Kompromat : une conversation autour de PLДYING / PRДYING

Jour de sortie pour Kompromat ! Le projet formé par Rebeka Warrior et Vitalic dévoile aujourd’hui PLДYING / PRДYING. Un second album dont on a eu le plaisir de longuement discuter avec le duo. Avec beaucoup d’humour et de sérieux, on a parlé de tout ce qui le compose de son écriture à son évolution musicale en passant par la production, les featurings et le live.

Crédit : Theo Mercier & Erwan Fichou

LFB : Salut Kompromat, comment ça va ?

Rebeka Warrior : Un peu fatiguée moi.

Vitalic : À force de parler ? Mais sinon ça va.

LFB : J’aimerais revenir douze ans en arrière. Pour moi, La Mort Sur Le Dancefloor, c’est un morceau qui me porte, que j’aime beaucoup et que je continue d’écouter énormément. Je me demandais quel recul vous portiez sur cette première pierre à l’édifice Kompromat, sans même le savoir à l’époque.

Rebeka Warrior : C’est vrai, c’est drôle. Je pense que c’est vraiment un morceau de Vitalic avec moi en featuring. Ensuite, on a affiné. Kompromat, c’est devenu un peu différent. On se connaissait déjà, on avait déjà beaucoup joué ensemble. On commençait à devenir copains et c’est comme ça que ça s’est un peu construit.

LFB : C’est un morceau que vous rejouez et que vous avez retravaillé complètement.

Vitalic : Qui change un petit peu oui.

Rebeka Warrior : Il change de forme. À un moment, il s’appelait le mariage turc. On a changé de nom, on l’a remodelé totalement.

Vitalic : On reviendra peut-être à un mariage turc.

Rebeka Warrior : Ouais, pourquoi pas.

Vitalic : J’y pensais tout à l’heure pendant l’interview précédente, j’ai envie de le re-changer pour la prochaine résidence. Il change tout le temps.

LFB : C’est un morceau en mutation.

Vitalic : C’est un morceau de live, c’est vraiment pour le fun.

Rebeka Warrior : De toute façon, on peut faire un peu n’importe quoi. À un moment donné, on coupe le son : je vois la mort, et ça reprend, peu importe ce que tu mets entre les deux. Les gens reconnaissent le morceau.

LFB : Pour rester sur l’idée du temps, Traum und Existenz a presque six ans. C’est un album qui vit encore super bien. Est-ce que ça vous a surpris que l’album continue à vivre dans la vie des gens alors qu’on est dans une industrie où, malheureusement, tout va beaucoup trop vite ?

Vitalic : C’est vrai que ça va très vite et qu’on n’a plus le temps d’installer les albums comme à mon époque.

Rebeka Warrior : Alors papy ?

Vitalic : Ça fait vieux con (rires). Avant, on laissait un an. Il ne faut pas le voir du côté prétentieux mais par contre, j’avais la conviction que c’était un album qui avait la capacité de rester dans le temps. Évidemment, un son ça vieillit toujours. Il y a ce truc qui se place à côté du flux continu qui ne s’arrête jamais.

Rebeka Warrior : Ouais, il y a un petit pas de côté. Je pense qu’on a toujours bien aimé travailler comme ça. C’est-à-dire plutôt pour la postérité que pour la mode actuelle.

Vitalic : La musique que j’aime, souvent, elle a un truc un peu en dehors du temps. Parfois, un peu dans l’humeur du moment mais souvent ce qui me plaît, c’est quand ça existe par lui-même.

LFB : Ça représente bien Kompromat finalement.

Vitalic : Sans mettre de mot dessus, c’est peut-être notre volonté oui. Il y a un côté festif et hédoniste mais aussi quelque chose de grave. Grave, pas très grave mais un truc comme ça. Et aussi en dehors du flux.

Rebeka Warrior : Il y a un message aussi qui est un peu vital et essentiel. Donc qui va nécessairement dépasser les modes, qui est censé être là pour rester.

Vitalic : C’est un peu philo sans se la péter.

