Le premier album de Gros Cœur nous a fait un gros effet. On a donc profité de leur passage au Crossroads en fin d’année passée pour s’offrir une grosse conversation avec les belges. Et il y avait des choses à dire entre la création du groupe, la liberté qui déborde de leur musique et leur envie de sortir un album par an. Tout ça est à découvrir ci-dessous.
LFB: Comment ça va ?
Gros Cœur : Bien. C’est une chouette question.
Adrien: Bien, même si j’ai une côte cassée. Je reviens d’une tournée, je me suis cassé une côte le premier jour et sinon ça va.
Jimmy: On découvre Roubaix, pas pour Alex qui a joué au Crossroads l’année dernière avec le groupe Ada Oda. Nous on découvre et ce lieu est plutôt foufou. On a fait du badminton, du basket et on va faire du rock ce soir.
LFB: Le groupe s’appelle GROS COEUR au singulier. Je me demandais si c’était l’association de vos quatre cœurs à vous?
Julien: Tu as tout dit. Un gros cœur qui bat aux mêmes pulsations, on essaie.
Adrien: Il s’est vite accordé, la pulsion était la bonne tout de suite. Le pouls était constant, un peu rapide, un peu vif mais sur la même longueur d’onde.
Jimmy: Malgré des influences fort différentes pour chacun. On a su effectivement s’accorder et battre.
LFB: Il y a un truc très adolescent dans la construction du groupe parce que finalement, c’est des amitiés qui se sont construites à travers la musique, et pas l’inverse.
Julien: Exactement, et on s’est souvent dit que c’était un peu ça… Enfin moi, personnellement, c’est le truc que je préfère dans cette formation-là. Au tout début, on s’était dit qu’on revivait des émotions qu’on n’avait plus ressenti depuis l’adolescence, en ayant chacun des parcours musicaux, des expériences groupes. C’est un peu ça qu’on chérit et qu’on protège le plus, cette espèce de camaraderie, d’amitié.
Adrien: Avec Alex, on se connaissait. Jimmy, je le connaissais depuis pas longtemps et Julien, c’était un peu l’élément peut-être le plus lointain.
Jimmy: Moi, je ne connaissais aucun des deux. Et Julien a eu une image assez juste : c’était vraiment un premier date amoureux, sans la conclusion. Mais c’est vrai que rien que de sortir son instrument, si je puis dire, et de devoir se mettre à nue devant des gens qu’on ne connaît pas…
Adrien: Ca a vite été au-delà de la musique. On a commencé à se faire des petites bouffes ensemble. On se voyait en dehors du cadre de la musique. On a un groupe de potes qui a commencé à grossir.
Jimmy: Donc ouais, en fait c’est une grosse famille gros cœur.
LFB: Surtout que ça aurait pu être un projet un peu mort-né puisque vous vous êtes tapé le Covid juste après.
Jimmy: On a fait 4-5 répét’ et tchao.
Alex: On a commencé en janvier 2020 et on avait un premier concert programmé en juin 2020. C’était un peu l’horizon. Finalement, le premier concert était tout début 2022. Ca a mis longtemps mais ça a permis de sauver le confinement pour nous et d’avoir un truc à faire.
Jimmy: Le projet s’est vu complètement transformé. Donc merci Covid finalement. On est peut-être les seuls à dire ça.
LFB: Vous n’êtes pas les seuls, ne vous inquiétez pas. Du coup, le fait de venir d’influences très différentes et de musiques très différentes, en quoi Gros cœur a influencé votre vision de votre propre musique? Il y a eu l’ajout de trucs un peu plus tropicaux, l’ajout d’influences afro-beat qui n’auraient peut-être pas été là s’il n’y avait pas eu le Covid ou cette période de gestation.
Alex: Exactement, c’est vraiment marrant parce que c’est arrivé par injection. C’est rigolo. En fait, en gros le groupe a commencé comme un projet… C’était Adrien qui était à l’initiative du projet, qui avait écrit une dizaine de petits bouts de morceaux pas forcément finis, rock-psyché un peu plus classique.
Adrien: Parfois, très pop aussi.
