Rencontre avec Jeanne Côté au bord du fleuve

Cet été, nous avons été invité.e.s à vivre 10 jours exceptionnels au Festival en chanson de Petite-Vallée, en Gaspésie, au Québec. On y a fait tout un tas de jolies rencontres et Jeanne Côté en fait partie. À l’occasion de son passage à Paris pour le festival Avec La Langue et après avoir entendu son sublime nouveau single Le poids, nous avons eu envie de nous replonger dans notre échange estival le long du Saint-Laurent.

Photo : Alexya Croteau-Grégoire

Le Festival en chanson de Petite-Vallée et sa région n’ont pas de secrets pour Jeanne Côté. Bien installée depuis 12 ans à Montréal, elle reste une enfant du pays, issue d’une longue lignée de musicien.ne.s du coin impliqué.e.s dans les festivités. Un grand nombre des festivalier.e.s ont un lien spécial avec Petite-Vallée : une belle petite histoire, un attachement particulier. Pour elle, c’est carrément une affaire de famille : « C’est comme s’il y avait deux Noëls à chaque année, finalement. Le vrai, puis le festival, la version bonifiée, avec tous.tes les ami.e.s qui arrivent à mesure. Pis c’est le fun, parce que les gens reviennent au festival : tu revois les mêmes faces d’artistes d’année en année. Il y a du monde qui revient aussi depuis 25 ans, que je revois chaque année depuis que je suis petite. Ça crée un espèce de sens de la famille, ce festival-là, je pense. C’est fort d’avoir grandi là-dedans quand même. J’ai eu la chance de rencontrer des artistes dès mon plus jeune âge, de voir plein, plein, plein de choses. Pis d’apprendre à me coucher tard!« 


Difficile d’imaginer pouvoir complètement tourner le dos à un tel cadre de vie, même 800km plus loin. Quand elle parle de « recoudre la distance » dans son titre Ouragans, on peut y trouver un clin d’œil à une grande partie de son existence. « Ça fait chier, en fait. J’ai une maison à Petite-Vallée avec ma soeur depuis deux ans, mais j’ai mon permis de conduire seulement depuis six mois. C’était peu pratique pour venir souvent, avant. Mais là, j’aimerais ça justement recoudre la distance puis venir plus souvent. Même si c’est loin. Je suis comme un peu damnée d’être née dans cette région-là qui est si loin de la grande ville, mais c’est ici que je vais revenir pareil. Je ne déménagerai pas dans une autre région, mettons. Mes racines sont ici.« 

En parlant de racines, sa musique trouve les siennes dans le piano. Ultra ancré dans ses compositions, il la suit sans surprises depuis un long moment. Mais avant qu’il prenne tout son sens, il lui a fallu apprivoiser l’instrument seule avant d’explorer son écriture via les ateliers du Festival en chanson de Petite-Vallée : « Ma soeur, qui a 4 ans de plus que moi, prenait des cours de piano dès 3-4 ans. J’ai suivi sa trace quand j’ai eu l’âge aussi. Ce n’était pas la chose qui me passionnait le plus, je le faisais parce que ma soeur le faisait aussi. J’étais un peu inconsciente, finalement : je le faisais de façon automatique. Ma soeur était super bonne au piano, elle était vraiment meilleure que moi. C’était un petit génie. Elle pratiquait beaucoup, donc j’avais moins de temps pour pratiquer de mon côté. Elle est partie faire son secondaire 5 à Montréal quand je suis rentrée en secondaire 1. Là, j’avais la maison pour moi toute seule le soir quand je revenais de l’école. Pis là, j’ai pogné de quoi. Parce que j’ai commencé à pratiquer plus et à devenir meilleure, j’ai commencé à aimer beaucoup ça, le piano classique. J’ai commencé à m’amuser avec mes erreurs aussi. Je me souviens que je jouais des pièces, pis là, je me trompais d’accords mais ça sonnait bien… Et finalement, je partais là-dessus. J’avais la paix pendant 3 heures, mes parents ne revenaient pas tout de suite… J’ai vraiment eu une grande liberté là-dedans. J’ai trouvé beaucoup de plaisir à faire ça. Un été, ils ont ouvert le camp auteur.ice-compositeur.ice-interprète pour ados. On était 5 jeunes ados à s’être inscrit.e.s. Pis les 2 formateurs, c’était Nelson Minville et Patrice Michaud. On était bien servi.e.s quand même, là! J’ai écrit mes premières tounes à ce moment-là, pis ça ne m’a pas lâché. »

