Bara & Jamso : Diamants symétriques

Il y a des duos qui ne brillent qu’à deux, et d’autres qui, même séparément, restent des pivots solides sur leurs appuis. Bara et Jamso, alias La Kadrilla, appartiennent sans conteste à cette seconde catégorie. Les deux prodiges du 93 prennent chacun le temps de faire leurs preuves en solitaires, sans jamais rompre la symétrie qui les unit. Leurs deux EP respectifs, BARA AU BARA pour l’un, CRACK pour l’autre, sortis le même jour témoignent d’une alchimie remarquable. Une semaine plus tard, le duo scelle le tout avec un projet commun : DEUX CRACKS AU BARA.

Cristalliser sa voie

Cover de CRACK

C’est bien un duo uni depuis l’enfance qui se présente ici, même si leurs rapports à la musique ont d’abord suivi des trajectoires différentes. Dans leur unique entretien accordé à Booska-P, Bara évoque une jeunesse rythmée par la musique, presque naturelle. Jamso, lui, découvre le rap plus tardivement, guidé ensuite par l’encouragement de ses proches. Ce basculement, il le raconte avec justesse dans son titre poignant Météo. La singularité de Jamso se dessine par un kickage solide, nourri par la rancœur et rythmé par la nostalgie. Dans CRACK, il dompte le format EP pour mieux révéler ses talents caméléonesques. Là où tant d’artistes se noient depuis le début de la décennie dans une drill monotone, lui en extrait l’essence : une énergie brute et des récits qui transpercent le tout.

Sa plume trouve un équilibre rare, entre pudeur et confession, dans la lignée d’un Da Uzi. CRACK est porté par des prods solides, et culmine sur Vivaldi, bijou orchestral aux références claires (les quatre saisons).

« J’étais p’tit j’avais mal,
Quand j’remets tout sur la table j’me rends compte c’était pas normal
J’me fais soigner par le temps, j’essaie d’m’vider la tête, cherche un nouveau plan
» — Kurt Cobain

Cover de Bara au Bara

Et comme si la dualité de Jamso ne suffisait pas à nourrir l’écoute, surgit Bara en miroir. Là où l’un avance à fleur de nerf, l’autre creuse dans le lexique de l’argent. Le nom parle à lui tout seul : Bara signifie “travail”, et le titre de son EP, Bara au Bara, boucle la boucle sans forcer.

L’introduction 7 sur 7 pose immédiatement le cadre : un morceau épuré, quasi a cappella, où la voix occupe tout l’espace. La production, volontairement minimaliste, installe une atmosphère sombre et méthodique. Chez Bara, la musique devient un outil où il est question de travail sans effet de style, ni détour. L’introspection chez lui n’est pas statique, elle sert de moteur, toujours tournée vers l’étape suivante.

« Et j’ai vite compris qu’pour réussir la clé c’était l’travail
A l’heure où j’te parle il est 7h dans la bine-ca en mode éveil » — PREMIER AVION

DEUX CRACKS AU BARA

Cover de DEUX CRACKS AU BARA

Une semaine plus tard, DEUX CRACKS AU BARA enfonce le clou de leur complémentarité. La pochette parle d’elle-même et fait le lien avec leurs deux projets solos : Bara tend son collier à Jamso depuis la fenêtre d’une voiture (un écho à celle de CRACK).

Le projet prolonge la dynamique amorcée dans M.A.P, sorti il y a un an, notamment des morceaux tels que Santé & Sommeil, où l’écriture se fait visuelle. Une forme de mélancolie moderne traverse leurs textes, portée par des images fortes et un rapport au réel désenchanté. Dans un moment où le rap se détache des performances techniques parfois creuses, au profit d’une parole incarnée avec une empreinte forte, La Kadrilla semble dans le tempo. Côté production, la sexy drill s’élargit avec ces samples bien choisis. Le morceau NOS VOIX clôt l’EP avec une ambiance aux accents western et cinématographique. Le gimmick et le refrain y sont parfaitement intégrés. La direction est claire, et la paire trace son propre sillon.

Ce triptyque, deux EP solos, un projet commun, offre une démonstration précise de ce qu’est un duo abouti. Être deux, ce n’est pas simplement alterner les couplets, c’est savoir construire sa propre lumière sans éclipser l’autre. Et quand ils avancent séparément, c’est pour revenir plus aiguisés. Une vraie équipe de cracks qui font du bon bara.

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