Phonétique des Émotions : À la Quête de Soi avec Horsegirl

Avec Phonetics On and On, Horsegirl affirme davantage son talent avec ce second opus, toujours plus abouti. Le trio, originaire de Chicago, fait un pas de plus dans l’âge adulte et dans tout ce que cela implique.

Horsegirl

Le Voyage vers l’Âge Adulte

Presque trois ans se sont écoulés depuis la sortie dupremier album d’Horsegirl, Versions of Modern Performance, véritable révélation au sein de la scène rock indépendante. Depuis, les trois amies Penelope, Nora et Gigi ont quitté leur Chicago natal pour s’installer dans la verticalité et l’effervescence de New York. C’est dans cette ville qu’elles commencent à affirmer une indépendance croissante, une maturité qui ne cessera de se déployer, entre instabilité difficile à vivre et moments de joie stable.

Beaucoup d’entre nous, qui lisent ces mots, sont désormais adultes, certains depuis plus longtemps que d’autres. Ce que ces âges différents nous enseignent, c’est que nous avons tous, tout au long de notre vie, à apprendre de nos expériences. Nous sommes en perpétuelle évolution, cherchant à devenir une meilleure version de nous-mêmes. Mais à l’âge adulte, il faut trouver un appui solide pour se lancer pleinement dans cette quête de soi. Et ce n’est pas toujours évident.

Cet album n’est donc pas celui de la maturité, ni aucun album d’ailleurs, car comment définir un unique moment de grandeur alors que cette évolution est un processus constant tout au long de notre vie ? C’est ce que l’on ressent en écoutant Phonetics On and On. Un sentiment d’amitié pure et sincère, où chacune des membres du groupe se soutient et avance ensemble dans l’inconnu de cette nouvelle vie qui les attend.

Paradoxalement, cet album a été enregistré à Chicago, sous la direction de la musicienne Cate le Bon. Mais au fond, ce n’est pas un paradoxe. Après un long chemin parcouru, il est parfois nécessaire de s’arrêter, de prendre du recul pour réfléchir à ce que l’on vient de traverser. Alors, quoi de mieux que de revenir au bercail, se ressourcer et dévoiler plus ouvertement ce qui nous habite ?

La Quête Inachevée

Where’d You Go? pose les bases, avec cette question récurrente, lancinante : « Où es-tu allé ? » Une interrogation qui résonne comme un appel, un désir de fuir ou de comprendre ce qui échappe. Le duo vocal entre Penelope et Nora, comme une danse entre deux voix, dépeint cette oscillation entre le connu et l’inconnu. Une recherche de réponses, peut-être illusoire, mais qui s’affirme à travers les répétitions, comme une prière inachevée. La rythmique rapide et soutenue capte ce moment où les questions l’emportent sur les réponses, et pourtant, la quête ne cesse.

Juste après, Rock City nous plonge dans un univers où l’humain se confronte à l’indifférence du monde qui l’entoure. Les paroles, douces mais percutantes, brossent le portrait d’un homme qui, à force de voir le même soleil se coucher chaque soir, finit par s’éteindre lui aussi, lentement, dans la routine. La mélodie, soutenue par des riffs discrets et mélodieux, nous invite à réfléchir sur ce qui nous échappe, sur ce que la répétition quotidienne peut nous enlever de notre spontanéité et de notre énergie. L’album n’hésite pas à nous confronter à ces moments de fatigue existentielle, où la joie semble s’échapper, laissant place à un vide intérieur.

Solitude, Conformisme et Intimité

In Twos semble quant à elle incarner ce moment d’introspection où la solitude se trouve magnifiée par le désir de connexion. L’âme de ce morceau, simple et répétitive, traduit l’idée que tout ce que nous tentons de saisir, que ce soit une relation ou un sens à notre existence, semble nous glisser entre les doigts. Le rythme hypnotique, couvert par cette lourde basse, presque lancinante, met en lumière cette dualité entre l’espoir d’une rencontre et la douleur de l’échec, toujours dans cette quête de soi et des autres.

En contrepoint, 2468 prend une tournure plus légère, presque enfantine, comme un jeu rythmé où les chiffres deviennent des symboles d’une répétition sans fin. Pourtant, sous cette apparente simplicité se cache une critique de la société, des mécanismes collectifs qui imposent des formes préétablies. Ce titre semble jouer avec l’idée de conformisme, tout en le déconstruisant subtilement, invitant à repenser les structures qui régissent nos vies et nos actions.

