Les clips de la semaine #281 – partie 2

La musique ça s’écoute, mais parfois ça se regarde aussi. Chaque semaine, La Face B vous sélectionne les clips qui ont fait vibrer ses yeux et ses oreilles. Tout de suite on vous invite à découvrir la deuxième partie de notre 281ème sélection des clips de la semaine.

Asfar Shamsi – La crise

Dans La crise, Asfar Shamsi se fait la voix d’une génération pour qui l’état de crise semble être devenu la normale. Face aux crises économiques, climatiques et sociales qui s’éternisent, l’artiste oscille entre fatalisme et résilience. Elle refuse de se laisser envahir par ses émotions, et adopte une forme d’apathie résignée : « Tous les jours j’avale la pilule », « Plus d’émotions sur la figure ». Lucide, elle met en avant ses propres contradictions, dans lesquelles on peut tous.tes se reconnaître : conscients des injustices, mais ne sachant pas comment agir, on préfère souvent détourner le regard : « on ferme les yeux pour pas se faire mal ».

Le clip, réalisé par Pedro Summer, suit les déambulations d’Asfar Shamsi dans une ville côtière de l’Ouest de l’Angleterre. L’air penseur, écouteurs vissés aux oreilles, elle semble ignorer la présence de la caméra et observe le monde qui l’entoure avec simplicité. Crise ou pas, la vie continue. La rythmique pop et la mélodie entêtante tranchent avec le thème du morceau et lui confèrent une forme de légèreté. 

La crise est le dernier single de son EP à venir. 

Alice on the roof – 15 ans

On poursuit l’exploration du musée d’Alice on the roof. Cette semaine, à l’occasion de la sortie de son troisième opus appelé Alice, l’artiste belge dévoile le clip 15 ans.

Un morceau dans lequel Alice on the roof évoque les troubles alimentaires dont elle a souffert à l’adolescence, révélant sa recette d’alors pour gérer ses émotions : les noyer au caramel. Un sujet difficile qu’elle choisit de regarder en face, sans esquive ni faux semblant.

Côté clip, on retrouve la même direction artistique que précédemment avec Juliet Casella aux manettes. En route donc pour une autre salle du musée d’Alice, désormais familier après y avoir déambulé pour ses premières œuvres Comme je t’ai aimé, Miroir, miroir et plus récemment Si peur pour nous. Alice, tel un papillon évoqué par sa perruque, se délivre de sa chrysalide, matérialisée par une multitude de couches de vêtements qu’elle découpe les uns après les autres. Une idée simple et efficace pour mettre en images le passage à l’âge adulte, synonyme ici du chemin vers la confiance en soi. 

2L – Respire

On est ravis d’avoir redécouvert 2L dans Nouvelle École. Elle n’a laissé personne indifférent, et le “Lionel Messi” de SDM risque encore de surprendre bien du monde !

Rappeuse affirmée à la plume affûtée, 2L livre ici un rap à l’ancienne, dense et percutant, où chaque mot compte. Ses paroles engagées rappellent que la politique fait partie de nos vies, et qu’on a besoin d’artistes comme elle pour le dire haut et fort.

Le clip, à son image, respire l’authenticité et la simplicité. Un contraste parfait avec la complexité de son écriture et la précision de sa prose. En 2 minutes chrono, 2L impose son style, son flow, et surtout son message.

Le rythme du clip est captivant et quand il s’arrête, on a juste envie d’en voir et d’en entendre plus. Pour quand 2L présidente ?

LUMIÈRE – Noël me prend par la main

Ça y est ! Les décorations d’Halloween sont dans le fond de la cave, les premières neiges arrivent à Montréal, et comme pour invoquer Mariah Carey, LUMIÈRE nous sort du fond des boîtes du garage sa chanson de Noël Noël me prend par la main. Accompagné de ses deux lutin.e.s blas.é.e.s, Émile Bourgault et Vanille, Etienne Côté aka LUMIÈRE nous entraîne dans une comptine nostalgique et festive, cette chanson souligne les petites choses qui rendent cette période de l’année si spéciale pour l’artiste à travers une mélodie sur laquelle les grelots et le violon rencontrent les synthés et la guitare. 