L’apprentissage et la création par « l’erreur » la suit encore aujourd’hui : la sensibilité en fil rouge, son approche est intuitive. « Composer, ça met mon cerveau dans un drôle de mode que je ne comprends pas. C’est comme une espèce de flou où je ne sais pas ce que je joue. Je n’analyse aucun de mes accords à part ceux qui sont simples. Je les vois, je sais c’est quoi, mais je ne suis pas en train d’analyser du tout. Je vais vraiment juste avec mes oreilles et mon feeling. Pis souvent, je chante avant de mettre des accords dessus. »

Avec ses collaborateur.ice.s, le processus est le même : iels composent, se trompent mais avancent ensemble : « L’album d’avant, j’avais fait des maquettes piano-voix pis on a monté les arrangements ensemble en improvisant, Arthur avec le drum puis Émilie à la bass. On a improvisé les voix aussi, celles qui sont sur l’album sont souvent des premiers jets. On a essayé de quoi puis on a gardé ça. Je trouve ça vraiment le fun que ce soit spontané, mais des fois j’avais des idées plus claires que ce que j’étais capable de dire. Pis j’ai appris à utiliser Ableton : je me fais des petites maquettes plus claires avec la bass, du drum. On a une idée de ce que j’entends. Après, on peut câlisser ça aux vidanges et tout recommencer à partir de rien! Mais l’idée que j’avais dans ma tête est de plus en plus claire. Il reste toujours un espace pour jouer. Ça reste le fun. La rigidité n’a pas sa place dans mon projet!« 

Au moment de notre rencontre, elle se préparait à ôter son habit de spectatrice pour enfiler celui d’artiste. Quelques heures plus tard, elle s’est en effet produite avec son groupe devant une salle comble et comblée qui l’attendait avec impatience.

La Face B : Tantôt, tu vas jouer un show complet. C’est un peu le show homecoming de cette édition.

Jeanne Côté : Ce n’est pas la première fois. Mais j’avais vraiment hâte de faire ce show-là spécifiquement, en full band à Petite Vallée. J’ai lancé l’album ici, mais c’était en février 2023. Il y a eu la plus grosse tempête de neige de l’année, il faisait moins 40, on était pognés dans une panne d’électricité… On a décalé le show, on a fait le show au camp. Mais même rendu le jour du show, il n’y avait pas d’électricité. 

La Face B : C’était un petit show ambiance médiévale. Retour aux sources. Show concept un peu.

Jeanne Côté : C’est ça! Pis en même temps, on s’est déplacé.e.s, toute le band, en plein hiver. C’était moi qui produisait le show à l’époque, tout était à mes frais. La pire idée! Ça fait que j’avais hâte de le faire pour vrai devant plus de monde, dans un contexte où ce n’est pas l’apocalypse dehors. Ils m’ont souvent programmée au festival même si je voulais attendre d’avoir mon vrai show complet pour venir. Mais Marc-An (ndlr : Marc-Antoine Dufresne, directeur artistique adjoint du fesitval) me trouvait toujours un petit spot pour jouer, ça fait que l’année passée j’ai joué en duo à l’Étoile du Nord à Pointe-à-la-Garde, pis l’année d’avant j’avais fait mon show solo au camp. Cet après-midi, c’est la vraie affaire!

Si sa performance faisait partie de nos préférées du festival, Jeanne a de son côté également eu quelques coups de cœur au niveau de la programmation. Son emploi du temps chargé comportait un séjour aux Îles de la Madeleine qui lui a malheureusement fait manquer le show de Marie-Jo Thério, l’artiste passeure en 2024, mais elle a toutefois pu revenir à temps pour assister à plusieurs shows qui l’ont marquée. Elle nous confie avoir été touchée par les chansons de Belle Grand Fille, impressionnée par l’énergie de P’tit Belliveau et inspirée par la flamboyance de Sheenah Ko.

Retrouvez Jeanne Côté sur Instagram.

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