Rebeka Warrior : C’est bien que les gens aient envie de continuer d’écouter.

LFB : C’était peut-être philo sans se la péter parce que c’était en allemand aussi ? Je trouve qu’il y a une évolution intéressante justement sur cette idée où je trouve que l’écriture est beaucoup plus directe sur le nouvel album.

Rebeka Warrior : Ouais. Après, c’est vrai que l’allemand, j’avais besoin de me mettre une barrière à l’époque du premier. L’allemand, ça nous paraissait vraiment niquel.

Vitalic : Le premier était beaucoup plus opaque. Du coup, l’allemand pour l’opacité, ça marche super bien.

Rebeka Warrior : Les paroles du premier sont aussi beaucoup plus opaques. Totalement métaphoriques et psyché.

LFB : C’est peut-être le fait aussi que là, on comprend les paroles.

Rebeka Warrior : En tout cas, peut-être que le discours est sensiblement le même mais je pense que le fait que ça soit anglais et français, ça a peut-être aidé.

Vitalic : Sur la prod’ aussi. Les sons du premier disque sont très vers le bas, très graves et du médium un peu. Là, on a beaucoup plus de nappes, de sons vers le haut. C’est moins grave.

Rebeka Warrior : Même dans le chant, sur Traum und Existenz, limite je ne chante quasiment jamais. Là, il y a plus d’envolées.

LFB : C’est très allemand.

Rebeka Warrior : Ouais, c’est linéaire.

LFB : Quelles étaient vos principales envies quand vous avez commencé à travailler Playing/Praying ?

Vitalic : On ne fait pas de brainstorming.

Rebeka Warrior : On ne sait pas où on va.

Vitalic : On est plutôt : « j’aime bien le synthé, j’aime bien ces sons-là. Écoute ce morceau. » Ça part un peu comme ça.

Rebeka Warrior : Il y a des choses qui nous influencent aussi. On a beaucoup écouté le disque de Rahim, Paranoïa, Angels, True Love. J’adore le film Orphée de Cocteau. On s’accroche à des trucs et petit à petit, ça dessine un disque. C’est vrai qu’à la base, on ne sait pas du tout où on va.

Vitalic : C’est le tâtonnement.

LFB : Du coup, le nom de l’album est bien trouvé parce que finalement, c’est s’amuser pour arriver à un truc qui est presque religieux au final.

Vitalic : Parce qu’on fait les deux. C’est comme imbriqué. Ce côté fête hédoniste et ce côté grave, sérieux, philo qui ne se la pète pas.

LFB : Si je vous dis que pour moi, au-dessus d’autres thématiques qui apparaissent dans l’album, c’est un grand album sur l’amour et le désir, est-ce que ça vous convient ?

Rebeka Warrior : Ah bah oui. Sur le désir oui.

Vitalic : C’est la nouvelle porte qui s’est ouverte.

Rebeka Warrior : Désir c’est bien. Extase aussi c’est vraiment adapté vu que ça correspond autant à la musique, qu’aux concerts et aux paroles.

Vitalic : C’est un mot super en plus.

LFB : Je trouve que c’est une thématique qui traverse vraiment tout l’album. Il y a pour moi l’Amour avec un A majuscule, un truc presque sain.

Rebeka Warrior : C’est ça, l’Amour, le grand amour universel. Il y a beaucoup de ça.

Vitalic : Il y a aussi l’amour chagasse.

Rebeka Warrior : Il y a aussi l’amour chagasse (rires). L’extase, ça peut être une extase en écoutant de la musique mais ça peut-être aussi en regardant la nature. On a tous des moments d’extase hyper forts dans la vie. Là, on avait envie d’en parler, ou d’essayer de les matérialiser même.

LFB : De manière beaucoup plus directe. J’ai l’impression que sur le premier, il y avait limite ce rejet de quelque chose de très quotidien alors que là dans l’écriture, c’est vraiment ce truc de chanter comme si tu parlais. Les mots ont un poids très fort.

Vitalic : C’est vrai.

