Pour nos lecteurs les plus assidus, plus besoin de vous présenter Ojos. Pour les plus récents, on revient sur les grandes lignes : Ojos, c’est un duo. Celui formé par les Lyonnais Elodie Charmensat et Hadrien Perretant. Ils ont commencé sous le nom d’Holy Two pour finalement se rebaptiser Ojos. Après Volcans, premier EP sous ce nouveau nom en 2021, sortait Discipline :’) leur second EP en 2023, Elodie et Hadrien passent la vitesse supérieure en enclenchant le format album. Ainsi 2025 voit naître OUI FUTUR chez Yotanka. En attendant de les retrouver au Trabendo le 5 février prochain, retour sur cet opus aux 12 morceaux.
En espagnol, Ojos signifie autant Yeux qu’Attention lorsqu’il est écrit au singulier. On aurait tendance à vouloir assembler le titre de l’album avec la deuxième signification du nom du groupe. Ce qui nous donne « Attention Oui Futur », un avertissement bien senti face à l’avenir incertain ? Il y a peut-être de ça dans ce premier album.
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Attention ouvrez grand les oreilles, poussez le volume – mais pas trop fort non plus, il faudrait garder votre paire d’oreilles pour le reste de l’album – et embarquez pour Oui. Un morceau d’ouverture au voltage puissant. Ojos commence très très fort. Dire oui, c’est consentir, c’est accepter. A partir de là, les machines tournent à toute berzingue, ça hurle puis d’un coup accalmie au piano pour entendre Elodie nous confesser qu’elle n’est pas prête pour la vie d’adulte. A dire vrai, nous non plus. L’embarquement dans l’album peut commencer sur des bases solides.
Adieu prend la suite. Les amis, on venait de dire oui, c’est quand même beaucoup trop tôt pour se dire Adieu ! Entendue lors de leur excellent concert à la Maroquinerie – qui était blindée -, il est peu de dire qu’Adieu est percutante. Avec sa punchline « quitte à se décevoir je me décevrai moi c’est ce que je fais de mieux », Adieu nous entraine dans une production très canon, super urbaine dans son dernier tronçon.
On vous en parlait récemment, Je dors tout le temps c’est cette espèce de ballade qui interroge les relations zapping. Ça claque comme une bulle de chewing-gum et ça s’électrise toujours plus.
Quand ils ont révélé le clip on avait pris peur, Ojos multiplie les frayeurs à force de tous ces Au revoir. Et puis au revoir, une chanson qui laisse présager une respiration dans les concerts. Un moyen de retrouver un rythme cardiaque raisonnable. Cela dit c’est seulement jusqu’à la dernière minute où on touche un grand moment digne d’une soirée techno.
La véritable respiration, elle se trouve ici avec Pas si dangereuse où Ojos et plus spécifiquement Elodie se livre à un piano-voix. Un rendez-vous d’une douceur désarmante qu’on n’a pas vu venir. Un morceau d’une grande sincérité, un moment de mise à nu, profond dans ce qu’il raconte et définitivement poignant. Avec Pas si dangereuse on continue le chemin de l’acceptation de soi initié sur le deuxième EP. Il serait intéressant de savoir si dans Pas si dangereuse, elle ne serait pas en train de prolonger la réflexion du single Le volcan qui dort.
Encore moins est plus complexe dans sa construction mais on y retrouve une patte qui pourrait sonner rock en introduction pour virer électro pop. Une affirmation progressive qui s’illustre lorsqu’arrive le refrain. Un refrain que l’on visualise dans une soufflerie intérieure telle celle des entraînements des astronautes, l’image d’une montée en puissance presque brusque. Métaphore d’une entrée dans l’adulescence ?
Si vous pianotez beaucoup sur un clavier d’ordinateur ou sur un smartphone, vous connaissez cette interjection : Krkrkr. Alors non, ça ne veut pas dire cœur cœur cœur mais c’est bien le bruit du ricanement. Et elle fait désormais office de titre pour la chanson d’Ojos, prononcez « kérékérékéré » en roulant bien les « r ». Si vous aimiez les moments hispanophones du duo, c’est le moment de les retrouver. Elle démarre comme sur un effet scratching pour nous amener dans un territoire urbain. Envolée psychédélique sur la dernière partie. Une vraie petite folie que ce Krkrkr.
Récit d’un amour perdu ? Qu’est-ce qu’il reste à détruire joue avec un son récurrent d’une espèce de vibraphone. Une histoire triste c’est certain. On y trouve un morceau au tempo beaucoup plus lent comme aller à reculons vers l’avant pour mieux vivre après. Et sur le final, la guitare part dans des distorsions bien électriques, par extension, puissantes.
L’amour ou le succès est une histoire de dilemme au refrain entêtant : « Promis j’dirai plus rien, promis j’disparaitrai, j’peux être quelqu’un de bien, j’peux essayer d’essayer ». Le morceau s’avère peut-être plus sombre que ses comparses, joue sur un rythme entrecoupé.
Rythmique entrainante c’est parti pour Llorana ! Affûtez vos oreilles parce que ça part un peu dans tous les sens, même les notes de piano dégringolent ! Message puissant à l’appui, Llorana sonne comme une invitation à la désobéissance. Après tout, ce n’est pas parce qu’Elo dit (oui, oui) « Descends » ou « Assieds toi » qu’on doit vraiment le faire. Nan mais !
100 fois a beau être en français, on ressent carrément les influences latinos. Et ce qui surprend forcément un peu – et ça n’est franchement pas désagréable – c’est la présence d’un cuivre tout au long du morceau et de certaines percussions type cloche. On attend impatiemment de découvrir la tournure du morceau en concert qui promet d’apporter de la bonne chaleur.
L’album ne se conclut pas sur un énième Au revoir ou Adieu mais bien sur une ouverture vers l’avenir : Futur. On retrouve des sonorités des années 2000. Un retour vers le futur en somme. Futur a des textures électroniques dynamiques qui nous hissent vers le haut et nous, on est là à se laisser porter. C’est comme être en apesanteur. On adhère à ces percussions remisées au second plan.
Tout au long de son processus créatif, Ojos a cultivé un mélange des genres pour offrir des prestations scéniques toujours plus énergiques. Le duo dévoile un album aux chansons aux personnalités fortes, ou du moins assumées, fin prêtes à affronter ce futur si complexe. Oui Futur est un premier album qui fait voler en éclats l’insouciance au profit de l’assurance, sans passer par la case insolence. Le duo déballe des productions bien léchées, cadrées au millimètre – ni trop longues, ni trop courtes, les chansons jouent sur une durée efficace -. Dans son approche textuelle, Ojos poursuit la dynamique de sincérité, voire d’intimité collective, tout en se faisant observateur de son monde en perpétuelle mutation et en se souciant de la punchline bien sentie. Oui Futur provoque la maturité tout en lui rendant un bel hommage.
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