Bonnie Banane et Nini, l’art de sublimer les contraires

L’avez-vous vu passer, qui, quoi ? Où ça ? Sans plus attendre, on revient sur la sortie du dernier album de Bonnie Banane, Nini. Un album complet, qui évolue au croisement d’un doux rêve et de pensées inquiétantes et mystérieuses.

Après Sexy Planet sorti en 2020, Bonnie Banane s’entoure de personnes comme Félix Petit ou Janoya pour composer ce nouvel album aux couleurs multiples, intitulé Nini. Pour notre plus grand plaisir, elle nous emmène en voyage, explorer de lointaines contrées musicales. Si on peut être surpris lors d’une première écoute, tentant de saisir les liens et une essence commune entre les morceaux, il s’agit bien d’une histoire qui prend du corps d’un titre à l’autre. En coulisses, on s’interroge et on trépigne. Alors, who is Nini?

Planter le décor. Avec Instant Karma, le premier titre de l’album, Bonnie Banane nous ouvre les portes de son monde, à part et presque féérique. C’est une invitation, « C’est chez nous là! ». Alors, soit, on hésite un quart de seconde et on entre à pas de velours dans un intérieur feutré. On relève quelques indices, laissés ça et là. « 84 rue des Martyrs » ? On n’aperçoit pas encore Bonnie, pourtant elle parvient à nous guider de sa voix aiguë au ton malicieux. La mélodie s’enrichit avec l’écho d’un chœur.

À l’heure au rendez-vous, Instant Karma conserve une part de mystère et de magie qui nous séduit. On retrouve cette énergie dans deux autres titres de l’album, avec The Nap Song ou encore Pas Besoin. The Nap Song est un morceau envoûtant qui nous conte l’histoire d’une rencontre manquée. Une nouvelle invitation à laquelle on succombe avec délice. La longue partie instrumentale en fin de morceau se rapproche du rêve, et scelle la sieste.

Quelques accords, une mélodie douce et soignée esquissent Pas Besoin. Arriver sur la pointe des pieds puis ne plus jamais partir. Se jouer de nous et avec nous, voilà une des caractéristiques de l’album et qui nous plaît énormément dans le travail de cette artiste.

Cependant ce projet n’est pas que doux et mélodieux, non ! Nini c’est aussi un cocktail dynamique, un mélange de sons rock et décomplexés. Franchement, qui côtoie la folie tout en s’appuyant sur une prod rythmée et entraînante, est un morceau qui nous donne envie de danser. Il offre également l’occasion à Bonnie de porter des paroles engagées, ponctuées par un « Fuck Valeurs Actuelles! Vive la lune dans le ciel! ». Tournées habilement, on les retient, elles nous font sourire et nous glissent l’air de rien, un message à l’oreille.

Le morceau Hoes Of Na, quant à lui, succédant à la douce empreinte de The Nap Song, réveille les monstres endormis. Bonnie tu nous fais presque peur. Avec un son qui ferait trembler les murs de la maison enchantée, la pression monte crescendo.

Grande star mais pas mondaine, les morceaux de Bonnie Banane nous font parfois cet effet-là. Comme si, encore en pyjama, on décidait tout à coup d’enfiler de longs gants et d’attraper une paire de lunettes de soleil un peu trop grandes laissées sur le meuble du salon. On se regarde, on se scrute. L’effet super queen est immédiat, et ça fait du bien. Mettre la musique, plus forte, que ça plaise ou non aux voisins.

Non mais, qui a eu le culot de nous raccrocher au nez ? Hop-là! est un son rock et posé à la fois. On apprécie les paroles, cette réponse aux comportements déplacés des hommes, du « goujat ». On note la capacité de l’artiste à modifier sa voix. Il y a du jeu, du relief. Bonnie nous donne de quoi nous relever fièrement. Enfin, un son grésillant nous emmène plus loin. Place à l’expérimentation !

L’expérimentation c’est le terreau de cet interlude, 52  » interlude. On retient notre respiration. C’est presque comme entendre la voix d’un robot depuis une autre galaxie, sensuelle et énigmatique.

52  » interlude prévient Red Flags. Il l’annonce, par une phrase en suspens. On peut également relever ce passage, habile, de l’anglais au français. Il y a quelque chose d’assez élégant et de maitrisé dans ce morceau, par les voix qui se chevauchent, la construction qui se fait peu à peu. Doucement mais sûrement.

Un red flag, des relations homme / femme complexes dans lesquels on se perd parfois, les vertiges de l’amour … Bonnie Banane aborde ces thèmes au fil de deux titres, Sacha puis Toi ou Moi ? aux accents de bossa nova. Comme un morceau en deux parties, qui vient ponctuer et colorer l’album à deux reprises. On y a vu une course poursuite et une discussion d’un bout à l’autre de la pièce. Si les sentiments amoureux nous submergent parfois, jusqu’à nous miner le moral, Nini parvient à les transformer en de joyeux clins d’œil, portés par le jeu et l’expérimentation.

Avec PMS, uniquement en anglais, Bonnie dévoile un nouveau pan de sa palette musicale. C’est le titre le plus RnB de l’album. À la fois électrique et lumineux, on ne baisse pas le regard. À la fin du morceau, on identifie assurément cette mélodie, nous rappelant l’univers du cirque.

Nini c’est un nom concis, facile à retenir. Joie Intense, Tristesse Profonde, pfiou nous l’aurons certainement abrégé dans quelques minutes. Et pourtant … C’est bien le titre qui représente le mieux l’album, son essence. Note finale du projet, il incarne la réunion de sentiments contraires. C’est une exploration de ce qu’il se produit au milieu. Joie intense ou Tristesse profonde ?

Vous avez perdu le fil ? Mais Nini est un personnage complexe. Nous sommes des personnages complexes. Comme le dit Bonnie, « Nous passons du tout au tout ». On est fasciné par cet état, au creux de montagnes émotionnelles et parfois vertigineuses. Ce dernier morceau sublime les vagues de l’amour et de l’attachement. L’attente est aussi exquise qu’insupportable. Joie Intense, Tristesse Profonde met en lumière la tension sous-jacente et ces fils que l’on tire avec la plus grande délicatesse. L’orchestre apporte un attrait magistral, digne d’un générique de film. Bonnie Banane et son équipe parviennent, d’un coup de maître, à jouer avec ces émotions contraires pour construire leur propre scénario.

Retour au calme. Vous l’avez compris, cet album nous a beaucoup plu. Nini est un grand pas pour Bonnie Banane. Il est l’affirmation d’une identité forte, mais aussi le fruit d’une plus grande exploration musicale. On passe d’un registre à un autre, on pleure puis on rit. On est surpris puis on a peur. Bonnie Banane ouvre un dialogue, crée des ponts, d’une émotion, d’une couleur à une autre. Elle dépose des messages engagés, sous des phrases bien choisies et malicieuses.

Nini nous a permis de ressentir des choses fortes et d’être embarqués dans une histoire, dans son univers. C’est ce qui a nous séduit et on en demande encore. Pourtant, Bonnie ne nous parle pas à demi-mot, il y a quelque chose de généreux dans son art. Perchée sur une grande armoire, contenant assurément de grands masques et une centaine de costumes, ce caméléon de la musique nous observe. Elle seule détient le secret. Il relève maintenant de notre devoir de venir écouter Bonnie Banane en concert ! Place au Nini Tour, la tournée a déjà commencé. Cette grande artiste sera, avec toute son équipe, sur la scène du Trianon ce mercredi, et à L’Olympia en décembre 2024.

Retrouvez Bonnie Banane sur Facebook et Instagram par ici !