Rebeka Warrior : J’ai affiné (rires).

LFB : Toi qui est plus du côté de la production et de l’écriture musicale, est-ce que c’est quelque chose qui t’a influencé aussi ? C’est un album qui est très charnel et qui est fait aussi pour impacter le corps dans la musique.

Vitalic : Au début, quand j’ai reçu certaines phrases, certains trucs, sur Vitalic, jamais ça ne passerait. « Je me suis branlé plus de dix fois ».

Rebeka Warrior : (rires)

Vitalic : Quand j’ai reçu ça dans la démo, je me suis dit : « non mais attends, on ne peut pas dire ça, elle est out of control. J’ai des enfants, moi Madame. »

Rebeka Warrior : N’écoutez pas ce qu’elle dit les enfants (rires).

Vitalic : Après, je me suis dit qu’il fallait se laisser aller. Ce n’est pas que ça. Parfois, il y a une petite bombe comme ça. Justement, je me suis un peu lâché là-dessus. J’ai joué le jeu. Au début, j’acceptais mais ça tiquait un peu alors que maintenant… Je t’ai fait répéter « plus de dix fois ».

LFB : Il y a l’écho qui fait un peu le choc.

Vitalic : C’est mon idée.

Rebeka Warrior : Il n’y était pas au début mais à la fin, il a fini par bien kiffer la phrase.

LFB : C’est ça qui est marrant, il y a ce truc de dialogue, le choc de la personne.

Vitalic : C’est ça. Je lui ai dit qu’il fallait faire comme si c’était quelqu’un qui était étonné.

Rebeka Warrior : C’est vrai qu’il y a un étonnement dans les paroles.

Vitalic : C’était moi cette voix-là en fait (rires).

Rebeka Warrior : Mais c’est bien de pouvoir dire ça. Oui, « je me suis branlé plus de dix fois » ou « j’ai avalé tous les poisons ». L’album parcourt vraiment tous les interdits et tous les désirs.

LFB : Il y a un truc presque impudique finalement. Toi, j’ai l’impression que tu es quelqu’un plus d’intérieur.

Vitalic : Je suis hyper pudique. Le mot impudique, c’est le mot parfait parce que ce n’est pas extrême. Ce n’est pas sale mais oui, c’est un peu impudique.

Rebeka Warrior : Juste sur la ligne. Mais là où je trouve que c’est encore moins entendable parce que quand c’est vulgaire premier degré, quand on écoute un Booba ou un Kaaris, c’est vulgaire, point. Mais là, c’est assez métaphorique, assez poétique et tout d’un coup, bam. Tu te prends une tarte.

Vitalic : On ne s’y attend pas, ça fait une petite bombe.

LFB : La crudité peut être impudique.

Rebeka Warrior : Oui, c’est bien d’avoir une petite fléchette empoisonnée. « What ? Plus de dix fois ? C’est beaucoup ! » (rires).

Vitalic : C’est pas mal quand même.

Rebeka Warrior : Tu sais que c’est possible. Pour la petite histoire, on peut se branler plus de dix fois sur l’hymne allemand. (Rires) C’était la suite du truc mais je n’ai pas eu le temps de la caser. On fera un autre album où j’en parlerai.

LFB : On parlait de poisons mais ça vaut aussi sur le côté très percutant de l’album. C’est un album qui percute malgré tout. Même dans la musique, il y a cette envie d’éclater la tête des gens j’ai l’impression.

Vitalic : C’est vrai, c’est moins opaque.

Rebeka Warrior : C’est plus incisif. On a aussi enlevé beaucoup de sons.

Vitalic : C’est plus éclairci, il y a plus d’air.

Rebeka Warrior : On avait des nappes.

Vitalic : Là, on a mis moins de trucs en même temps.

Rebeka Warrior : Ouais, il est encore plus minimal.

LFB : Il y a un côté très pop dans la production je trouve.

Vitalic : Ouais, assumé.

LFB : Il n’y est pas agressif. C’est entendable et agréable à l’oreille.

