François & The Atlas Mountains : « Âge Fleuve est un parcours continu dans le passé, le présent et le futur »

Quatre ans après Banane Bleue, François Marry aka Frànçois & The Atlas Mountains nous revient avec un nouvel opus intitulé Âge Fleuve. Pour cet album, il a quitté Domino, le label anglais de ses débuts, pour signer chez Infiné, l’incontournable label français qui réunit au sein de son incroyable catalogue autant d’artistes que de coups de cœur musicaux.

Dans Âge Fleuve, on retrouve l’élément qui lui est précieux depuis tout temps. L’eau source de la vie. « Be Water ». Elle nous désaltère, nous lave, nous rassure, nous transporte.

Frànçois & The Atlas Mountains : « Âge Fleuve est un parcours continu dans le passé, le présent et le futur »
Crédits Photos : Marco Dos Santos

L’eau est aussi mystérieuse. En nous immergeant, elle permet de cacher nos sentiments. On lui prête même des qualités quasiment humaines, une conscience, une mémoire. A la fois douce et puissante, elle est insaisissable et changeante. Une fascination pour l’eau qui permet à François d’aborder les thèmes de la fluidité de nos sentiments, du passage du temps et des souvenirs enfouis ou émergents.

Les dix morceaux qui composent l’album sont autant d’invocations de ces ressentis. Simples et complexes à la fois, assurément humains. Des impressions qui deviennent nôtres, emporté par la poésie des textes et l’élégance des lignes harmoniques.

A quelques jours de la sortie de son nouvel album, Âge Fleuve, nous sommes allés à la rencontre de François Atlas.


La Face B : Comment vas-tu ?

François : Ça va bien. Je suis content de travailler avec Infiné et d’avoir une petite émulation de sortie. Ça fait plaisir. C’est comme une sensation de partir en colonie de vacances. Le fait de s’embarquer dans une aventure commune, c’est en soi une bonne sensation.

La Face B : On sent Infiné proche de ses artistes. Et d’ailleurs, tu vas participer prochainement à un club Infiné délocalisé en Allemagne.

François : Oui, début mars à Berlin.

François Atlas : « Âge Fleuve est un parcours continu dans le passé, le présent et le futur »

La Face B : Ton album – Âge Fleuve -va sortir tout prochainement. Comment pourrais-tu le caractériser ?

François : Âge Fleuve est un courant que l’on peut prendre dans les deux sens. Ça me permet de poursuivre mon chemin en proposant une musique qui se renouvelle tout en restant authentique à ses intentions premières. C’est un album qui remonte le courant aussi. Il explore pas mal de souvenirs. Autant d’endroits d’où je viens que d’endroits où il me mène. Les années à Bristol, les années à Bruxelles, les années sur la route à faire de la musique. Et aussi mon histoire familiale, peut-être même des histoires familiales qui me sont inconnues, qui remonteraient à mes ancêtres et qui se retrouveraient dans mes veines. Âge Fleuve est un parcours continu dans le passé, le présent et le futur.

La Face B : Tu as composé les chansons présentes dans Âge Fleuve à la suite de ton précédent album Banane Bleue ou t’es-tu appuyé sur des travaux plus anciens ?

François : Il y avait principalement des choses entamées avant et disons peut-être un quart qui est venu durant les quatre dernières années. J’avais beaucoup de morceaux dans ma besace [Rires]. J’avais beaucoup de morceaux dans mon sac à morceaux.

La Face B : Et ils ont mûri après la tournée qui a suivi la sortie de Banane Bleue.

François : C’est cela. Même au moment de la conception de Banane Bleue, il y a beaucoup de morceaux présents aujourd’hui sur Âge Fleuve qui étaient déjà là, sans avoir trouvé alors leurs aboutissements.

La Face B : Dans Banane Bleue, tu avais été plus dans l’expérimentation ?