Une bonne manière de s’imprégner dès maintenant de la magie de Noël et de compter les dodos avant les cadeaux sous le sapin.

Pierre Garnier – L’horizon

Pierre Garnier dévoile le clip de L’horizon, un single acoustique et intime explorant ses doutes face à l’avenir. Réalisé par Rachel Dano, ce clip plonge l’artiste dans un ascenseur énigmatique où défilent différentes versions de lui-même : fêtard, amoureux, homme d’affaires, avant de retrouver sa vraie identité de musicien. Autour de lui, la vie continue à toute vitesse, tandis qu’il reste immobile, observateur de sa propre existence, en quête de repères malgré les turbulences qui se profilent.

Marco Ema – Un, deux, trois

Vous avez déjà joué à un deux trois soleil ? Parce que Marco Ema, oui ! Dernier extrait avant la sortie de son troisième album Soleil mâché le 16 janvier 2026, il nous dévoile Un, deux, trois, la chanson parfaite pour faire de la route, parlant de nostalgie et des amitiés qui s’éloignent mais qui restent. Cette chanson, ce sont de grands rêves, mais c’est surtout du gros rock ! 

Pour le clip, on reste dans le même environnement que ses deux autres extraits Feu de paille et Avalanche, pour une lyrics vidéo simple, intime, qui colle parfaitement avec la proximité que nous inspire ses chansons.

Milla Leika – Too late

Il reste quoi après une rupture ? On ne sait jamais trop. Dans la dernière lyric video de Milla Leika -réalisée par Lou Dvina – il reste une maison de poupée. Une toute petite maison de poupée dont les pièces sont intactes : harpe, mobilier, cuisine et jusqu’au pain à peine sorti du four. À travers la fenêtre ouverte, Milla Leika jette un oeil curieux. Manière d’examiner, de passer en revue les vestiges de ce qui était projeté, et qui semble désormais figé, immobile, coincé dans un espace temps étranger.

C’est une maison de poupée qui fût une promesse et dont le poids empêche d’avancer. Dans laquelle on voudrait parfois rentrer se blottir à nouveau. La chanson, produite avec Adam Carpels, met du baume sur le souvenir. Drum machines, synthétiseurs, piano et surtout, harpe (la dose est parfaite). On s’y laisse fondre, en attendant la métamorphose, la saison nouvelle. On a hâte de voir ce que l’avenir réserve à Milla Leika. En attendant, on peut déjà réécouter Too late et l’EP Sweet heavy void – en version acoustique ou non, comme vous préfèrerez.On vous recommande chaudement de le faire. C’est si beau. 

Héron – Sycomore

Pour accompagner la sortie de son EP Bras solaires, Héron nous offre le vidéoclip de Sycomore qui mêle des images tournées à Petite-Vallée à l’été 2025 lors de sa participation aux chansonneurs de Petite-Vallée et des extraits VHS captés par Henri Kinkead lui-même. On y retrouve la beauté simple de la Gaspésie, les copains chansonneurs qui s’amusent dans la belle eau de Petite-Vallée, et cette lumière douce qui traverse tout l’univers de Héron. Sycomore, comme tout son EP, dévoile des moments vrais, tendres et un peu magiques, une petite bulle intime où la musique et les souvenirs se rencontrent, comme seul Héron sait les faire vivre.