Rebeka Warrior : C’est ça. Le premier était vraiment très deep et là, je pense qu’on s’est plus ouverts à la pop.

Vitalic : Dans le premier, il y a Herztod qui est super dur. On n’a pas fait de morceau aussi dur que ça sur celui-ci.

Rebeka Warrior : On a fait Heartbreak qui est quand même bien violent.

Vitalic : Oui mais il est drôle.

Rebeka Warrior : Il y a du second degré alors que je pense que le premier, il l’est beaucoup moins.

LFB : C’est peut-être une réponse de l’époque aussi. On vit dans une époque tellement désespérée qu’on a peut-être besoin aussi de quelque chose comme ça.

Rebeka Warrior : De prendre un peu de distance, de dire que votre monde ne me concerne plus (rires).

LFB : C’est intéressant dans le titre de l’album et même dans la pochette où vous êtes des espèces d’ombres un peu masquées du réel.

Rebeka Warrior : Pour la pochette, les clips et toutes les images qui vont venir, on s’est beaucoup inspiré d’Orphée de Cocteau. Justement, c’est comme dans les paroles mais en visuel. Il y a beaucoup d’images surréalistes avec des gens qui traversent des miroirs avec des gants. Il y a tout un monde onirique qui est vraiment… J’adore.

LFB : Il y a un côté très steampunk aussi, médiéval futuriste.

Rebeka Warrior : C’est ça, je trouve ça assez fun.

LFB : Il y a une autre évolution hyper intéressante sur l’album, c’est d’amener des voix qui créent un dialogue.

Rebeka Warrior : Totalement.

LFB : Avec Vimala, Sonia et des featurings un peu plus installés. Il y a ces personnes-là qui reviennent et j’ai l’impression qu’elles sont un peu des échos à ce que tu racontes et des réponses fantomatiques.

Vitalic : C’est totalement ça.

Rebeka Warrior : Totalement. Je voulais faire la voix du présent. Vimala, la voix du passé et Sonia, la voix du futur.

Vitalic : Il y a des récurrences entre les morceaux.

Rebeka Warrior : Comme ça, ça revenait. Dès que j’avais un truc à dire mais que c’était la voix du futur qui le dit, hop c’est Sonia qui le chante. Je trouvais ça hyper écrit à la base. Il fallait le faire comme ça.

LFB : C’est presque un film en fait.

Vitalic : C’est très narratif oui. Même dans les morceaux, c’est déjà un mini-film dans le morceau.

Rebeka Warrior : C’est vrai.

Crédit : Theo Mercier & Erwan Fichou

LFB : Ce qu’il y a d’intéressant, c’est que tu peux prendre chaque morceau indépendamment mais si tu dézoomes et que tu regardes l’album dans son entièreté, il raconte quelque chose de très clair, avec des récurrences et des échos d’un morceau à l’autre.

Rebeka Warrior : Le titre synthétise vraiment bien tout l’album. En deux mots, tu as toute l’ossature du disque qui est dessinée.

LFB : C’est intéressant parce qu’on voit le rapport au jeu mais le rapport au religieux, il est où ? C’est limite profane sur certains trucs.

Rebeka Warrior : En fait, la prière, ce n’est pas forcément religieux. C’est spirituel mais on prie tous, que ça se passe bien. On prie pour nos proches. Ce n’est pas forcément lié à la religion. C’est plus une communion avec le public et les gens qui écoutent la même chose. C’est un jeu d’aller jouer ce truc-là et de tous espérer ensemble.

LFB : Le live a toujours été un truc important et vital.

Vitalic : Ouais, on est deux artistes de concert, de live.

Rebeka Warrior : On adore ça.

LFB : L’autre dialogue que j’ai vu dans l’album, c’est que j’ai l’impression que le texte dialogue avec la musique. C’est justement hyper important que la musique ne soit pas là forcément que pour souligner ce que raconte le texte ou inversement. Qu’il y ait des discussions entre les deux.

Vitalic : Sur le morceau avec Rahim, j’ai vraiment fait comme ça. Il y a vraiment les synthés qui répondent aux voix.