Alex: Ouais, mais quand même en anglais, peut-être un peu plus dans les codes du genre quoi. On a commencé là-dessus et puis effectivement, comme on avait plein de temps sur les bras, qu’on s’emmerdait et qu’on faisait des répét’, il y a des trucs qui sont arrivés. Un jour, on a commencé à se prendre un peu la tête sur les textes en anglais, et puis on s’est dit que ça serait peut-être plus facile de chanter en français parce que c’est notre langue. Le français est arrivé.
Un jour, j’ai vu des congas sur seconde main, je me suis dit que ça serait marrant de mettre des percu là-dedans et puis après, ça a été un peu une révélation comme ça. Il y a tout plein de trucs qui sont arrivés comme ça, au fur et à mesure, parce qu’on avait le temps d’essayer des trucs.
Julien: Par rapport à ta question qui était : qu’est-ce que maintenant la musique de Gros cœur procure chez nous ? Moi, à titre personnel, j’ai l’impression qu’on est arrivés là où j’avais personnellement envie d’atteindre ce truc de mélanger les styles, sans aucune contrainte. Et maintenant, je sais que si je devais refaire des projets, ça ne dérangerait pas de faire 30 secondes de pop, 30 secondes de métal et de revenir à du rap. C’est ça maintenant Gros cœur je trouve, ce pari de longs morceaux. Au sein d’un même morceau, on va passer par plusieurs ambiances et c’est ça qui est chouette. Le côté patchwork. Et comme quoi, c’est possible.
Adrien: On a essayé beaucoup de trucs. Il y a des structures de vingt minutes qui sont raccourcies sur douze minutes. Il y a des éléments où on s’est dit que ça allait peut-être trop loin.
Julien: Chacun s’écoute et si à un moment donné, il y a en a un qui a un riff qui sort totalement du truc, on essaie quand même et on rigole un peu. En live parfois, on l’utilise pour un petit peu essayer des nouveaux morceaux. Voir ce qui marche et ce qui ne marche pas. Ce qui est sur le CD, ce sont des morceaux qu’on a créés en répét’ mais qu’on a un petit peu éprouvé en live. La première fois qu’on les a joués en live, ce n’est pas la même chose que ce qu’il y a sur le disque par exemple.
LFB: Vous êtes au Crossroads et vous allez jouer une demi-heure. Je me demandais ce que vous aviez prévu de faire? Deux morceaux, deux morceaux et demi?
Gros cœur : Trois morceaux.
Julien: Toujours choix épineux dans ce genre de formule où on a des setlists à respecter et des temps à respecter. C’est assez casse-tête parce que tu rajoutes un morceau, tu as trois minutes qui dépassent de trop. Tu l’enlèves, tu perds sept minutes.
Jimmy: Et parfois couper dans un morceau, ça n’a pas de sens. Gros cœur, chaque morceau est un tableau. On a déjà essayé de raccourcir telle ou telle partie mais du coup, ça n’a plus de sens parce qu’on passe trop vite d’une partie à l’autre.
Adrien: Il n’y a pas de compromis quoi.
Jimmy: C’est un peu la difficulté, le bémol du projet. On a du mal à cuter dans les morceaux.
LFB : C’est aussi sa qualité, parce qu’au-delà de la blague sur la longueur, ce que j’aime dans vos morceaux, c’est que c’est une vraie aventure. Il y a un truc qui est hyper important, c’est que ça laisse place à l’inattendu. C’est vraiment un truc où on plonge dans un morceau, dans une histoire, dans un tableau comme tu le dis.
Jimmy: Trop bien.
Alex: C’est cool, ça fait plaisir.
LFB: Quand je me suis vraiment plongé dans l’album, on était sur un parking avec mon père, il allait acheter des clopes et on s’est perdus sur la route, ça m’a permis d’écouter l’album. Et c’est vrai qu’il y a un truc de pas forcément évident d’écouter un morceau de dix minutes comme ça quand tu commences à découvrir un groupe mais ce que j’aime dans ce morceau-là, c’est qu’il y a huit morceaux dans le morceau. Il y a vraiment cette idée d’exploser les carcans et de se laisser porter par la musique.