François : Non je ne crois pas, même si je suis toujours ouvert à l’expérimentation. Jaakko Eino Kalevi qui a produit Banane Bleue était dans un son, une méthode, des rythmes propres à lui. Une pop synthétique un peu acidulée, assez légère. J’ai pris le matériau que j’avais et qui fonctionnait le mieux avec lui. Pour Âge Fleuve, je disposais de plein de morceaux qui avaient trouvé leurs formes avec le groupe. Finalement, les histoires de vie font que le groupe qui a tourné sur Banane Bleue n’a pas perduré. Quand j’ai commencé à collaborer avec Siau qui a réalisé Âge Fleuve, j’ai senti – pareil – qu’il avait une manière de faire qui lui était propre. Aussi, j’ai choisi les morceaux qui fonctionnaient le mieux avec lui.

La Face B : Sachant que l’on retrouve toujours la patte de François and the Atlas Mountains, que ce soit au niveau du rythme ou de la voix.

François : Je leur impose une signature. Les paroles, quelques idées de sons aussi. C’est vrai qu’il y a des sons qui reviennent souvent comme de petites notes de piano qui s’égrènent dans des réverbérations, des échos.

La Face B : À leurs écoutes, on a l’impression qu’ils sont très simples, mais non simplistes. Structurellement, la manière dont tu façonnes les morceaux est plus complexe qu’elle en a l’air.

François : Tant mieux. La vision d’ensemble est assez claire et, quand on regarde de plus près, on distingue les satellites et les flux qui gravitent autour.

François Atlas : « Ce sont des souvenirs qui surgissent comme des invocations »

La Face B : Les sujets abordés ne sont pas nécessairement joyeux, mais tu les traites de sorte qu’ils nous semblent presque joyeux.

François : Le morceau Party écrit – comme la fête en anglais avec un « Y » – est aussi une célébration de la perte, des échecs, des déceptions. Grâce au temps qui passe, ce sont des choses que l’on peut (même si l’on n’est pas obligé de le faire) embrasser comme un ressort à la joie.

La Face B : Ce qui confère à ce disque une forte composante mémorielle.

François : Ce sont des souvenirs qui surgissent comme des invocations. Des images qui viennent. Parfois, ces images font écho à des choses que j’ai vécues. Pour d’autres, j’ai l’impression qu’elles font partie d’un inconscient collectif. Je ne sais pas si cet inconscient provient d’une mémoire cellulaire de mes ancêtres ou d’une chose qui se situerait entre ce que je perçois du monde et ce que les autres perçoivent du monde. Cet entre-deux venant nourrir l’imaginaire qui m’imprègne.

François Atlas : « J’ai beaucoup d’admiration pour eux. »

La Face B : Dans cet album, tu as aussi le plaisir de partager certains morceaux avec d’autres musiciens.

François : J’ai eu beaucoup de chance de connaître ces individus inspirants, authentiques et généreux. Je suis très fan de ces trois artistes-là. On a fait des bouts de chemin ensemble, parfois parallèles, mais s’inscrivant dans la durée. Ils ne sont pas nés de la dernière pluie.

La Face B : Tu les connais depuis longtemps ?

François : Oui, au minimum 12 ans.

La Face B : Comment les as-tu rencontrés ?

François : Avec Rozi [Plain], on s’est rencontré à Bristol il y a 22 ans. Thomas de Pourquery, c’était sur un projet collectif avec plusieurs musiciens/musiciennes au Maroc il y a12 ans. Et Malik [Djoudi], je l’ai rencontré il y a une quinzaine d’années. Il commençait son projet, nous aussi. Enfin… Je n’étais pas sur mes vrais débuts, mais plutôt sur mes débuts « français » après être revenu de Bristol. J’ai beaucoup d’admiration pour eux. Je ne sais pas si c’est mutuel, mais, en tout cas on communique facilement.

La Face B : Malik Djoudi était proche aussi géographiquement de toi.

François : Oui, il est de Poitiers. J’ai grandi à Saintes. On a partagé ces mêmes paysages avec leurs lumières un peu pâlies par l’humidité des champs. On a aussi l’île d’Oléron en commun. C’est un endroit qu’il aime bien.

La Face B : Et il y a des évènements pour vous réunir, comme le Coconut Festival à Saintes.

François : Des lieux aussi, comme le TAP ou le Confort Moderne. Ce sont des endroits importants à Poitiers.

