Le quintet de Brighton, après avoir retourné le Point F et la Route Du Rock, DITZ s’en est pris sans ménagement à Petit Bain. Et quel concert, vraiment, quel concert !
Pour ouvrir DITZ, il ne fallait pas se louper. Pour un groupe aussi attendu, la marche pourrait paraître trop haute. Pas pour NASTYJOE. On sent d’ailleurs que la tête d’affiche du soir est une des plus grosses influences des bordelais. Il a d’ailleurs fallu attendre les premières adresses au public pour s’assurer que le quatuor était bien français, tant le doute était permis. C’est dire si NASTYJOE navigue à belle vue, mêlant du DITZ, donc, un peu d’IDLES, sans pour autant renier un côté poétique qu’on retrouve chez MNNQNS ou Rendez-Vous de notre côté de la Manche par exemple.
Le groupe fait preuve sur scène d’une assurance déconcertante pour une première partie. Portée par un batteur éclatant, cette jeune pouce de la scène bordelaise paraît avoir la bouteille de pas mal de leurs aînés cités au dessus. Sans aucun doute le groupe aurait pu être tête d’affiche du soir, cela n’aurait posé problème à personne, tant leur prestation était millimétrée. Pourtant, on ne compte d’un EP, Deep Side of Happiness (2022 / A Tant Rêver Du Roi) à leur actif. Cette sortie remarquable, on l’espère, en appellera bientôt d’autres.
2022 a vu l’explosion d’un groupe qu’on qualifiera sans doute bientôt de gigantesque. DITZ s’est formé en 2015, sort son premier EP l’année suivante. Puis de reformations en confinement, le groupe sort finalement The Great Regression il y a un peu plus d’un an chez Alcopop!. Reste maintenant à définir le style du quintet. Une basse grasse digne du meilleur des Viagra Boys. Un côté abrasif au possible, parfois déstructuré, passant d’une mesure à l’autre d’une colère monstre à une claire accalmie. Clocks, l’ouverture de l’album, montre assez bien ce chaud/froid puissant. En France, on peut se targuer d’avoir les Psychotic Monks qui proposent une ambiance noire, dure, profonde, une sorte de râle sous perfusion. DITZ joue lui aussi ce jeu de textures sombres, un brun plus punk que le quatuor audonien. Une dernière comparaison pour la route, prenez Yak, mais en plus méchant. Le groupe est adulé par IDLES, on peut dire que ça met tout le monde d’accord.
Puis, soyons honnête, quand on arrive à pondre une chanson comme Summer of the Shark (3e de l’album), on peut clairement se targuer d’être un groupe exceptionnel. Celle-ci résume parfaitement l’identité du groupe. Cette symbiose basse/batterie avec les quelques petites piques des guitares dans l’intro. Quelle chanson, mes aïeul.es, quelle chanson ! On peut facilement faire tomber DITZ dans le bac du post punk, comme plus ou moins tout ce qui sort de nos jours. Mais ce serait bien trop réducteur. Comme les Monks, Yak, IDLES cités plus tôt, DITZ est le genre de groupe qui tente de repousser les limites, trouver d’autres sons, d’autres structures, d’autres manières de s’exprimer. Ils ne font pas, ils créent.
Et il a fallu attendre une plombe, une plombe et demi même pour voir cela en live. La bande de Brighton, victime d’un pépin sur la route, s’est vue arrivée en retard et faire en catastrophe ses balances, direct après NASTYJOE. Ils nous ont donc épargné.es la traditionnelle sortie de plateau accompagnée de lumières tamisées. Un dernier réglage puis « Let’s go ? Yeah, let’s go » et nous voilà pris.e dans la mêlée. De cette ambiance noire dans laquelle est plongée la péniche, une seule personne se détache, accaparant la lumière. Le chanteur, robe léopard, perfecto, collants, talons, rouge à lèvre, maquillage et carré court, est d’un charisme. Mais d’un charisme. Vu la carrure du groupe, on se doutait d’avoir un personnage sur la scène, mais plus du style Joe Talbot des IDLES. Eh bien non, et quelle claque.
De ce corps fin se dégage une prestance scénique, une voix aux milles facettes et une nonchalance toute britannique. Ses quatre compères (deux guitares, une basse et une batterie) ont beau se démener comme de beaux diables, et faire preuve d’un talent indéniable, rien n’est plus attirant que celui qui tient le micro. D’une facilité déconcertante, il vole sur ses lignes de chants et ses émotions. Sans pour autant paraître antipathique, il regarde son public jouer des épaules, surfer les un.es sur les autres, le tout avec un détachement impressionnant. Il mène son groupe d’une main de maître. Et le concert, d’une traite, sans rappel, était excellent. A voir, vraiment.
Toutes les photos ont été réalisées par Céline Non, que l’on peut retrouver ici sur instagram : @non_deux_non