Rebeka Warrior : J’aime bien cet aller-retour.

Vitalic : On s’est vraiment pris la tête sur les voix.

Rebeka Warrior : Ouais, mais sur tout un peu.

Vitalic : On avait deux mille pistes de voix.

Rebeka Warrior : J’aime bien. Je compose vraiment une basse, une snare, un kick, mille voix (rires).

Vitalic : Découpées en mini-bouts. Je devenais fou.

Rebeka Warrior : J’aime bien le travail des voix. Après, les voix sont aussi musicales donc il y a toujours des allers-retours entre la composition.

LFB : Il y a des plages instrumentales dans l’album aussi qui permettent à la musique de parler.

Rebeka Warrior : C’est ça.

Vitalic : Elle est chanteuse mais pas que. Tu aimes les synthés, tu aimes les textures.

Rebeka Warrior : J’aime surtout composer. Après je n’aime pas la même patte de production que toi mais pour aller avec les voix, j’aime bien composer.

Vitalic : Elle ne cherche pas à occuper l’espace à tout prix avec les voix.

Rebeka Warrior : C’est vrai que le vernis des derniers synthés etc… je te laisse faire.

LFB : Pour rester sur le côté playing, c’est aussi un album qui est aussi très divers musicalement. Autant sur le premier, il y avait une patte très stricte. Autant là j’ai l’impression que vous vous êtes autorisés à vous amuser.

Vitalic : Peut-être qu’il est un peu moins compact.

Rebeka Warrior : Il est playing.

Vitalic : Le morceau avec Rahim est presque funk. On a des bretonneries, des boucles disco.

Rebeka Warrior : Ce qu’il appelle les bretonneries, ce sont les ritournelles.

Vitalic : C’est un peu plus large que le premier oui.

Rebeka Warrior : Je trouve ça assez juste. Le premier était très strict. C’est ce qu’on voulait.

Vitalic : Sobre, opaque et strict.

Rebeka Warrior : Ça ne rigolait pas du tout. Là, on a plus envie de jouer. C’est compris dans le titre.

LFB : Le premier a été un album fait avant le live finalement. Donc forcément, cet album vient aussi de cette expérience live.

Vitalic : On entend le live un petit peu dans cet album oui.

Rebeka Warrior : C’est vrai, on a pris le pli de jouer ensemble.

LFB : Sur un premier album, si tu n’as pas joué avant, tu arrives et tu te dis que les trucs ne marchent pas en live alors que là, on sent que le truc est pensé pour avoir de la variété, des montées, des breaks, des choses qui sont faites en pensant à cette idée.

Vitalic : On se connaissait en live donc c’est vrai que ça a eu un impact.

Rebeka Warrior : Clairement. GOD IS ON MY SIDE.

Vitalic : C’était clairement prévu pour.

LFB : Je trouve que c’est un morceau qui est hyper important sur l’album.

Vitalic : On est d’accord avec toi.

LFB : Pour moi, il n’est pas placé au milieu par hasard. C’est un morceau un peu highlight de l’album. C’est aussi le morceau le plus long. J’ai vraiment l’impression qu’il représente aussi ce que vous avez voulu faire dans l’album. C’est un morceau qui évolue, qui vient, qui repart, qui s’arrête.

Vitalic : En live, on adore le jouer. Ces moments-là où on laisse parler les synthés. On improvise et on se laisse aller, c’est vraiment super.

Rebeka Warrior : Et puis ce sont les moments de boucle où on peut entrer en transe. On savait en prod’ qu’en live, il allait y avoir différentes boucles de voix qui feraient que ça allait pouvoir durer vingt minutes.

Vitalic : On joue longtemps, très fort, avec du strob’ à fond. Pour ceux qui ont avalé tous les poisons.

Rebeka Warrior : C’est aussi le moment du live où il y a le K qui descend. C’est le seul moment où il y est donc ça fait une petite apparition. Un petit clin d’œil.

