ADN #674 : Fishtalk

ADN : Acide du noyau des cellules vivantes, constituant l’essentiel des chromosomes et porteur de caractères génétiques. Avec ADN, La Face B part à la rencontre des artistes pour leur demander les chansons qui les définissent. Découverts au sein de l’édition 2023 des iNOUïS du Printemps de Bourges, on laisse aujourd’hui la parole aux normands de Fishtalk..

Fishtalk portrait
Crédit : Christopher Wheatley

Nirvana – You Know You’re Right (Isma)

J’aurais pu citer pas mal d’autres morceaux de Nirvana, c’est notre groupe fétiche d’enfance, à Coco et moi. On les a découverts avec Smells Like Teen Spirit pendant une colo, c’était un peu notre définition du cool. À notre retour, on s’est aperçu.e.s que notre père avait plusieurs de leurs CD à la maison. On a poncé l’album noir, le best of, assis·e·s par terre devant la chaîne hi-fi de nos parents, on écoutait attentivement chaque morceau en guettant Smells Like Teen Spirit dont on ne connaissait pas le titre.

J’ai redécouvert You Know You’re Right récemment et je me suis rendu compte que je la connaissais par cœur (je pouvais déjà la chanter entièrement en yaourt phonétique avant de savoir parler anglais et de comprendre les paroles). Tout est sublime dans ce morceau : le texte, l’intensité dans l’interprétation, les larsens qui arrivent pile aux bons moments, pile sur les bonnes notes. Ça a été ma première émotion musicale. Et un groupe d’enfance-adolescence politiquement safe sans trop de masculinité toxique (chez Kurt Cobain du moins), c’est toujours appréciable.

Kim Gordon – get yr life back (Matou)

On a over poncé les albums de Sonic Youth, mais ma préférée dans le groupe, c’est Kim Gordon, alors j’ai choisi un morceau d’elle.

J’aime tout chez elle, sa voix, son écriture, sa créativité dans les bidouillages sonores. On l’a vue jouer à la Gaîté lyrique, c’était un grand moment de badassitude. J’admire beaucoup les artistes qui se réinventent en permanence, et elle, elle est partie du rock noise et aujourd’hui elle fait de l’électro chelou sur Ableton. Ce morceau-là, il me fait plus d’effet que l’ASMR.

ProtomartyrNight-blooming Cereus (Coco)

Sûrement une des chansons que j’ai le plus écoutées dans ma vie. C’est Valou qui m’a fait découvrir Protomartyr, au tout début de Fishtalk, dans sa voiture qui lisait les cassettes au ralenti (R.I.P.). Tout l’album est incroyable, mais cette chanson m’a touché·e tout particulièrement, j’ai su dès la première écoute qu’elle allait m’accompagner longtemps. Elle est assez sombre, avec une beauté triste, grave, mais ce qu’il faut de rage à la fin pour purger la mélancolie. J’adorerais composer des chansons qui font ressentir des trucs aussi intenses.

Cloudkicker – It’s Inside me and I’m Inside It (Valou)

Cette track, c’est un peu la BO de mes années tristes. Fin du lycée, début de la fac. C’est une période pendant laquelle je me sentais assez isolé.e, déconnecté.e. J’ai trouvé refuge dans ces moments à faire de la musique avec mon ordi un peu comme quand je fabriquais des cabanes lorsque j’étais enfant. Écrire des chansons à ce moment-là, c’était une manière de monter de toute pièce un petit écosystème fait de couches de guitare, de sons cassés et de voix pour habiter sa solitude et la rendre confortable.

Même si je l’écoute moins aujourd’hui, ce morceau me ramène toujours à un endroit particulier. Et c’est aussi un titre qui m’a doucement ouvert les oreilles vers la musique ambient et électronique que j’écoute aujourd’hui avec des artistes comme Murcof, Roméo Poirier ou Caterina Barbieri.

Blonde Redhead – Elephant Woman (Isma)

Blonde Redhead est assez emblématique de la période où on a démarré Fishtalk et où on ne savait pas encore vraiment quelle musique jouer. C’est un groupe sur lequel on s’est bien retrouvé·e·s. On les avait vu·e·s au Trianon avec Coco, Mathilde et Briou, le premier bassiste du groupe, peu de temps avant qu’on commence à jouer ensemble. En live, ce morceau a été un moment de grâce, du genre à donner envie de monter sur scène à son tour. Nos goûts et notre style ont un peu évolué depuis cette période, mais c’est très représentatif de la musique qu’on avait envie de faire à l’époque.