Julien: Adrien en parlait encore ce matin. On se rend compte aussi que dans le temps, on commence à façonner notre façon d’écrire aussi. On essaie de limiter le nombre d’idées à développer. On étire plutôt certaines idées limitées, plutôt que d’avoir cinquante idées où là on tombe vraiment dans un patchwork. Une espèce de zapping quoi. Ça, on essaie d’éviter.
Adrien: Il faut que ça reste écoutable. Là, on travaille sur des nouvelles tracks pour un nouveau disque. On était sortie d’une jam de quarante minutes qui s’est condensée en vingt minutes de musiques en répét’ et puis là, finalement on est partis sur quatorze minutes parce qu’on partait vraiment dans des directions… Limite, le morceau commençait à s’essouffler après douze minutes. On s’est dit qu’on allait peut-être à couper dans les trucs, réfléchir autrement. On s’enregistre beaucoup, on peut refaire des arrangements à la maison, on peut réécouter les pistes chez nous et se rendre compte de certains trucs qui fonctionnent ou pas. Il y a toujours cette réflexion. On a envie d’être généreux mais pas de partir dans des trucs…
Julien: Et surtout qu’on les éprouve en live et parfois, ça nous arrive de revenir sur la structure, parce qu’on est fort à l’écoute des copains, des collègues et on est fort à l’écoute des retours. Ah ce passage-là, il est bien mais il faut le faire plus court parce qu’on s’emmerde vite.
LFB : C’est ce qu’il y a d’intéressant aussi. Les morceaux viennent du jam, qui passe par le live, ce qui vous permet de les polir un peu. Du coup, la vraie question, c’est comment tu figes une énergie qui est mouvante dans le morceau? Est-ce que des fois, il n’y a pas sur l’album de la frustration à se dire que finalement ça ne représente pas complètement ce que vous pouviez faire.
Jimmy: Il y en a eu.
Adrien: Non franchement, ça va. Le premier disque, c’était le rendu des premiers concerts qu’on faisait. A titre personnel, je trouve qu’on reste encore cohérent par rapport à l’évolution du projet en live. Pour les nouvelles tracks qu’on est en train de faire, il y a une réflexion différente. On se dit qu’on aimerait bien travailler les nouvelles chansons en live, pour voir s’il n’y a pas moyen d’affiner certaines parties. On se pose beaucoup plus de questions et ça prend beaucoup plus de temps. Je pense que le premier album qu’on a enregistré, on y est allés, on a fait cinq jours de takes, cinq jours de mix et c’était fini quoi.
Julien: C’était la volonté. Il fallait qu’on fige aussi à un moment parce que sinon c’est un processus infini. Donc on est revenus à cette idée de photo. A un moment, prendre un cliché de ce qu’on est maintenant et le distiller en se disant qu’assez logiquement, puisque notre force pour l’instant c’est le live, on a tout enregistré live. Moi personnellement, je commence à me demander si j’aime bien en tant que fan que les groupes proposent des versions différentes en live et en disque. On pourrait très bien avoir des morceaux un peu plus produits. Encore une fois, c’est du cas par cas et ça dépend d’où en est le voyage. Ça dépend de la couleur du morceau. Donc on réfléchit à tous ces trucs-là. En tout cas, le premier est parti d’un élan très… Il fallait figer.
Jimmy : On s’est arrêtés à ce qui est sur le disque par rapport à la partie plaisir en live, parce qu’une fois qu’on les a figées, même avant qu’elles ne soient sur le CD, on prend vraiment du plaisir à jouer ces morceaux-là en live. Je crois qu’à un moment donné, on pourrait rajouter mille choses encore mais on prend du plaisir. Les gens aussi apparemment. C’est une bonne manière de stopper le process de compo sur ces morceaux-là.
LFB : Si on fait une comparaison qui n’a rien à avoir mais qui est intéressante, c’est un peu comme Soulwax qui avait enregistré son album en une seule take et qui avait choisi pas forcément la meilleure prise techniquement. Ce qui représentait plus l’album pour eux.