LFB : Je le trouve hyper surprenant dans l’album. J’ai l’impression aussi qu’il coupe l’album en deux en termes d’histoires.

Vitalic : Je n’ai plus la setlist de l’album en tête.

Rebeka Warrior : Oui on a la setlist live en tête.

Vitalic : Tu connaissais Farah ? On est fan d’elle.

Rebeka Warrior : Elle fait quatre morceaux.

Vitalic : Elle ne fait que des trucs où elle parle de Dieu mais avec des morceaux qui durent des plombes. Quatorze minutes ou des choses comme ça. On l’écoutait beaucoup en tournée pour le premier album.

Rebeka Warrior : Into Eternity.

Vitalic : À donf. Et là, on s’est dit qu’on allait la contacter.

Rebeka Warrior : Elle répète toujours les mêmes choses et au fur et à mesure, on a des hallucinations auditives et on ne sait plus ce qu’elle dit. Into Eternity, c’est vraiment ça.

Vitalic : Elle change de mots en plus. Tu te demandes ce qu’elle vient de dire exactement.

Rebeka Warrior : Ça en live, on recherche beaucoup.

LFB : Ce sont des featurings qui nourrissent l’album. Parfois, il y a des noms qui sont mis pour mettre des noms sur certains albums et ça se voit tout de suite.

Rebeka Warrior : Là déjà il y a deux inconnus : Sonia DeVille, qui est gynécologue donc elle ne va pas ramener trop de gens.

LFB : Rahim, il y a quand même plein de gens qui doivent le vouloir.

Rebeka Warrior : Rahim c’est un autre genre oui. On l’a appelé pour ce disque Paranoïa, Angels, True Love qui était vraiment en phase avec ce qu’on était en train d’écrire. Le moment où il a fait ce disque, on était en train d’écrire le nôtre et ça répondait totalement. Voilà pourquoi.

Crédit : Theo Mercier & Erwan Fichou

LFB : Il y a un autre morceau qui m’intéresse, c’est celui qui termine l’album. Il m’a énormément fait penser à Ghost In the Shell.

Rebeka Warrior : Ça c’est le petit côté papounet.

LFB : Même dans les ambiances steampunk dont on parlait avant, ce côté transformation est très présent sur ce morceau-là.

Rebeka Warrior : C’est le genre de truc qu’on peut écouter chez nous quand on est tout seul. C’est le genre de musique que j’adore écouter.

Vitalic : Avant que ça sorte, mon studio est sous mon appart, je faisais des écoutes avec des gens et tout le monde hallucinait. C’est ça que je cherchais. C’est une version édulcorée par la censure.

Rebeka Warrior : Ouais, c’était vingt-cinq minutes au début. On aurait eu un triple vinyle (rires).

LFB : Ce morceau est intéressant parce que je trouve qu’il appelle une autre question qui n’est pas forcément par rapport à l’album mais par rapport à Kompromat. Vous avez tous les deux récemment refait des bandes originales de films. Justement, comment est-ce que ce côté-là qui est complètement différent d’un album de musique électronique ou de pop, nourrit votre musique et inversement ?

Rebeka Warrior : C’est vrai qu’un morceau comme IA, on fait exactement ce qu’on a envie. Tout est possible. La musique de film, ce n’est pas forcément calé pour être pop avec des refrains, etc. Il y a un petit pont avec ça.

Vitalic : Moi je ferais bien un album uniquement avec des trucs comme ça.

Rebeka Warrior : Moi aussi.

Vitalic : Si j’avais les cojones, je ferais un album avec des trucs comme ça.

Rebeka Warrior : Si tu veux le prochain, on fait ça.

LFB : Tu peux t’inventer un quatrième alias aussi.

Vitalic : Un truc assumé. Souvent, je vois des albums passer un peu de musiciens qui se font un petit délire comme ça, mais ça ne va pas vraiment au bout. Ce n’est pas hyper convaincant. Surtout que maintenant tu peux produire cette musique-là hyper rapidement. Avec les softwares, les trucs aléatoires, ça peut aller ultra vite.

