettes qui furent l’objet d’un combat millénaire entre ceux qui croyaient en ce besoin de liberté et les gardiens d’un temple qui se délitait années après années, la prophétie semble aujourd’hui enfin prête à briller aux yeux du monde. Nous sommes le 30 août 2019, le monde semble s’approcher chaque jour un peu plus de l’apocalypse et Pion vient de dévoiler 22:22. L’heure du renouveau a sonné.
La prophétie se répand donc aujourd’hui de manière digitale, ainsi va l’époque moderne. Uploadé dans l’infini des chiffres et des algorithmes, elle a quitté ses tablettes anciennes et poussiéreuses pour s’incarner musicalement dans Pion. « Étions nous déjà là ? » nous questionne le groupe dans son morceau final, comme un miroir à la théorie qui s’impose à nous au fur et à mesure de l’écoute de ce brutalement grandiose 22:22. Sont-ils des prophètes ? Des êtres futuristes venus nous offrir un aperçu de ce que la musique deviendra et ce qu’elle aurait toujours du être ? Nous n’avons pas la réponse définitive, mais il est certain que celle-ci apparaît dans ces 9 titres qui en 40 minutes nous offrent une musique comme une matière en mouvement où s’alternent et s’accouplent saxophones débridés, synthétiseurs possédés et un chant qui s’adresse à son auditeur pour mieux l’impliquer dans cette expérience de chaque seconde.
Car c’est bien là que réside la grande réussite de cette œuvre indéfinissable, qui se veut autant opéra-rock futuriste que traité sur la pop post-morderne : réussir à garder l’implication et l’attention de son auditeur. Si les chansons peuvent se piocher au hasard pour vivre leur vie en tout indépendance, elles ne trouvent leur réelle saveur que dans ce bloc-tout qu’est 22:22 qui se vit comme un rêve halluciné et auditif prenant place entre une introduction en douceur, 22h22, et une pièce puissante, Djinn, qui tire en longueur pour mieux gagner en force jusqu’à nous « mener au bout du rêve« . Au milieu de tout ça, nous tanguons, nous sommes secoués, agrippés, étonnés, nous sommes tout simplement vivants.
Entre religieux et ésotérisme, le mystère des textes explosent d’une poésie de chaque instant, se jouant du mystère pour mieux nous fasciner et nous ramener finalement vers notre époque, traitant du fanatisme dans Sympacide, de notre rapport à la consommation dans Coca-Loca ou encore de la fin programmée de notre espèce avec Déluge et Peuple Fossile. Musicalement, c’est l’explosion, une intensité folle qui vibre à chaque instant : Sirine #1 et #2 s’observent, se toisent et se répondre, Sympacide amène la brutalité de son propos dans des explosions soudaines et barbares tout comme Coca-Loca hypnotise dans une boucle qui mène autant à la danse qu’à la transe pour mieux dévier et nous réveiller alors que Forêt nous embarque dans sa douceur et sa tendresse comme une berceuse futuriste en trompe-l’œil. Le tout offrant un album lié par une véritable ligne conductrice mais qui ne cesse pourtant de s’en échapper, comme une route de campagne dont on s’éloigne parfois pour mieux observer les arbres et la nature qui s’offre alentour.
On ne sait pas si le monde est prêt pour ce 22:22 mais une chose est certaine : Pion nous a offert un album que l’on n’osait plus vraiment attendre, une œuvre gorgée de mysticisme, de folie et d’un talent total pour nous transporter au cœur d’un univers foisonnant et halluciné. Le genre d’album qu’on écoutera encore dans 10 ans en y trouvant toujours de nouvelles subtilités. La prophétie avait donc vu juste.