2023 – Les coups de cœur de La Face B – Acte I

2023 aura été riche d’albums forts et ce, dans tous les genres possibles et imaginables. La rédaction de La Face B a donc aiguisé ses plus belles plumes pour vous offrir ses albums coups de cœur du cru 2023. Premier acte tout de suite.

Robert Robert – Bienvenue Au Pays (Charles)

Allô Maman, je ne sais pas choisir mon album de l’année … Chaque année, c’est une vraie torture mentale, une bagarre qui s’installe dans mon esprit pour faire un choix, jamais vraiment facile.

J’aurais pu faire un top 10, j’aurais pu ne pas choisir, parler de Bandit Bandit, de Martin Luminet, de Glauque, de Silly Boy Blue et de tant d’autres … Finalement, j’ai décidé de laissé froidement parler les chiffres et les statistiques pour réaliser sans grande surprise que mon album de l’année était celui de … Robert Robert.

Rien d’étonnant parce que je passe sans doute 1/3 de mon temps à écouter des artistes québecois tout d’abord, et ensuite parce que Bienvenue Au Pays est pour moi une sorte d’album évolutif qui brille d’une manière différente selon mes émotions et mes pensées.

Cela n’engage que moi, mais quand je suis triste, j’y vois un grand album sur la dépression, sur une personne noyée par ses peurs et ses sentiments. Il suffit d’écouter les premiers mots qui ouvrent Bienvenue Au Pays. On est face à quelqu’un de bancal, de perdu et qui cherche pourtant à s’en sortir. C’est la sève de morceaux comme M’enfer, J’aurais du ou Peur de Tout.

C’est un album beau, subtile, superbement écrit et … étrangement joyeux. Car quand je suis en forme, c’est pour son autre versant que j’aime l’album de Robert Robert. Un album de fête, dansant au possible, aux rythmiques et mélodies assez imparables qui poussent au lâché prise, au sourire et à s’amuser.

Une ambivalence constante, un brin de cynisme et beaucoup de paix avec Télé qui termine l’album et qui donne envie de briller.

De quoi tomber en amour une nouvelle fois. En plus, il débarque en France en début d’année 2024, la romance ne fait donc que commencer.

JALEN NGONDA – Come Around And Love Me (Jonathan)

Tous les ans, une nouvelle pépite soul vient sonner à mes oreilles. Ma rétrospective Spotify est sans appel car Jalen Ngonda et son premier album Come Around and Love me arrive à deux reprises dans mon top 10 des chansons les plus écoutées.

Il ne s’est pas passé un mois sans qu’un If You Don’t Want My Love ou un Just Like You Used To accompagne mes journées. Originaire de Washington, Jalen est un multi-instrumentiste ayant fait son conservatoire au violon, puis à la guitare et au piano. Ayant baigné dans la culture de la Motown et de la Stax avec The Temptations ou encore Miracles, ce sont des générations entières de gospel, de soul et de rock qui circulent dans sa musique. Dans sa voix de velours haute perchée résonnent les accents d’un jeune Marvin Gaye enjôleur. A ces noms d’un temps révolu se juxtaposent des sons et des artistes bien plus contemporains.

En effet, sous le label de Daptone Record qui représente entre autres Charles Bradley ou Sharon Jones, il fait participer sa voix au trio Thee Sacred Soul. Mais c’est bien sous son propre nom que Jalen Ngonda nous a complètement bluffé. Il a suffit pour moi de son apparition à Colors avec son Don’t You Remember en 2018 pour prendre la mesure du talent et la maturité de ce jeune gars sans artifices laissant uniquement sa musique parler pour lui. Son sens de la mélodie donne une limpidité impalpable à des compositions subtiles et bien plus complexes qu’il n’y paraît.

C’est un délice à la première écoute et après un an à écouter en boucle ce premier album, je n’arrive pas à m’en lasser. Pire, à chaque fois que le disque tourne dans mon appartement et que sonne les premières notes, je me retourne encore vers l’appareil, surpris par la beauté du morceau. J’ai eu la chance le mois dernier de l’écouter au café de la danse à Paris lors de la fin de sa tournée européenne.

Une nouvelle série de concerts est prévue pour 2024 avec un mois de Mars entier à sillonner la France. Je vous recommande d’ors et déjà de jeter un œil pour vous assurez qu’il passe près de chez vous.

https://open.spotify.com/intl-fr/album/0E2PgtXRUHCslZ7gRselUq?si=r63Zgu8uQHynr5ivSLwKrQ

Travis Scott – Utopia (Pierre)

Quiconque porte un intérêt ou Hip-Hop ou au Rap, qu’il soit régulier ou plus éparpillé, a forcément ouï dire du nouveau projet de Travis Scott : Utopia.  Avec cet album, le texan est parvenu à créer un raz-de-marée planétaire.

Malgré une communication et un roll-out plus que maladroit, le rappeur est tout de même parvenu à créer l’un, si ce n’est l’évènement Rap majeur de l’année 2023.

Notamment entouré de producteurs de très haute volée et avec un casting cinq étoiles, l’heure et quart composant le disque présente une vision artistique à la fois maîtrisée et aventureuse. 

Travis Scott propose des pistes marquantes et déjà rentrées dans l’inconscient collectif. Des morceaux comme FE!N, MELTDOWN ou encore MODERN JAM, comprenant Guy-Man, moitié des Daft Punk à la production. Cette question des acteurs de l’ombre représente par ailleurs un aspect majeur du disque.

Cette même production étant tellement jonchée de détails aussi infimes et discrets les uns que les autres que la durée de vie du quatrième album du rappeur laisse une  durée de vie considérable à ses auditeurs.Dans une année 2023 jugée comme décevante de la part des observateurs du genre, Utopia représente sans franc doute l’une des ensoleillées de ces derniers mois.

Guy CabayCabaycédaire (Damien)

Et si en 2023, l’album de l’année était une réédition d’un disque, qui aurait dû, mais qui n’a jamais vu le jour ? À la fin des années 1970, Guy Cabay, un jazzman belge érudit, avait fait résonner dans un premier titre – Tot-a-fèt rote cou d’zeùr cou-d’zos – bossa-nova et dialecte wallon. D’autres suivront qui du fait de ce mélange aussi inaccoutumé que savoureux attirèrent l’attention d’une maison d’édition. Malheureusement, elle finit par oublier les chansons sans les avoir publiées.

Depuis, elles sont devenues comme des illusions qui survivaient grâce à leurs évocations et quelques extraits disséminés sur YouTube. Grâce à la mélomanie et à la ténacité de Bertrand Burgalat, Tricatel a su redonner vie aux compositions de Guy Cabay. Douze morceaux réunis sur un vinyle – Cabaycédaire – et, aujourd’hui, accessibles sur les sites de streaming.

Les chansons de Guy Cabay ont ceci de particulier qu’elles nous renvoient à nos souvenirs – la découverte de la musique brésilienne au gré d’une diffusion d’Orfeo Negro au ciné-club d’Antenne 2 – et aussi au pourquoi nous aimons la musique. Ce même amour de la musique qui a guidé Bertrand Burgalat dans sa quête d’harmonies. Alors, ayez-vous aussi cette curiosité d’écouter cet album qui redessine la géographie musicale en positionnant les pentes du Corcovado à la confluence de l’Ourthe et de la Meuse et – devant tant de chambardement – de reprendre tout en malice avec Guy Cabay : « A, ké trikbale ! A, ké vôtion ! A, ké micmak ! A ké bazår ! A, ké cayon ! »