François Atlas : « L’eau est un peu partout. Elle a baigné tous mes disques »

La Face B : On retrouve dans Âge Fleuve de manière omniprésente l’élément liquide, l’eau. C’est quelque chose qui te suit. Tu chantais déjà Je suis de l’eau sur ton album Plaine Innondable il y a déjà 15 ans.

François : L’eau est un peu partout. Elle a baigné tous mes disques. Cette accroche est en fait plutôt l’inverse d’une accroche. C’est une sensation de glisse. Une sensation de courant, de flux. C’est là où je me sens le plus juste. Pour moi cette circulation représente l’authenticité première. L’eau nous permet de vibrer, on est fait de ça. Elle représente une des origines de la vie. Et c’est un élément qui me régénère. Qui me lave, tout simplement.

La Face B : Tu ouvres ton album Âge Fleuve par Où mène la nuit. Un morceau qui, malgré son titre s’avère solaire.

François : C’est le seul enregistrement qui retrace l’énergie du groupe live qui m’a accompagné sur Banane Bleue, avec Laura [Etchegoyhen], Romain [Vasset] et Lucien [Chatin]. On vient de fêter les 10 ans de l’album Piano Ombre mais Âge Fleuve était déjà enregistré à ce moment-là. C’était plus une parenthèse. La manière dont j’ai pu glisser dans ma créativité d’une période à l’autre, le dernier boost que j’ai eu c’était avec eux. On avait énormément travaillé sur des morceaux pour ce nouvel album. Finalement, c’est un peu le seul qui a été gardé de ces enregistrements. Donc c’était bien de commencer l’album par ce morceau. Effectivement, il y a un roulement rythmique qui permet de rentrer. Toi qui nous as vus en live plusieurs fois, tu sais à quel point rythmes et énergie sont essentiels.

La Face B : Et tu refermes ton album – avec ta chanson avec Rozi Plain, Rappelle-toi – d’une manière mélancolique.

François : Très simple, très épuré. C’est un morceau assez étrange pour moi parce que je n’en ai pas composé la musique. Il s’agit du seul morceau de tous mes albums que je n’ai pas composé. C’est une composition au piano de Siau que j’aimais bien. Il n’y avait pas de paroles. L’album étant sur le passage du temps, ça m’a paru évident d’évoquer un souvenir. Le souvenir d’une période vécue en Angleterre. Je souhaitais le chanter avec quelqu’un. C’était tellement évident de le faire avec Rozi. Le morceau parle de lui-même.

Crédits Photos : Marco Dos Santos

François Atlas : « À nous de créer notre terrain de jeu »

La Face B : Ton album sort le 31 janvier. Je suppose que tu te projettes dans la tournée qui va suivre. Comment Âge Fleuve va prendre vie en live ?

François : Pour moi, c’est juste un matériau de départ. Tu comprends nos lives donc je n’ai pas trop besoin de te l’expliquer. Pour moi, c’est un moment de vie à soi qui se sert du tremplin promotionnel de l’album et du matériau musical d’un album. Mais, il y aura également des morceaux plus anciens et aussi de nouveaux morceaux. L’idée est de trouver le groove commun au nouveau groupe que l’on constituera avec Colin [Russeil] à la batterie et aux chœurs et Laure Sanchez à la basse et aux chœurs. À nous de créer notre terrain de jeu.

François Atlas : « C’est aussi une chance énorme de pouvoir renouveler son propos »

La Face B : Vous serez donc trois ?

François : Oui en trio. C’est assez excitant parce que cela laisse une place encore plus grande à la voix, au chant. Ça va être pas mal pour délivrer les textes, les paroles, explorer les thèmes de morceaux. Cela crée une musique très furtive, très agile. Je suis très excité par ce nouveau chapitre. Cela peut paraître frustrant quand on a construit une manière de jouer avec d’anciens musiciens/musiciennes de ne plus pouvoir la faire fructifier avec eux. Mais c’est aussi une chance énorme de pouvoir renouveler son propos.

La Face B : Donc guitare, basse, batterie. Pas de claviers ?

François : Il y aura des sons que l’on enverra avec des machines. Mais le principal sera dans le Power trio.

La Face B : Priorité aux sons organiques.

François : Oui, je pense. À voir, on est encore aux prémices. Il faut trouver le feeling qui nous accompagnera.

