Après des années d’absence, Youth Lagoon refait surface avec le très poignant Heaven is a Junkyard. Quel album magnifique.
Il a fallu sept ans. Sept ans pour que Youth Lagoon, de son vrai nom Trevor Powers, ne refasse surface. Après son troisième album Savage Hills Ballroom (2015 / Fat Possum Records) et la tournée qui en a suivi, l’artiste décide de mettre un terme à son projet, ne s’y retrouvant plus. S’ensuit un véritable chemin de croix. Deux albums très particuliers et différents, édités sur son nom propre, nous on fait pensé.es le musicien parti pour des expérimentations dont il ne reviendrait pas. Puis, une réaction atroce à un médicament, qui l’a empêché de parler pendant près d’un an. Un électrochoc.
Youth Lagoon c’était trois albums excellents. Trois albums comme trois facette d’un artiste qui constamment recherchait de nouvelles frontières, de nouveaux horizons. The Year of Hibernation (2011 / Fat Possum Records) , Wondrous Bughouse (2013 / Fat Possum Records) et Savage Hill Ballrooms sont trois disques de pop indé étatsunienne excellents. Teintée d’une certaine mélancolie, la musique se propage au travers d’accords et arrangements magnifiques, pour parfois faire place à des moment de contemplation, bercé.e par la musique.
Heavin is a Junkyard prend bien la suite de ses trois prédécesseurs, mais on sent que cette pause, cet electrochoc qu’a vécu notre musicien du jour, fait murir son univers. Le style est bien plus épuré, plus sobre. On tourne autour du piano, sans cesse, et de sa voix, éraillée. On perçoit toujours quelques accents pop, avec Prizefighter ou Mercury notamment, les chansons les plus fouillies du disque. Du reste, il faut aimer le piano/voix, ponctué d’arrangements précis mais dépourvus de tout artifice. Pour autant, cet album a toujours pour cœur la ligne directrice du musicien, à savoir des lignes rapidement mémorisables et une façon de composer grandiose, même si réduite à son plus simple appareil.
En ressort donc un disque absolument magnifique, mélancolique et profond. Sa voix éraillée nous fait chavirer sur The Sling ou Rabbit (entre autres). Youth Lagoon aborde d’ailleurs son accident dans l’excellent Trapeze Artist, magistralement exécuté. L’amour perdu, sa famille, son frère qui part à l’armée sans dire au revoir, ou tout simplement sa vie en Idaho, bref l’artiste parle de lui. D’un univers bouleversant, l’album est certainement une des sorties de l’année. Il est tout simplement beau. On se quitte sur le refrain de The Sling, magnifique : « What makes me lose my head / Love and memory /Why toss and turn in bed /Love and memory«