Sylvie Kreusch – Justice Breeze

Après le succès de son deuxième album Comic Trip, Sylvie Kreusch poursuit son ascension avec Comic Trip (Deluxe), sorti en octobre 2025 (Sony Music). Cette version deluxe avec de nouveaux titres enrichit son univers artistique, où sensualité, mythologie intime et puissance féminine s’entrelacent. Justice Breeze en est l’un des nouveaux morceaux. Ça parle de quoi Justice Breeze? C’est une fable maritime orageuse et dramatique où des pirates féminines réclament justice face à l’homme qui les a trahies. « J’ai trouvé très intéressant de parler de pirates féminines, car elles sont peu mentionnées dans les livres d’histoire, comme Mary Read et Anne Bonny », explique Sylvie. « C’était vraiment amusant d’écrire de façon aussi visuelle, et cela s’intègre parfaitement à l’univers de Comic Trip. »

Porté par une instrumentation organique, Justice Breeze transforme cette blessure intime en tempête. L’introduction repose sur une batterie profonde et des percussions qui claquent comme des voiles frappées par le vent violent, tandis que les claviers installent une brume épaisse annonçant l’orage. La voix de Sylvie, enveloppée d’un chœur menaçant, est intense et déterminée, incarnant la vengeance de femmes qui unissent leurs forces pour confronter et laisser la mer rendre justice.  Justice Breeze métamorphose ainsi une blessure intime en un récit de sororité, de puissance et de libération.

Le clip, réalisé par Michiel Venmans, nous plonge dans une odyssée visuelle de plus de sept minutes, élégante et tourmentée. Le théâtre Troubleyn se transforme en navire hanté, traversé par les silhouettes de Sylvie Kreusch et de ses danseuses. Sous les éclairages dramatiques d’Arno Weijdema, éclairs blancs, ombres mouvantes, reflets métalliques, tout est fantasmagorique. La chorégraphie de Yorrith De Bakker dessine un rituel de survie avec des gestes presque animaux. Dans ce ballet maritime, la mer est invisible mais omniprésente. La mer devient juge et bourreau. Le clip avance comme un voyage cyclique. Entre imagerie poétique, intensité dramatique et force collective, Justice Breeze s’impose comme l’un des titres les plus dramatiques et cinématiques de Comic Trip (Version Deluxe)

Sylvie Kreusch dévoilera Comic Trip (Deluxe) sur scène le 29 novembre 2025 à la Gaîté Lyrique (Paris), un rendez-vous à ne pas manquer pour plonger dans son univers en clair-obscur, où la liberté féminine souffle comme un vent d’orage.

Hélène Barbier – Milquetoast

Dernier extrait de l’album Panorama sorti cette semaine, Milquetoast est une chanson qui se veut plus optimiste que ses précédents extraits et se situe quelque part entre la verdure luxuriante des parcs et la lumière rassurante des lampadaires une fois le soleil couché. Portée par des guitares cadencées, des claviers hypnotiques et la ligne de basse caractéristique de Hélène Barbier, la chanson évoque le sentiment d’arriver quelque part et d’avoir déjà envie de repartir. C’est aussi un appel à trouver la paix et le réconfort dans le quotidien, un thème récurrent sur Panorama.

Tourné en Super 8 et réalisé par Jolie M-A, le clip de Milquetoast propose des images du mariage d’Hélène, entrecoupées d’une ballade à Montréal.

Oliver Tree – Joyride

Après le succès fracassant de ses projets précédents et une tournée internationale qui a réuni plus de 100 000 spectateurs à travers l’Europe, dont un concert sold out à Paris, Oliver Tree, le phénomène le plus déjanté des USA, revient avec Joyride. Après Superhero dévoilé il y a quelques semaines, l’artiste multicasquette dévoile une nouvelle pièce explosive qu’il a écrite, produite et réalisée lui-même, lors d’un tournage mené en Lettonie. En à peine six ans de carrière, Oliver Tree s’est imposé comme un véritable phénomène alternatif, cumulant les succès viraux et les tournées XXL.

Joyride, porté par une production nerveuse et addictive, célèbre la liberté, la séduction et l’excès.  Joyride parle de l’attirance immédiate, purement physique, sans désir de tomber amoureux : “I don’t wanna fall in love right now / I’ll take you for a ride if you wanna get down.” Oliver Tree propose une aventure impulsive, électrique avec pour seul programme adrénaline et désir. Entre provocation, humour salace et flegme désinvolte, Oliver Tree fait de la rencontre amoureuse une course folle où l’on sait dès le départ que tout va déraper, et c’est précisément ce qui fait la force du titre avec son flow et ses ritmes  à 1000 à l’heure.

