Un artiste qu’on aime beaucoup dit dans une de ses chansons : « il est long le chemin jusqu’à soi ». À l’écoute, on ne voit pas de meilleure façon pour décrire Better Place, le merveilleux premier album de Poppy Fusée. Dix morceaux en anglais qui se vivent comme une grande épopée avec ses conquêtes, ses déceptions et ses enseignements. Partons donc à l’aventure direction la Better Place de Poppy Fusée.
Si vous aimez les œuvres de Fantasy, vous devez être familier.e.s de ce genre de moment : le héros (ou l’héroïne) rentre dans le lieu qu’il a quitté au départ, un lieu qui lui semble familier mais devient totalement différent puisque modifié par les perspectives et toutes l’expérience accumulée pendant ses aventures.
On ne dit pas que Better Place est à ranger aux côtés du Seigneur des Anneaux, mais pas loin au final. Dans la structure dont il a pour nous été construit, le premier album de Pauline Lopez de Ayora (vraiment pourquoi choisir un pseudonyme quand on a un nom aussi incroyable ?) a la force et le sel de ces grandes aventures qui nous font voyager, qui en disent autant sur son auteur que sur celui qui l’écoute.
Une sorte de grande boucle où la fin rappelle le début mais de manière totalement différente. Si l’on dit ça, c’est parce que Better Place commence et se termine par des adieux avec It’s Over et Goodbye. Semblables dans leur thématiques mais complètement différentes dans leur sonorité et dans leur ressenti, elles montrent tout le chemin parcouru en 30 minutes et 10 chansons.
It’s Over est une prise de conscience, remplie de colère et d’un brin de rancœur. Un morceau d’empowrment qui est là pour enclencher le mouvement, pour marquer le départ. Musicalement cela aussi se ressent des ambiances ouatées et inquiétantes qui laissent place à une batterie discrète mais militaire et à des sonorités de guitares et de synthétiseurs qui n’hésitent pas à exploser quand il le faut.
À l’autre bout nous avons Goodbye, un « morceau-générique », rempli d’adieux, de larmes séchées et de futur rempli de possibles. Là aussi, la manière dont est imaginée la chanson est évocatrice de ce qu’elle raconte et de la puissance de l’album : le traitement de la voix, la façon d’utiliser l’écho, comme si tout disparaissait et le choix musical proche de l’épure font du morceau la parfaite fin, à l’image des génériques de romcoms qu’on aime tous (oui oui même toi avec ton cœur de pierre, on le sait).
Et au milieu de ces deux piliers, il y a la grande aventure, le chemin vers soi et vers les autres qu’entreprend Poppy Fusée. Il se fait tout d’abord à travers un choix radical mais fort : si la musicienne s’était dévoilée dans un premier EP en Français, c’est vers l’anglais, la langue de son cœur, qu’elle se tourne pour nous offrir Better Place. Résultat : des chansons beaucoup moins imagées, bien plus directes dans leur manière de raconter les choses. Bien plus humaines au final.
Ce choix voulu d’un rendu plus émotionnel se ressent tout de suite. Empty par exemple, avec ses répétitions qui servent autant l’écriture que la sonorité est l’exemple même de la liberté que peut se permettre Poppy Fusée. Sorte de gueule de bois post-prise de conscience, le morceau joue des codes de la comptine pour nous raconter un chemin assez violent où l’on se sent absent de tout, vide dans tous les instants.
Un choix de jouer sur les contrastes revendiqué et évident qui se retrouve aussi sur Insomnia Party, morceau dansant et aux premiers abords joyeux qui révèlent son décalage et sa petite noirceur au fur et à mesure qu’il s’avance.
Ce premier tiers d’album marque les moments les plus durs et méritait une petite pause au bord de l’eau. Une interlude vers la suite qui prend corps avec Be Like Water, petit moment de réconfort qu’elle partage avec son amie November Ultra.
Alors qu’arrivent In Between et Better Place, on réalise peu à peu que les chansons de l’album semblent aller de paire, comme des évidences qui se répondent. Elle le dit d’ailleurs avec un brin d’humour au travers d’une ligne d’In Between : « In between two songs One is good and one is wrong« .
C’est un morceau qui prend toute sa logique au centre de l’album, comme au centre d’un film. Le moment du grand doute, de savoir où l’on est et ce qu’on le fait. Un entre-deux qui peut tout changer, tout guérir comme tout détruire. In Between, marque discrètement mais durablement, tant elle porte en elle à la fois le chaos et la confiance qui cohabitent bien malgré eux.
Vient donc Better Place, l’hymne de l’album, celui qui donne son titre et son sens. Hurler contre le vent et mettre des mots sur ses plaies, savoir ce que l’on est et ce qu’on le veut faire de soi. Suivre l’étoile, telle est la quête comme dirait un grand Belge.
Et puis après tout ça ? Que reste-il ? L’amour bien évidemment. L’amour de soit d’abord, le plus dur à conquérir, le plus important à protéger. Back From Hell est un bouleversement total, une bulle de douceur qui semble tout réparer, tout autoriser. C’est un câlin que Poppy Fusée se fait à soi même, 4 minutes 30 de pure vérité et de pardon. Nous, on l’avoue, on aurait bien appeler cet album Back From Hell, tant le morceau est fort, mais on se doute un peu de la galère que cela représente.
Quand on s’aime, il est évident que l’on peut aimer l’autre pour le meilleur et pour le pire. Pendant évident à Paranormal, For Better And For Worse est sans doute une des plus belles chansons d’amour qu’on aie écouté de mémoire récente : douce, tendre, sans artifices, la chanson coche toutes les cases du plaisir romantique ultime (à l’image de la scène des pancartes dans Love Actually).
Comme un clin d’œil à tout le chemin parcouru, il était évident de retrouver Pesanteur sur l’album, premier morceau écrit pour le projet Poppy Fusée et qui joue ici la carte du morceau caché-pas vraiment caché. Une petite bulle de douceur qu’on prend toujours énormément de plaisir à écouter.
So this is goodbye This time it’s real … Avec Better Place, Poppy Fusée a suivi ses envies. En résulte un grand album de pop morderne, intime et universel qui se vit comme une grande aventure qu’on a beaucoup de mal à quitter. Et heureusement pour nous, le mode repeat existe.