Puis vient Well I Know You’re Shy, une harmonie ensoleillée où chaque mot semble être un souffle, un murmure partagé. La vivacité des voix, presque timides, nous plonge dans une atmosphère d’introspection, où la relation entre deux êtres se fait par des gestes et des regards plutôt que par des mots. L’album, ici, explore la délicatesse des liens qui se tissent, et la complexité de cette proximité, parfois douce, parfois perturbée par la crainte de l’autre. C’est un instant suspendu, un moment où tout semble possible, mais où chaque pas est mesuré, presque hésitant.

Introspection et Métamorphose

Dans Julie, l’univers devient plus introspectif, plus poétique. Une atmosphère sonore à la fois rêveuse et concrète, dessinant le portrait d’une quête de sens, d’une tentative d’assimilation de l’expérience. À travers cette chanson, nous comprenons que la recherche de soi est parfois parsemée d’erreurs, de failles, mais que chaque pas fait partie d’une construction. Cette recherche est loin d’être linéaire : elle s’accompagne de chutes, de faiblesses, mais également de découvertes. Un voyage intérieur, une exploration des limites, qui se fait avec et pour l’autre.

Switch Over marque un tournant dans ce disque. La répétition des mots, presque mécanique, nous plonge dans une atmosphère de rupture, de transition. Le processus de changement, de mutation, s’effectue ici avec une certaine lenteur, mais aussi une certitude que le changement est inévitable. Ce passage musical, dans sa simplicité, capte la tension de celles et ceux qui, tout en étant conscients de la nécessité de se transformer, restent suspendus dans un espace d’incertitude. Le tout porté par une mélodie à la fois dansante et emplie d’énergie, qui nous incite à avancer, à nous renouveler.

Dans Information Content, nous entrons dans un monde où la communication devient un terrain d’expérimentation. Les sons et les silences se mêlent, créant une atmosphère d’intimité presque tangible. Ce titre pourrait bien être celui qui génère notre mélodie préférée de l’album. Le groupe interroge sur ce que nous cherchons réellement à dire, sur ce qui reste inarticulé. La complexité des émotions, souvent réduite à des éclats de bruit ou des murmures, est ici rendue palpable, comme un moyen de nous connecter sans mots, mais avec une sincérité qui dépasse les formes de communication traditionnelles.

Les échos de la recherche

Frontrunner nous plonge dans l’ambivalence du quotidien, un état entre l’attente et l’action, entre le matin et le soir. Le refrain répétitif démontre cette attente incessante d’un changement qui ne vient jamais tout à fait, un désir d’évolution contenu dans les mouvements subtils du quotidien. C’est une mélancolie de l’inachèvement, cette idée que, malgré tout ce que l’on aspire à devenir, la réalité reste toujours légèrement hors de portée. Il y a là une forme de patience passive, presque résignée, mais aussi un engagement intérieur à attendre sans trop savoir pourquoi ni ce qu’on attend précisément.

Sport Meets Sound, tout en poursuivant cette dynamique de quête, semble aborder la question sous un angle légèrement plus ludique, presque enfantin. Ici, les sons s’enchaînent de manière plus colorée, la mélodie se fait plus légère et plus frappante. La chanson reprend les mêmes thématiques que Frontrunner : ce moment où l’on se retrouve à jouer avec les formes et à se questionner sur notre place dans un monde aux règles parfois absurdes. Cependant, contrairement à la précédente, celle-ci se fait plus affirmée, presque ironique, comme une manière de répondre à la lassitude de l’attente avec un défi, un jeu avec les conventions. Les références à la répétition et à l’absurde viennent créer une énergie nouvelle, comme un élan de révolte tout en restant dans une forme d’humour.

Derniers Silences, Dernières Lueurs

I Can’t Stand To See You vient clore l’album sur une note d’introspection poignant. L’ennui et l’attente y deviennent des sentiments palpables, incarnés par les gestes répétitifs et les silences qui se prolongent. Ce bouquet final met en lumière cette tension entre le désir de partir et celui de rester, entre l’attrait de l’autre et la douleur de se confronter à la réalité de cette relation. Une forme de rupture, teintée de mélancolie, mais qui n’est jamais totalement définitive. C’est un moment suspendu où, malgré l’épuisement, une dernière lueur d’espoir persiste, avant que tout ne se termine.

Un Voyage Évolutif et Continue

Phonetics On and On s’achève, mais son écho continue de résonner. Dans chaque chanson, une quête, une recherche de sens qui ne s’arrête jamais. Ce deuxième album nous rappelle que la maturation n’est pas un point final, mais un processus continu. Chaque étape est une découverte, chaque note une invitation à se réinventer. C’est un disque qui s’inscrit dans un mouvement infini, un va-et-vient constant entre passé et futur, entre soi et l’autre.

Merci Horsegirl, à travers vos émotions et votre univers sonore, de nous prendre avec vous dans cet esprit d’évolution. Rendez-vous au Petit Bain à Paris le mercredi 18 juin pour savourer ce disque en live

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