La Face B : Pour ce nouvel album, tu as rejoint Infiné que tu connaissais aussi au travers de collaborations antérieures que tu as pu faire.

François : Oui avec Lucie Antunes, Rone et Seb Martel en live. C’est le bon équilibre entre travailler avec des personnes nouvelles et se sentir dans une familiarité qui met en confiance.

François Atlas : « c’est la promesse de rencontres artistiques assez chouettes »

La Face B : Et quelles sont tes attentes d’Infiné ?

François : Je trouve déjà incroyable que cela puisse exister encore. Une équipe somme toute assez nombreuse qui peut défendre de la musique indépendante, alternative et inventive. Donc, c’est top. Et puis, ils ont un réseau qui est plus français que Domino. Et là, j’ai rencontré également UTO qui sont chez eux. Donc, c’est la promesse de rencontres artistiques assez chouettes. On va jouer aussi avec Léonie Pernet à Berlin, j’aime beaucoup Léonie.

La Face B : Infiné concentre un ensemble d’artistes très intéressants. C’est assez incroyable. On pourrait parler également des O’o qui ont un très beau et singulier projet.

François : Je connais bien aussi Gaspar Claus qui est chez eux. Je suis très curieux de voir comment tout ça va naviguer.

La Face B : Gaspar Claus que l’on a vu cet été à la Fondation Carmignac dans le cadre du festival Jazz à Porquerolles. Une nuit blanche – il a joué son album Tancade à quatre heures du matin jusqu’aux prémices de l’aube. Accompagné par les bruits de la nuit, c’était magique. Tu avais déjà collaboré avec lui.

François : Oui pour l’album sur Baudelaire [Les Fleurs Du Mal]. On avait fait un morceau ensemble. Et puis on avait aussi joué ensemble avec Rone.

La Face B : Et si on se projette dans le futur, que pourrait-on te souhaiter ?

François : On pourrait se souhaiter à tous que le live de groupes alternatifs perdure et ne perde pas en intensité vu le contexte actuel de la place de la musique indépendante dans nos contrées. J’espère pouvoir jouer un maximum en concert. J’espère qu’Âge Fleuve trouvera son élan pour garder le label motivé et l’auditeur curieux.

Crédits Photos : Marco Dos Santos

La Face B : Et tu as envie de parcourir d’autres chemins que tu n’as pas encore explorés ?

François : Il y a toujours des choses que j’aimerais faire. J’ai travaillé sur Yves Bonnefoy l’an dernier. J’avais créé un spectacle musical à la Maison de la Poésie. Je ne l’ai pas vraiment enregistré. Je me pose la question de la pertinence d’un objet autour d’un poète aussi peu connu. Et puis on avait fait un album de Park [avec Lysistrata] en 2021/2022. On est resté en contact. J’aimerais bien remettre le couvert avec eux.

Et puis, je collabore avec Fred Soulard a un projet plutôt musique ambient/électronique qui s’appelle Get High. Sinon, j’ai quelques autres trucs ponctuels qui vont – je pense – beaucoup me satisfaire. Je fais en mars un duo avec Anne Paceo qui est une batteuse incroyable. C’est un duo improvisé pour un spectacle de cirque à Bagneux. [Réservations ici]

Donc, plein de petits projets. Mais je souhaite que cet album fonctionne assez pour continuer. Quand ça marche, cela rassure énormément les programmateurs, les labels. Et cela met un peu de beurre dans les épinards.


Frànçois & The Atlas Mountains sera en tournée à Biarritz le 28 février, à Berlin pour un club Infiné le 3 mars, à Angoulême le 22 mars, à Hyères le 3 avril, à Londres le 10 avril, à Bristol le 11 avril, à Lille le 17 avril, à Toulouse le 15 mai, à Bordeaux le 17 mai, à Bruxelles le 21 mai, à Lyon le 24 mai et à Paris (au Trianon) le 25 novembre. D’autres dates (et autant d’occasions de le retrouver sur scène) seront – nous n’en doutons pas – programmées.

Replongez sur la Face B dans la chronique et l’interview de Frànçois & The Atlas Mountains pour son précédent album Banane Bleue
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