Lors de son passage au MaMA le 16 octobre, Léman a pris le temps de nous parler de son EP On est plein, de son adaptation en live, de l’art qui libère, d’exploration musicale et du pouvoir des réseaux sociaux.

La Face B : Comment ça va ?
Léman : Ça va, il reste un peu de temps avant le concert. Le stress va arriver petit à petit !
LFB : Comment tu te sens à l’approche du concert de ce soir ?
Léman : Bien ! Il y a toujours une part qu’on ne maîtrise pas, mais on a beaucoup travaillé et puis je suis très content d’être là. Je pense qu’on va bien s’amuser. Donc de ce point de vue-là, je le sens très bien.
LFB : Super ! Il y a énormément de diversité dans ton EP On est plein, que ce soit dans les instru, les thèmes abordés et même l’interprétation. Comment est-ce que tu as conçu ton live sur cette base ?
Léman : En fait, moi je viens du Rock à la base, c’est mon école. Et l’idée c’était d’avoir quelque chose qui s’inspire de cette esthétique-là, au niveau de la batterie, des guitares, mais aussi des synthés à l’ancienne – des Moog – etc… Et en même temps ajouter un côté plus actuel avec l’ordinateur dans lequel on a un orchestre, une infinité de sons. Le but c’était de mélanger ces deux mondes, en gardant toujours l’énergie Rock. Le reste, c’est du travail de relief dans un set, ça prend pas mal de temps mais c’est cool !
LFB : C’est sûr que c’est toujours un défi d’arriver à bien doser les pistes d’ordinateur et le reste.
Léman : Oui, mais heureusement je suis super bien entouré.
LFB : Tu travailles toujours avec les mêmes musiciens et musiciennes ?
Léman : Ce n’est pas les mêmes personnes entre le studio et la scène. Et c’est super. En fait en général je passe d’abord en studio, on finalise la chanson et ensuite on la réadapte sur scène. Là, ils redécouvrent le morceau, ils se l’approprient. Moi j’ai déjà une vision, par exemple je sais que je veux ajouter un solo de guitare sur telle chanson, faire une montée, ajouter une partie… On en discute ensemble, eux ont chacun leur identité aussi, et c’est cool de pouvoir leur laisser de l’espace pour s’exprimer.
LFB : C’est le meilleur moyen pour qu’ils s’éclatent sur scène.
Léman : Oui totalement. Et puis l’idée ce n’était pas d’avoir moi et mes musiciens, c’était d’avoir un groupe. Et musicalement, j’espère que ça se ressent. Je crois que c’est le cas. On s’entend super bien tous, y compris avec l’ingé son, et nouvellement l’ingé lumière. C’est des super copains.
LFB : Tu as raison de souligner le rôle de l’ingé son et de l’ingé lumière car ils font pleinement partie du show.
Léman : Tout à fait, c’est des membres du groupe.
LFB : Dans ton morceau Les plus bornés, tu as une phrase que j’ai bien aimée et que je trouve très juste. C’est : “Avec la fin de l’imaginaire / Vient la servitude volontaire”. Est-ce que selon toi, l’expression artistique sous toutes ses formes – et la musique en particulier – peut nous aider à nous libérer ? Dans ce cas, quel serait le rôle des artistes ?
Léman : Pour moi la musique, comme n’importe quel art, permet de faire découvrir des choses, des pensées. Et je trouve ça hyper important. C’est aussi le cas des sciences. Par exemple, quand des chercheurs en sociologie vont travailler à nous faire comprendre certains mécanismes de la vie, ça nous rend plus libre. L’art nous rend plus libre parce qu’il nous permet de voir des choses qu’on ne voit pas. Pour moi, les vrais artistes, c’est ceux qui arrivent à faire ça. C’est ce que j’essaye de faire modestement. Et en tout cas c’est le cas des artistes qui m’inspirent. Je pense à quelqu’un comme Victor Hugo par exemple, que je trouve assez incroyable.
LFB : Dans quels types d’expressions artistiques puises-tu ton inspiration ?
Léman : Principalement la littérature. La politique aussi. Enfin, pas la politique du genre “machin s’est fait élire avec un siège de plus”. Mais plutôt le fait de comprendre comment les humains vivent ensemble. Ça, je trouve ça passionnant – c’est pour ça que je parlais de sociologie tout à l’heure – et pour moi c’est une forme d’art. Et puis la musique, le cinéma. Un peu tout en fait, même le théâtre ou la danse, même si ce sont moins des choses vers lesquelles je vais spontanément. Je peux prendre une grande claque devant un spectacle de danse, un mouvement peut me rappeler quelque chose que j’ai vu dans un film et ça peut me faire réfléchir.
LFB : Comme tu disais, au fond c’est tout ce qui peut permettre de voir les choses autrement, d’envisager d’autres possibles.
Léman : Oui, exactement.


LFB : Tu es très exposé sur les réseaux sociaux, où tu sors notamment beaucoup de contenus vidéo assez produits. Est-ce que ça t’est venu naturellement, le fait de t’exposer comme ça ou est-ce que c’est quelque chose que tu as dû travailler ?