Rebeka Warrior : Il y a des albums comme ça qui sont magnifiques. Ça sera peut-être l’occasion de faire un album plus discret. Je suis assez pour.

Vitalic : Non mais tu fais avec un live électronique comme ça, pas dansant.

Rebeka Warrior : Une sieste électronique.

Vitalic : Je te connais, ça finirait « et dans la mort ».

Rebeka Warrior : (rires)

LFB : C’est aussi une musique qui amène des images. Ce morceau amène quelque chose.

Vitalic : J’ai toujours fait, dans mes albums, des trucs à image. J’ai toujours fait des berceuses pour enfants. J’ai toujours un morceau comme ça.

Rebeka Warrior : Il a raison, et c’est souvent le morceau que je préfère de tes disques. Le petit moment un peu réconfortant.

Vitalic : Tu n’aimes pas mes tubes ? « Non je préfère les faces B ». Ce sont des petits trucs très personnels en fait.

Rebeka Warrior : Je suis assez fan.

LFB : Je t’ai donné une idée de prochain album.

Vitalic : Ouais.

Rebeka Warrior : (rires).

LFB : Ça peut être une idée, tu le joues devant des gens assis.

Vitalic : Dans le noir, pourquoi pas.

Rebeka Warrior : Non mais ça ce sont les siestes électroniques. Ça existe déjà les enfants. Ce qu’il y a, c’est que tu vas faire une tournée à quatre dates quoi (rires).

Vitalic : Il faut que je revende l’appartement. On va jusqu’au bout de notre truc, on est des artistes.

LFB : En parlant de live, lorsqu’on fait un projet qui est malgré tout assez radical et personnel, est-ce que ça surprend de voir qu’il y a déjà toutes les dates qui sont complètes alors qu’il n’y a que deux morceaux qui sont sortis ?

Vitalic : C’est super.

Rebeka Warrior : C’est tellement bien un truc comme ça.

Vitalic : C’est vrai que c’est cool d’être radical, de ne pas avoir de tubes radio. C’est super de voir que le public suit.

Rebeka Warrior : J’adore cette expression « à guichets fermés ». Vraiment, si on peut faire deux ans comme ça…

LFB : Il me semble que quand vous lancez l’Olympia, il n’y a même pas de morceau sorti.

Rebeka Warrior : Non, il n’y a qu’une photo. On a rempli l’Olympia avec une photo.

LFB : Du coup, tu te dis que l’impact du premier album sur les gens est là aussi. Ils font confiance à votre groupe.

Rebeka Warrior : Oui parce qu’on l’a rempli en 24 heures quand même. Je ne pensais pas du tout ça.

Vitalic : Notre tourneur pensait une semaine. On a eu des débuts qui n’étaient pas foufou.

Rebeka Warrior : Moi j’étais en guenilles, avec des sabots (rires).

Vitalic : Moi j’étais les pieds dans la neige en Bourgogne (rires). Le remplissage n’était pas foufou au début. Il a fallu qu’on donne un peu de nous-mêmes sur la promo et tout. Après, la réputation a grandi comme ça et au moment du Covid, on avait 40 dates. Là par contre, on commençait vraiment à être avec un très bon remplissage et à avoir une bonne réputation live.

Rebeka Warrior : C’est vrai qu’au début, ce n’était pas immédiat. Là, la deuxième tournée, c’est d’autant plus surprenant et cool.

LFB : Je me souviens vous avoir vus aux Nuits secrètes, je m’étais pris une bonne tarte.

Rebeka Warrior : J’adore ce festival.

Vitalic : C’est un peu la maison.

LFB : Vous avez fait un crashtest aux Arte Musique Festival.

Rebeka Warrior : Ouais, complètement. Tout à l’heure, quelqu’un nous a dit qu’on avait fait un live filmé sans avoir sorti d’album.

LFB : Comment vous l’avez vécu ?

Rebeka Warrior : On a adoré.

Vitalic : Ouais. Au début, on était là « oh mon dieu, on a joué que trois fois, pourquoi on a fait ça ? ».