Le clip est réalisé et dirigé par Oliver Tree.  Fidèle à son univers absurde et spectaculaire, il pousse cette métaphore au maximum. On y retrouve Oliver Tree dans l’un de ses looks les plus WTF : une chapka en fourrure XXL, cheveux longs, des lunettes minuscules, et surtout un costume avec lemême motif que celui de sa voiture et de sa moto, créant un effet visuel volontairement kitsch et déconcertant. La voiture, elle, est un modèle soviétique entièrement tapissé façon tapis oriental, une signature esthétique débile et géniale à la fois. Entre rodéos automobiles dignes d’un film d’action détraqué et de course poursuites déjantées, paysages lettons balayés par le vent, et cascades et acrobaties improbables, le clip accumule les images délirantes, jusqu’à des plans ahurissants où Oliver Tree apparaît pendu par les pieds, puis une explosion finale où sa voiture iconique part en flammes, dans ce chaos parfaitement orchestré. Un peu WTF, totalement spectaculaire, mais irrésistiblement fluide et divertissant, le clip de Joyride fait absolument “justice” à la musique et aux paroles. Oliver Tree prouve une fois encore qu’il est un artiste complet : metteur en scène de ses propres mythologies absurdes, roi du kitsch énervé et maître des images qui dérapent avec style. Entre excentricité assumée, énergie brute et sens inné du spectacle, Joyride en impose et nous invite à ce tour de montagnes russes visuel et musical qu’on ne peut qu’accepter de suivre… moteur allumé.

Laurie Xhaard – Marguerite

Laurie Xhaard nous avait touchés avec J’ai dansé avec les ombres, son premier album en fin d’année dernière. La voici de retour avec un nouvel EP D’autres danses où elle revisite ses propres compositions en acoustique.

Elle choisit de revenir avec Marguerite, hommage direct à l’écrivaine Marguerite Duras qu’elle reprend ici en version piano-voix. Laurie Xhaard pose désormais sa voix sur le piano de Charlène Juarez. Dans cette nouvelle version, Laurie Xhaard est comme apaisée. La jeune chanteuse  demeure sincère dans sa démarche.

Désormais plus sensible, plus intimiste, dans ce nouveau clip, Laurie Xhaard se met à distance de la caméra pour laisser s’exprimer la danseuse Violaine Khal qui pose ses pas félins dans un décor urbain entrecoupés d’images de vagues. Laurie Xhaard fait ainsi dialoguer ensemble les arts de choix que sont la littérature, la danse et la musique.

Sabine et Leyla McCalla – Deep River

Deep River met en scène les deux sœurs McCallaSabine et Leyla — dans une interprétation émouvante d’un “spiritual” afro-américain. Réalisée par Western AF, la vidéo adopte une esthétique intime et dépouillée : un plan champêtre, la lumière douce d’une nuit paisible, un micro naturel… l’atmosphère suggère à la fois la prière, la quête et l’espoir. 

Les voix des deux chanteuses s’entrelacent avec grâce, portées par un accompagnement minimal, laissant toute la place à l’émotion brute du chant. La version qu’elles proposent rend hommage à la tradition du spiritual, tout en l’incarnant par leur propre sensibilité. Le choix du décor champêtre renforce l’idée d’un voyage intérieur, comme si le fleuve évoqué dans la chanson ne coulait pas seulement à l’extérieur, mais bien au cœur des interprètes. 

Ce titre et sa vidéo sont non seulement un hommage à la mémoire collective des spirituals, mais aussi une célébration du lien entre Sabine et Leyla McCalla

Le titre est disponible sur le premier album de Sabine McCalla, Don’t Call Me Baby. Pour aller plus loin, voir notre interview de Sabine.