Depuis la parution de leur dernier album Va savoir le 12 avril dernier, des ondes galactiques nous parviennent depuis les cieux… Entre inflexions vocales ultra-pures et ornements hérités de traditions immémorielles mâtinées de psyché et de trance, on a voulu en savoir plus en allant à la rencontre de deux des membres de Ceylon. Tour de contrôle à Tristan et Louise, à vous !
Crédits photo : Hellena Burchard
La Face B : Merci de m’accorder ce temps…
Ceylon – Tristan : Hey, t’as un joli vernis !
Ceylon – Louise : Grave, ça fait un peu galaxie…
LFB : Oh merci, c’est vrai que les étoiles… ça vous connaît ! Pour ceux qui vous découvriraient : dix ans d’existence, une notoriété bien établie, du sud de la France à Paris, et un nouvel album qui vient de paraître… Ceylon en 2024 et après tout le chemin parcouru, c’est quoi ?
Ceylon – Louise : C’est un nouvel album TRÈS lumineux, déjà ! Je pense qu’on a puisé beaucoup de choses dans le sombre par le passé et qu’on avait besoin de lumière… Alors voilà : ça s’ouvre, les formats sont un peu plus courts, on se tourne peut-être un petit peu plus vers la pop et la chanson, mais ça reste très psyché dans l’âme. Et puis, il y a quelque chose qui s’est passé…
Je pense qu’on a grandi, et que ça se ressent avec cet album.
Louise, de Ceylon
Ceylon – Tristan : Oui, même dans la manière de le faire en fait ; on a gardé les mêmes instruments, les mêmes voix, mais on a radicalement changé notre façon de procéder. Ce n’est pas un choix qui demeurera forcément pour les prochains opus, mais après trois albums enregistrés sur bandes, uniquement sur du matériel analogique et qui prend du temps, on a voulu se tourner vers une technique plus moderne… Et ça s’entend jusqu’à la construction des morceaux ! Je pense que ce que ça dit de nous, c’est l’envie qu’on a aussi de participer au monde dans lequel on vit. C’était l’occasion !
LFB : Superbe ! Pourriez-vous revenir justement sur la genèse de cet album, que j’ai trouvé personnellement peut-être un peu plus mélancolique que les précédents ?
Ceylon – Louise : Tu as raison de parler de mélancolie, même si pour moi, c’est une mélancolie joyeuse ! Il y a quelque chose de ça, peut-être plus dans les textes que dans la musique… Même sur le titre « Jusqu’à la fin », qui pourrait être considéré comme une chanson très mélo – et j’adore le mélo ! -, il y a un texte fort, une ligne de piano jouée par le bassiste (c’est la première fois ever qu’on intègre du piano !)… mais une structure et des harmonies très ouvertes !
C’est très solaire alors que ça parle d’amour présent et passé (qui demeure, au fond, toujours le même amour). Mais c’est ce qu’on a pu garder des anciens albums, cette dimension un peu sombre dans l’écriture, mais qui vient paradoxalement s’ouvrir avec la musique… et ça, on adore ! On est très friands de mélancolie… et de contrastes.
Louise, de Ceylon
LFB : Et du coup, et je reviens pour ça à ce que tu viens de dire sur l’amour, c’était un désir de le partager, mais dans un nouveau prisme ?
Ceylon – Louise : Grave ! Peut-être que c’était aussi l’idée de se poser pour réfléchir à ce qu’il s’est passé, considérer justement ce passé à l’aune du présent.
Ceylon – Tristan : Après ça n’a pas été conceptualisé vraiment non plus, je sais que certains groupes décident de directions comme ça, alors que pour nous, c’était plus un concours de circonstances. On a eu énormément de morceaux avant de commencer l’album, et c’est aussi le format qui a été déterminant, puisqu’on le presse en vinyle ! On avait des morceaux comme avant, qui duraient 30, minutes, mais qui auraient fait un album en deux parties où il ne serait resté qu’un morceau qui n’avait rien à voir. Le gros travail est venu de ce déterminisme du format physique. On a choisi des morceaux plus courts qu’on a trouvé à lier pendant la fabrication. Finalement, l’album s’est vraiment construit au fur et à mesure de l’aventure. La seule chose préexistante, c’était l’idée qu’on allait faire un album !
Ceylon – Louise : Oui, et puis en termes de circonstances, il y a aussi eu le fait que ce soit la première fois qu’on bosse avec un réal’ d’album. Et ça, ça change énormément de choses… Comme l’expliquait Tristan, on est arrivés avec une matière tentaculaire, une heure et demie de son, dont il fallait la restreindre à… 42 minutes ! Mais on a laissé le choix, une fois qu’on a eu choisi Johannes Buff, avec qui on a eu un premier rendez-vous et qui a tout écouté (!). C’est plus lui qui nous a aiguillés sur les directions à prendre. Faire confiance à quelqu’un fait donc aussi partie de l’histoire de cet album : on est plus tous les cinq mais on a vraiment travaillé à six ! Voir plus…
LFB : Justement, à propos de rencontres et de collaborations… L’univers visuel occupe une grande place pour vous… C’est important, ce lien noué avec cet autre champs d’exploration artistique et les personnes qui le portent ?