Rebeka Warrior : Et puis après, on a fait ce qui s’appelle du travail (rires).

Vitalic : On s’est dit que s’il y avait des problèmes, ça serait comme ça et c’est tout.

Rebeka Warrior : On a vachement bossé aussi, il faut le dire. Du coup, on était super prêts.

Vitalic : Je ne suis pas hyper à l’aise avec les télés et tout, alors que là, tu le fais et c’est tout.

LFB : Surtout que ce sont des vrais gens devant. Ce n’est pas une télé où il n’y a pas de public. Puisqu’il n’y a pas de morceaux qui sont sortis à ce moment-là, est-ce que vous regardez la réaction des gens ?

Vitalic : Quand même ouais.

Rebeka Warrior : Ouais quand même. Moi je découvre pendant cette date-là que je découvre les caméras aussi (rires). Je t’ai regardé et je t’ai dit « putain j’adore ça ». Je me suis beaucoup amusée.

LFB : À refaire.

Vitalic : Maintenant on est prêts.

Rebeka Warrior : TF1 on attend l’appel.

Vitalic : T’imagines nos gamins qui nous disent « oh je vous ai vus sur un truc Kompromat ».

Rebeka Warrior : (rires) Mais ça se fait. Le premier album est pas mal chanté en cours d’allemand. Cours de musique ou études en allemand, il y a plein de profs qui m’ont envoyé des trucs.

LFB : Vous vous appelez Kompromat. C’est un terme du KGB. Je me demandais si vous aviez un dossier sur l’autre à nous confier.

Rebeka Warrior : (rires) On a tellement de dossiers.

Vitalic : On ne peut pas.

Rebeka Warrior : On ne peut pas, on ne les dévoilera jamais.

Vitalic : Par contre, si tu regardes mon téléphone… (rires)

Rebeka Warrior : Par contre, si tu insistes… (rires) On a des dossiers, c’est sûr.

Vitalic : On a essentiellement des moments de queue-leu-leu.

Rebeka Warrior : Surtout des dossiers de queue-leu-leu je dois avouer.

Vitalic : On s’amuse beaucoup. On est bosseurs et en même temps assez gamins.

LFB : C’est un binôme qui s’est bien trouvé.

Vitalic : Ça marche oui.

Rebeka Warrior : C’est assez surprenant parce qu’avec la musique qu’on fait, on pourrait croire qu’on est assez taciturnes. On envoie une image plutôt sérieuse.

Vitalic : Quand on fait les choses, on les fait sérieusement quand même. On est impliqués.

Rebeka Warrior : Ouais, mais on adore se déguiser aussi.

Vitalic : On adore les queue-leu-leu.

LFB : Il faut en lancer une sur l’un de vos concerts.

Rebeka Warrior : (rires) Sur l’un de mes DJ set où je jouais vraiment très hardcore, il y a notre tourneur qui a lancé une queue-leu-leu aux Vieilles Charrues. Je me souviens de ce moment, c’était très très drôle. Donc fais-toi plaisir.

LFB : Si vous deviez placer Playing/Praying à côté d’un album, d’un livre et d’un film, vous choisiriez quoi ?

Rebeka Warrior : Film : Orphée de Cocteau.

Vitalic : Un truc de Daft.

Rebeka Warrior : Ouais, je mettrais bien aussi Depeche Mode. En livre…

Vitalic : La Bible.

Rebeka Warrior : (rires) Je vais m’étouffer. Excellent. Oui, la Bible.

LFB : L’album risque de brûler.

Rebeka Warrior : J’ai la Bible rangée par mots, par ordre alphabétique. Tous les mots avec le nombre de fois où ils sont dits. Du coup, c’est un bouquin génial. Ça ressemble à un dictionnaire mais c’est la Bible rangée dans le désordre.

LFB : C’est quoi le mot le plus dit ?

Vitalic : « Dieu ».

Rebeka Warrior : Je ne suis même pas sûre. Je pense que c’est « non », tout est interdit.

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