Slowdive – Dagger (Matou)

On y revient sans cesse, c’est une influence majeure pour nous. L’équilibre parfait entre les nappes de bruit et les mélodies pop qui font chialer. Dagger c’est un bon exemple, à fleur de peau, des paroles complètement torturées, mais tout doux à l’écoute. Slowdive nous a beaucoup aidé à décomplexer sur scène. On était vraiment pas fait pour ça à la base, c’était cool d’avoir des modèles de groupes qui jouent en mode introvert. On les avait vu·e·s au Trianon ; à 50 berges iels sont toujours aussi timides ahah !

portrait Fishtalk

Martha Skye Murphy – Stuck (Coco)

Je fonctionne un peu sur le mode du disque rayé : quand je découvre une chanson qui me touche, je l’écoute tous les jours, plusieurs fois par jour, pendant des mois. La dernière en date, c’est celle-là (et quelques autres de Martha Skye Murphy en réalité). Elle a quelque chose de sublime, un genre de beauté lyrique, assez loin de ce que j’ai l’habitude d’écouter ou de jouer, ce qui la rend encore plus spéciale pour moi. Elle me donne des frissons, elle me donne le tournis, elle me fait voir des images, je suis au bord des larmes à chaque fois que je l’écoute, voilà.

Emilie Zoe – The Barren Land (Valou)

J’aime beaucoup les aspérités de la musique d’Emilie Zoé. J’y trouve énormément de poésie, rugueuse et hyper incarnée. J’aime les éléments bruts de ses morceaux où ce qui n’est pas poli peut y trouver une place. C’est rempli de tourments, ça démarre dans le silence, puis ça invite le bruit comme un cheval de Troie. J’aime beaucoup les chansons qui glissent vers la noise.

Martha Skye Murphy – Concrete (Isma)

J’ai découvert Martha Skye Murphy via sa collaboration avec Squid sur le morceau Narrator, qui m’avait happé·e. Son propre univers n’a rien à voir, mais c’est un condensé de tout ce que j’aime en musique en ce moment : c’est inclassable, hyper intense, dépouillé et complexe à la fois, plein d’arrangements magnifiques sortis de nulle part, le tout enrobé dans une attitude très punk et bordélique.

The Psychotic Monks – All That Fall (Matou)

Je fonctionne beaucoup par obsessions musicales, et j’avoue j’ai du mal à arrêter d’écouter leur dernier album, je crois qu’il y passe quasi tous les jours. Je connaissais mal leur musique, et un jour on a fait un co-plateau avec elleux au BBC, et on a pu voir leur show après le nôtre. Le coup de foudre. Leurs voix, leurs bruits, leur énergie. C’était intense, on avait les larmes aux yeux avec les copines.

Et c’était une belle rencontre en backstage. On partage pas mal d’aspirations je crois.

La séquence dans les loges était un peu nostalgique, on avait l’impression de rentrer au lycée, d’être les petit·e·s secondes gauches et emprunté·e·s qui rencontrent des terminales trop stylé·e·s.

The Jesus and Mary Chain – Hit (Coco)

C’est un des premiers trucs que j’ai découverts quand je me suis remis à la musique il y a quelques années, je crois que je leur dois en grande partie mon amour des larsens.

Même si j’écoute moins souvent qu’à une certaine époque, je dois quand même reconnaître que ça m’a complètement retourné la tête quand j’ai écouté pour la première fois. J’adore le geste de composer des jolies comptines pop et de les rendre quasiment inécoutables en les noyant dans la fuzz. Celle-là, pour le coup, elle est pas tellement mignonne, elle est ultra sexuelle, mais elle rend dingue aussi. La voix du chanteur, le beat, tout ça donne un peu envie de niquer.

Model/Actriz – New Face (Valou)

Il y a quelques années, je parcourais régulièrement les routes qui relient la Normandie et la Bretagne dans une voiture avec un lecteur cassette qui décidait que tout ce qui rentrait dedans devait être lu au ralenti. Ceci dit, j’aimais beaucoup le rendu, alors je fouinais pas mal pour faire des découvertes à emporter avec moi et, par un heureux hasard, je suis tombé.e un jour sur No, le premier EP du groupe.

J’ai directement été scotché.e par leur mélange de musiques dansantes avec des instruments rock et le chant super charismatique, théâtral et sacrément sexuel. J’ai cherché un peu d’infos sur le groupe par la suite et j’ai été fasciné.e par la manière dont il se jouait de son attitude et des codes de genres. Petit à petit, j’ai commencé à réaliser que jouer sur scène, ce n’était pas uniquement donner un concert, mais aussi proposer d’autres représentations, d’autres manières d’être au monde et de faire des choix.

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