On tourne à fond le bouton de la radio, vite, vite, la route est longue ! Des choses pour le moins surprenantes sont sur le point de se produire, et c’est M. Ward que l’on découvre au volant de son dernier album supernatural thing.
Le compositeur Matthew Stephen Ward alias M. Ward, chanteur et guitariste américain, a sorti un nouvel album : supernatural thing. Voilà un titre qui annonce un projet assurément différent et très intriguant, une parenthèse qui fait du bien au beau milieu d’un été peut être trop ordinaire.
La formule magique réside dans de nombreux featurings plein de surprises, une exploration des genres et registres musicaux, et des références multiples au temps d’avant. En passant par le rock, pop, pointe de jazz, d’un morceau à l’autre, on secoue la tête et on attend avec délice le suivant.
Le morceau au titre éponyme, supernatural thing, présente bien ce qu’il se joue dans cet album. Sur un rythme assez lent, il nous raconte une histoire, celle du king Elvis Presley qui lui aurait confié « You can go anywhere please« . Alors allons-y, tout est possible ! Cela laisse place au surnaturel. M. Ward nous parle également d’une « frontière fine entre le beau et l’étrange », et c’est peut être sur cet élément que le projet repose par moments, sur cette recherche.
Le premier morceau de l’album, lifeline, donne également le ton. C’est une couleur d’un jaune bouton d’or portée par cette piste assez courte, et le son épuré de la guitare. M. Ward plante ici le décor, et nous montre la route. Il y a déjà quelque chose d’assez doux et de solaire dans la proposition, qui nous donne envie de le suivre ; « and I won’t let go« .
Alors y a-t-il une pointe de nostalgie dans cet album ? Peut être pas … On y a vu plutôt une mise en lumière, une ode à cette époque où la radio résonnait à tue-tête dans l’habitacle d’un cabriolet, les cheveux au vent. Avec joie, et non nostalgie, tout reviendra. Que ce soit dans les titres ou les paroles, on ressent cet appel des années 80-90, cette référence aux anciennes technologies.
Le morceau new kerrang, en feat avec le guitariste Scott McMicken, ferait écho au célèbre magazine britannique des années 80 Kerrang! ? Le new kerrang de M. Ward est le titre le plus rock de l’album, qui nous donne envie de danser dès les premières secondes. Sur un rythme entraînant, le son s’arrête pour reprendre de plus belle en fin de morceau.
Dans cet album M. Ward nous conte une histoire simple, celle d’un cycle éternel. Ce qui est ancien redeviendra nouveau, et inversement : « out with the old and in with the new kerrang« , « out with the new and in with the old« . C’est une question de mode, ou d’un temps à part, brouillé, surnaturel.
Et le moteur gronde … La voix des sœurs suédoises, First Aid Kit, se marie très bien avec celle de M. Ward sur le morceau engine 5. On les retrouve également, avec bonheur, sur la piste too young to die.
Est-ce que tu m’entends ? engine 5 c’est un peu comme une discussion, un appel entre ces trois musiciens. On saisit la réponse de M. Ward, plus lointaine, à travers la radio. Ce jeu, cette expérimentation d’autres sonorités est aussi appréciable dans la piste suivante, mr. dixon, composée avec le duo Shovels & Rope. Les grésillements de la fin, de petites bulles électroniques qui s’installent, finissent par transformer la voix.
Si cette référence au passé teinte et crée du lien entre les morceaux, elle n’est pas que rock ! Elle se niche également dans les sons les plus doux, et duveteux de l’album.
i can’t give everything away, un morceau coup de cœur, et quelque peu inattendu, prend tout son sens au milieu de l’album. Il est le fruit d’une collaboration avec Jim James et Kelly Pratt, et une reprise du titre de David Bowie. Sans parole, c’est presque une pause, un fil qui se déploie simplement et avec aisance dans l’espace musical. Le saxophone apporte dès le début du morceau cette légèreté.
On pense aussi à dedication hour. Accompagné de la chanteuse Neko Case et de Gabriel Kahane, M. Ward propose un morceau d’un tout autre registre, à quelques kilomètres du rock de new kerrang, celui-ci est beaucoup plus jazz, enveloppant. Prendre le temps d’apprécier les choses surnaturelles dans ce qu’elles ont de plus doux.
La construction de l’album est fine, et grandit entre lifeline et story of an artist. Comme un point final au projet, M. Ward reprend un titre de Daniel Johnston, un musicien américain des années 80-90 mais aussi dessinateur, à la personnalité atypique. Ce clin d’œil à cet artiste s’apparente presque à un aveu sur la fin de l’album, un chant du cœur à la fois très intime et sensible. On peut relever la manière dont il parvient à jouer avec les silences, les laisser intégrer pleinement la mélodie, l’envelopper. L’attente et en même temps l’apaisement qu’il crée en nous apporte une belle dernière note à cet album.
supernatural thing c’est une proposition emplie de magie, et qui ne nous laisse pas sur notre fin, tant elle est enrichie par diverses sonorités, explorations. Des petits détails, qui font que le surnaturel peut paradoxalement se nicher dans des choses simples. Le temps est autre, rêver d’un passé qui devient présent, nous amène à rembobiner la cassette pour l’écouter à nouveau.