Léman : C’est quelque chose que j’ai travaillé. Enfin, c’est naturel parce que je ne triche pas, je suis pleinement moi. Je n’incarne pas un personnage du tout. Mais j’ai dû travailler parce que ce n’était pas du tout instinctif pour moi les réseaux au début. La caméra, ça a été quelque chose de bizarre à appréhender. Il y a beaucoup d’artistes qui ont du mal avec ça et c’était mon cas. Donc j’ai travaillé pour trouver ma façon de me l’approprier. Les réseaux sociaux, je vois ça comme un nouvel instrument de musique. Comme quand j’ai commencé la guitare, je galérais à trouver les cordes, et puis maintenant c’est plus automatique. Et ben les réseaux, c’est pareil. Au début j’y arrivais pas, j’étais mal à l’aise devant la caméra, comme tout le monde. Et puis maintenant c’est un peu plus simple.
LFB : Tu y prends du plaisir maintenant ?
Léman : Oui, enfin parfois c’est dur, comme tout. Mais globalement ça m’amuse beaucoup. De tourner, et même de poster, partager avec les gens, lire les commentaires… c’est trop cool.
LFB : Il y a peut-être aussi un plaisir à maîtriser quelque chose dont on n’avait pas du tout les codes à la base ?
Léman : Oui, de voir qu’on progresse, qu’il y a des gens qui se retrouvent dans les contenus qu’on fait. C’est gratifiant.
LFB : Ça te permet d’avoir des retours directs en plus.
Léman : Tout à fait. Ça peut être super touchant d’ailleurs. Quand j’ai sorti On attend, j’ai vu que plein de gens se reconnaissaient dans la chanson, dans les contenus… Je ne m’y attendais pas du tout, ça m’a beaucoup touché.
LFB : C’est clair que c’est une belle reconnaissance. Et est-ce que tu sens que cette proximité avec ton public sur les réseaux se traduit dans tes concerts ? Des gens qui connaissent les paroles par exemple…
Léman : Oui, ça m’impressionne toujours beaucoup d’ailleurs ! Il y a même des gens qui connaissent par cœur Les plus bornés. C’est une chanson qui est sans refrain, et un peu écrite… Je suis super impressionné. Après le fait de convertir les followers sur les réseaux sociaux en spectateurs, ce n’est pas facile. Mais depuis juin on a fait une douzaine de concerts et on voit que ça marche plutôt bien. Après, le live c’est quelque chose qui se construit sur la durée. Mais on a quand même une Maroquinerie complète le 28 novembre, et La Bulle Café à Lille qui est aussi complète trois mois à l’avance, le 29 novembre. C’est assez fou. Donc là on va annoncer plein d’autres dates dans des villes partout en France.
LFB : Génial, félicitations ! Au fait, vous arrivez d’où avec ton équipe ?
Léman : Toute l’équipe est basée à Lyon.
LFB : Et est-ce que vous avez rencontré des difficultés à faire connaître ta musique en-dehors de votre région ? C’est le cas de pas mal d’artistes émergents.
Léman : Oui, on a aussi ce problème en Rhône-Alpes. J’en discute avec plein de potes, ce n’est vraiment pas facile de sortir de sa région. J’étais super étonné qu’on arrive à remplir la Maroquinerie. Encore plus Lille. C’est top. Je pense que c’est pas mal grâce aux réseaux sociaux, et puis au travail du label, de ma manageuse et tous les gens qui m’entourent. Mais je pense qu’à la toute base, quand je n’étais pas vraiment entouré, ça s’est beaucoup fait avec les réseaux.
LFB : J’ai fait un tour sur les plateformes d’écoute avant de venir, et je suis remontée jusqu’à 2021, année de la sortie de ton premier single, My wild love. J’ai été surprise en l’écoutant puisque c’est un son assez Rock, assez épique, avec beaucoup de guitare, et en anglais. Donc assez différent de ce qu’on trouve sur ton EP. Est-ce que sur ces dernières années, tu as l’impression d’avoir trouvé ton son, ton style, ou est-ce que tu perçois ça comme quelque chose de toujours mouvant ?
Léman : Alors, cette chanson c’est une reprise des Doors en fait. C’est une chanson qui n’est pas très connue. J’ai toujours trouvé que le texte était cool, que la mélodie de la voix était incroyable, mais que tout ce qu’il y avait autour c’était pas super (rires). Enfin ce n’est que mon avis. Et je me suis dit qu’il y avait un truc trop bien à faire avec cette mélodie de voix qui est folle. C’est pour ça que j’ai tout refait autour. J’ai tout recomposé, ce n’est pas les mêmes accords, ni rien. Donc c’est moi, mais ce n’est pas pleinement moi, ça reste une reprise.
C’est peut-être aussi pour ça que tu as trouvé ça plus éloigné. Maintenant je pense avoir une idée de ma direction artistique assez claire dans ma tête, mais c’est sûr que ça va évoluer. Parce qu’on se nourrit tous de plein de choses et c’est ça qui est le plus intéressant. Mon groupe préféré c’est sûrement Radiohead et ils ont eu une évolution de fou. À chaque fois, ils savent se réinventer et à chaque fois c’est super. Ça m’inspire beaucoup.
LFB : C’est sûr. Mais c’est vrai que c’est toujours un défi de continuer à explorer de nouvelles choses tout en gardant une certaine identité musicale, qui fait que quand les gens entendent un de tes morceaux, ils se disent “c’est Léman”.
Léman : Oui, exactement. Explorer tout en restant soi-même. Sinon on s’ennuie, en fait.
LFB : Je comprends. Merci beaucoup pour ton temps Léman, profite bien du concert ce soir !
Léman : Avec plaisir, merci à vous. J’espère, en tout cas, le but c’est de s’amuser !
Crédits photos : Cédric Oberlin (son Instagram ici)