Adrien : Ouais, ce sont des choix artistiques. Nos premières démos, on les avait enregistrées avec les zoom stéréo. On a une track qu’on a pas sortie mais je crois qu’on avait cinq minutes de figées, et finalement on a fait dix. Et en fait, quand on l’a réécoutée, on s’est dit qu’on arriverait jamais à faire mieux. Tout s’était bien mis. Il y a des répét’ où on essaie un riff et il ne passe rien. On se dit que la journée n’a servi à rien mais en fait, non. Il faut un peu se lancer, voir si ça marche. Mais en tout cas, c’est rare qu’on se prenne la tête. On essaie toujours de se laisser aller dans la création. On se limite avec ce qu’on a. Jimmy par exemple a son petit vibraslap, son synthé, sa voix, sa guitare. Il essaie de moduler avec ça et de dire par exemple, là je ne vais pas mettre la guitare mais plutôt partir sur le synthé. Tout se construit de manière un peu naturelle et chaque fois, on en parle. Je pense que c’est le fait de se limiter qui fait qu’on peut arriver à un truc fini.
Jimmy : Et puis on s’écoute aussi. C’est ça qui est chouette. Ah ouais, ce riff de basse là, il y a trop de notes il faut épurer et tu fais plus de notes après quand il n’y a plus le chant. Enfin, tu vois, je trouve ça assez sain comme environnement de travail.
LFB : Quand vous enregistrez, vous le faites tous ensemble dans la même pièce ?
Jimmy : Ouais.
LFB : C’est pour ça qu’il y a ce côté un peu live et Gros coeur au singulier.
Jimmy : Ouais, à fond.
Alex : C’est un concert bien mixé, bien enregistré. C’est vraiment la même énergie et le même esprit qu’un concert.
Adrien : On a doublé quelques guitares pour le côté un peu prod’. La voix on l’a refaite aussi parce que je chantais dans la pièce avec la batterie et tout ça. C’est un projet où je ne suis pas en train de gueuler quoi. C’est une voix plutôt posée. On a décidé de refaire ça à côté quoi. Ce qui, je pense, était une bonne chose.
LFB : Du coup, si je vous dis que je ne comprends rien à vos paroles mais que j’adore la ligne mélodique, est-ce que c’est un compliment pour vous ?
Jimmy : Ouais, tout à fait.
Alex : C’est l’idée.
Adrien : C’est une volonté. Ça n’arrive pas souvent mais on nous a déjà dit que ça mériterait d’être un peu plus intelligible mais le truc, c’est que justement le travail qu’on a fait après l’enregistrement, ça s’est passé surtout en live. On en discutait avec Julie qui fait notre son, on bosse avec d’autres personnes mais principalement Julie et en fait, elle sèche un peu les voix à certains moments pour rajouter de la dynamique mais tout en respectant le côté instrumental de la voix. Il n’y a jamais ce truc un peu post-punk d’une voix qui gueule bien devant. C’est toujours la volonté d’utiliser la voix comme un instrument.
Julien : C’est marrant parce que j’ai été écouter après ton article Double Date with Death. Eux pour le coup, par rapport à ce que nous on connaît de la scène canadienne, la voix était un peu plus intelligible. On n’est pas totalement dans la chanson française mais elle n’est pas non plus…
LFB : Il y a une chanson qui ressemble vachement en termes de rythmique sur l’album d’avant. Même des trucs comme Chocolat, Hubert Lenoir, je l’ai cité parce que c’est un mec qui en live va passer en trente secondes de Tylor, The Creator à du métal. Ce qui vous rapproche un peu de cette scène-là, c’est cette façon qui est encore un peu mal comprise en France et en Europe. On a tendance à vouloir mettre beaucoup de case et à mettre une couleur musicale très spécifique sur les groupes. Eux, là-bas, ils passent d’un truc à l’autre sans problème et ce qui est intéressant, c’est ce que ça représente la personnalité du groupe, plus qu’un genre musical.
Alex : Assez vite, c’est un truc dont on s’est rendus compte, qu’on avait plus en commun avec cette scène-là, pour ces raisons-là et pour la place du français qui est du coup un peu plus dans le mix. Ce n’est pas du tout la notion peut-être un peu francophone, européenne. Le français, c’est le texte, le texte. Il faut que les textes soient beaux, etc. Alors que là-bas, ils s’en foutent un peu. C’est plus les sonorités. Un peu comme l’anglais en fait.