Ceylon – Tristan : Oui, on travaille avec Hellena Burchard, photographe d’exception qui est une véritable sœur maintenant ! Qui s’est mise aussi à réaliser pour nous, et ça se passe extraordinairement bien ! Surtout que Ceylon est un peu à son image quelque part.
Parfois quand on compose un morceau, on utilise le mode visuel plutôt que les notes : « ce passage me fait penser à telle image… ». C’est presque cinématique, et la boucle se boucle puisqu’une fois qu’on en est revenus au son, on le (re)met en images !
Tristan, de Ceylon
Ceylon – Louise : C’est vrai que souvent, on nous demande les influences de Ceylon, et pour nous c’est très dur de nous astreindre au champ musical sans donner une ouverture culturelle ! On aime autant les livres, le cinéma, le théâtre, les arts visuels… Et c’est très important pour nous, au même titre que de travailler en famille – et Hellena c’est LA famille, on la considère comme la sixième de Ceylon, et sa présence à nos côtés permet véritablement de jouer autrement. Quand on fait des clips ou des photos, on est littéralement comme des enfants qui jouent.
Ceylon – Tristan : Une autre chose intéressante à souligner c’est la grande part d’improvisation dans nos clips, depuis le début ! Souvent une idée jaillit mais ça reste assez vague, le brainstorm, est toujours deux jours avant ou la veille de tourner, et après on s’y met ! C’est comme ça que ça fonctionne le mieux pour nous. La contrainte des moyens joue aussi, et nous ramène aussi à ce côté enfantin. Il s’agit de faire avec trois bouts de ficelles, littéralement, un univers complet !
On part d’un morceau avec elle, et on se dit, comment on va pouvoir jouer sur ce morceau ? Pas avec une guitare ou une basse, non, mais à la façon d’enfants. Par exemple, pour le clip de « Qui sait ? », on voulait parler d’étoiles – d’étoiles en papier, d’un livre, de comment on communique avec un ciel étoilé… Et puis, cet avion est venu très rapidement à nous, avec l’idée qu’on allait demander au ciel de nous envoyer un message et que c’était lui qui allait nous l’apporter ! Ensemble, on est à nouveau des enfants qui nous racontons des histoires…
Louise de Ceylon
Ceylon – Louise : Et puis de travailler en immersion ! On compose de manière immersive, on vit tous aux quatre coins de la France donc on se retrouve une semaine ensemble, et les clips, c’est pareil ! On se retrouve avec Hellena et on a un temps donné pour créer, et ça… c’est trop beau !
LFB : Justement, au sujet des relations humaines… Vous entretenez une relation très fusionnelle à votre public… Comment celle-ci s’est-elle nouée au fil du temps ?
Ceylon – Louise : Ah ouais, y a un vrai truc avec le public, ça c’est vrai. Il y a des gens qui reviennent beaucoup, qui nous suivent, et ça c’est absolument incroyable ! Il y a un lien humain avec les gens de l’ordre de la gratitude aussi, puisque c’est grâce à eux qu’on existe ! C’est cet échange-là, fusionnel, passe par le corps aussi, puisque si je danse sur scène, c’est véritablement portée par les gens qui me donnent leur énergie !
Ceylon – Tristan : Et puis, ceux qui écoutent le plus nos albums finalement, ce sont des gens qui nous ont découvert par le prisme du live ! Notre rapport avec notre public vient énormément de là. Nos live, c’est vraiment notre carte de visite ! Je sais que certains musiciens se sentent plus à l’aise en studio, mais nous c’est vraiment l’endroit qu’on préfère… et là où les gens nous préfèrent aussi, d’ailleurs !
LFB : Justement, je voulais revenir sur la notion de rythme, centrale dans votre musique… La danse dans vos prestations scéniques l’est tout autant que la musique. C’est un fil directeur pour vous, les ondes vibratoires, le groove ?
Ceylon – Tristan : Ah oui, le rythme c’est ce qui entraîne la foule, et c’est quelque chose de très primaire. Avec la voix, la danse active les cellules !
Ceylon – Louise : Oui, et puis on a beaucoup de rythmiques en 5, en 7 qui sont moins des choses dont on a l’habitude… Et ça, ça fait bouger autrement et c’est ce qui fait se tourner vers la trance !
En France, on a nos oreilles modelées par le 4 temps, mais le 5 amène à bouger ses appuis de manière différente, et donc d’entendre aussi la musique de manière différente… Et ça, j’adore !
Louise de Ceylon
LFB : La release à Paris approche… Il y a des attentes… Et c’est quoi la suite ?
Ceylon – Louise : Pour cette release, on va faire des choses qu’on a jamais faites ! Comme de jouer avec la grande violoncelliste Cécile Lacharme, avec le défi qu’on a rencontré d’intégrer cet instrument chéri dans un set plutôt rock ! Donc il y a ça, un featuring qui va se créer avec quelqu’un avec qui on a jamais joué… Et puis, c’est vrai ce que dit Tristan, et on a déjà commencé : être en tournée, partout, c’est vraiment ce qu’on préfère !
Il y a eu ce studio, et maintenant, il a comment on avale ce qu’on y a créé, dans la joie de retrouver Paris… où on a pas joué quand même depuis plus d’un an, alors même que notre public est majoritairement parisien ! Ça va être une vraie fête, un check-point important, et ça… on adore !
Louise de Ceylon