Adrien : Beaucoup de nos lignes de voix ont été créées à partir par exemple de riffs de guitares. Il y a souvent des moments où la voix suit l’instrument parce qu’en fait, c’est l’instrument qui a créé la ligne et la voix s’est mise dessus.
Alex : Le texte n’est pas au début du tout, jamais. C’est jamais commencé avec des mots. C’est plutôt : qu’est-ce qu’on va mettre comme mot pour matcher avec ce qu’il se passe musicalement ?
Jimmy : On met des mélodies et ensuite on met des mots.
LFB : C’est un peu comme Quantum Quantum, qui sont plus psychédéliques dans le genre, mais la ligne de champ est là plus pour la mélodie que pour le texte. C’est vrai, quand j’écoute de la musique en français, j’ai tendance à m’intéresser plus au texte. Mais là, on l’oublie vite parce qu’il y a tellement d’éléments dans votre musique… Limite, tu serais dans un film, tu te ferais un torticolis. Il y a tellement de choses et c’est ce qui pousse à la réécoute, d’aller trouver des éléments que tu n’as pas trouvés avant et que tu redécouvres.
Julien : Trop cool.
LFB : Et ça me donne envie de vous voir en live.
Jimmy : Bah oui, mais une demi-heure, j’espère qu’on va…
Adrien : En une demi-heure, on essaie de balayer le côté au départ du projet qui est plus rock mais aussi le côté aussi tropical. Là on a Ventre Volcan, Java et Monique. On fait plus ou moins nos trois tracks de 9-10 minutes. On ne sait pas encore l’ordre, on n’est jamais vraiment prêts à ça. D’ailleurs à notre release, on avait inverser deux tracks mais là, je pense qu’on a l’ordre défini. Comme disait Julien, c’est vraiment l’histoire du groupe qu’il y a réellement sur ce disque. À part peut-être Kawa qu’on a sortie en single mais qu’on n’a pas remise dessus parce qu’on ne l’a pas enregistré au même endroit, etc. C’est presque tout ce qu’on avait fait comme tracks finalement. Là, on joue trois tracks et notre set complet, c’est cinq. Ça va quoi.
LFB : Quel est l’apport visuel des clips et de la pochette, que je trouve très belle ?
Jimmy : C’est vraiment du Home-made, tout est fait maison. Les clips sont principalement réalisés et montés par Alex, parfois co-écrits avec Julien. Mais voilà, c’est vraiment Alex qui fait les clips et qui fait que l’image est si belle. La pochette, c’est Sophie Rahir qui l’a faite. Elle est artiste mais c’est la première fois qu’elle devait travailler pour faire une pochette.
Adrien : On voulait ce côté farfelu des pochettes psyché, surchargées. On lui a donné quelques phrases de nos textes et elle s’est inspirée de ça pour dessiner. Elle a fait un truc en une heure super beau et ensuite, elle a mis en couleur et a fait plusieurs propositions. C’est parti de quelques lignes et son talent. Elle est vraiment douée. Elle a vraiment fait un truc limite à main-levée. C’est Mathieu Huygens de La Source Beer Co à Bruxelles, un ami de Julien, qui a fait le logo. On voulait un logo un peu métal comme ça, mais quand même un peu soft. On s’est dit pourquoi pas ?
Julien : On avance un peu à tâtons, sans trop préparer et on se rend compte avec le temps qu’on a quand même une imagerie qui commence à nous coller, à laquelle on se tient, qui commence à être cohérente. Mais c’est ça, Gros cœur, il y avait déjà cet esprit second degré et on se dit que puisque c’est ce nom un peu à la con, on va le mixer avec du métal et ça sera un peu badass au grand coeur.
Adrien : Même dans Nagori, c’est la chanson la plus calme. C’est limite la phase la plus heavy qui arrive. C’est un peu brutal mais on n’a pas de metal zone, on met juste nos disto. On met le son. On voulait un truc un peu plus toner metal mais nos disto à vingt-cinq euros. J’ai une cote cassée, je fume des clopes et je bois du vin nature. Il y a vraiment ce mix.
Jimmy : Et alors, je ne sais pas si tu as vu cette fausse pub qu’on a faite pour le merch ? Ça aussi, ça fait partie de la création de Gros coeur. On est venus en répét’ avec une caméra et on s’est dits qu’on allait faire une fausse pub un peu à l’instar des inconnus ou quoi. Le pire, c’est ce que ça a plus marché que n’importe quel autre post de musique. Juste de nous voir faire les cons, ça marche mieux.
Alex : Il n’y a pas vraiment de réflexions préalables dans le visuel. Il n’y a pas de volonté de créer des clés de compréhension, de donner une grille de lecture à la musique. Mais ça évolue exactement de la même manière que la musique, c’est-à-dire de manière complètement organique, beaucoup d’impro. Les clips aussi, ça a été énormément d’impro. Merde il faut faire un clip, le morceau fait dix minutes…
Jimmy : On n’a jamais su anticiper.
Alex : C’est à chaque fois la veille où on trouve un plan.
Julien : Sauf Dax qui nous a fait un peu suer. On s’y est pris trois jours avant donc c’était déjà…
Alex : On a écrit un truc à la con, avec des dinosaures. Mais ça reste très impro.
Jimmy : Moi je prenais la caméra de mon père quand j’étais petit, avec mes potes on rejouait des sketchs des inconnus. On l’a tous fait. Et on en créait d’autres. Le plaisir est exactement le même avec Gros coeur quoi. On s’amuse.
Alex : C’est un peu cliché mais on en revient à ce que tu disais sur le côté un peu adolescent. C’est un terrain de jeux. On rigole avec les copains mais on veut que ça soit bien, qualitatif. On met beaucoup d’énergie.
Jimmy : Oui, ça reste un travail.
LFB : Justement, est-ce que vous avez peur de gâcher ça en professionnalisant plus le projet ?
Julien : Pour moi, c’est la question au centre du projet pour l’instant.
Adrien : Pour l’instant, j’ai l’impression qu’on gardera le contrôle sur les visuels, la musique.
Julien : Sur les gens dont on s’entoure dans cette grande famille aussi. D’essayer de travailler en « circuit court ». De ne pas voir trop grand, pas trop vite, que ça reste entre nous et que les rapports soient bons. Moi, c’est ça le truc qui est le plus important, l’humain derrière. Avant le côté musical. Est-ce que la professionnalisation peut le corrompre ? Moi, j’ai toujours fait en sorte de ne pas dépendre de mes activités de coeur pour vivre et en fait Gros cœur me fait voir que peut-être que ça pourrait marcher dans l’autre sens et que ça pourrait être très bien. Je les remercie un peu pour ça aussi. C’est un peu inattendu.
Adrien : Il nous le dit tout le temps. « Allo Adri, oui c’est juste pour dire merci ».
LFB : C’est important de savoir dire merci aux gens qui nous entourent.
Jimmy : Totalement, on le prend le merci, on le prend.
LFB : C’est quoi le futur à venir pour Gros cœur ?
Adrien : Un deuxième disque.
Jimmy : On s’est fixées une espèce de rigueur de travail tout de même. Ça serait de sortir un disque par an.
Adrien : On a déjà booké une résidence en octobre l’année prochaine.
Jimmy : Donc à priori, on enregistrerait en janvier prochain le deuxième disque.
Julien : La radio télévision suisse nous a passé ce matin.
Jimmy : Pourquoi ? On ne sait pas.
Alex : On va essayer aussi de s’exporter. On va probablement aller au Canada, c’est dans les tuyaux.
Jimmy : Aller au Québec, profiter de cette belle langue qui est la nôtre.
Adrien : Et la France aussi finalement parce que là, on a fait principalement le grand Ouest, le Nord. On va y aller dans une semaine pour cinq jours mais on aimerait bien pour le printemps, essayer de revenir.
Jimmy : Et puis cet été. On a eu pas mal de portes closes l’été dernier parce qu’on n’avait encore rien sorti et là, on espère du coup qu’avec la sortie du disque, on ait enfin des chouettes dates l’été. Enfin les festivals. En Belgique, tu n’es pas sans savoir qu’il y a moult festivals sur un aussi petit territoire. Voilà, on espère faire des belles dates pour toucher un maximum de personnes et faire la fête.
Alex : S’amuser.
Retrouvez notre chronique du Gros album de Gros Cœur par ici
Crédit Photos : David Tabary
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