Depuis plusieurs années, Justin Vernon multiplie les projets et collaborations mais c’est toujours avec Bon Iver que l’artiste s’est réfugié et a créé ses plus belles compositions, depuis maintenant quatre albums. Il s’agit en fait d’une tétralogie saisonnière allant respectivement de l’hiver jusqu’à l’automne avec ce dernier opus i,i. Un cycle désormais complet dans la vie du mélomane et indirectement dans les nôtres.
Tout commence en 2008 avec For Emma, Forever Ago, un véritable chef d’œuvre et une intromission au sein de la douleur lors d’une rupture. Portée par la froideur et la rudesse du Wisconsin, on comprend bien que ce bijou de tristesse représente la période hivernale dans le calendrier Vernonien. Mais la dureté de l’hiver finit toujours par laisser place à la douceur du printemps. Là où le premier opus était une thérapie et un isolement, le second album Bon Iver s’ouvre quant à lui au monde et au voyage. Une ouverture d’esprit qui n’est possible qu’une fois l’âme réparée. En toute logique, on accueille ensuite l’été avec 22, a Million où les jours rallongent et où de nouveaux sons pointent le bout de leur nez.
Arrive enfin l’automne avec i,i, épopée finale de ce bulletin météo. Là où le chanteur semblait se cacher derrière une multitude de nouveaux sons électroniques dans 22, a Million, il revient cette fois-ci plus brut que jamais. C’est à nouveau dans des morceaux déchirants que l’on retrouve Justin Vernon, sorte d’écho à son passé tourmenté mais avec cette fois-ci une once d’espoir et d’optimisme qui lui étaient jusqu’alors inconnus. Un peu comme si l’artiste avait gagné en maturité à travers les épreuves de la vie. Dans le titre Marion, on retrouve les frissons des premiers morceaux et notamment du merveilleux The Wolves. On ferme les yeux, et l’esprit d’une âme solitaire errant au coin d’un feu et cherchant à se retrouver s’empare alors instantanément de nous, et chacune des grattes de cette guitare sèche nous écorche le cœur et les pensées.
À l’image de l’automne, i,i représente la transition parfaite entre les saisons. Il s’empare des meilleurs éléments de chacune pour en produire un résultat parfait et équilibré. Outre les aspects bruts et folk tant appréciés des débuts, il va ainsi puiser dans la fraîcheur printanière de Bon Iver en nous proposant des morceaux comme Faith, où la voix de cristal de Vernon résonne et se percute aux notes de pianos douces tout comme elle le faisait déjà dans Holocene. Mais c’est sans compter le rappel à l’ordre de l’été, qui refuse qu’on ne l’oublie trop vite : on retrouve ainsi les sonorités si particulières et audacieuses de 22, a Million dans Jelmore ou Naeem.
Comme à son habitude, Bon Iver nous prend aux tripes et nous transporte dans ce dernier chapitre qui clôture en beauté ce calendrier. Des épreuves, Justin Vernon n’en a gardé que le meilleur et en sort plus fort que jamais. Il nous fait donc cadeau d’un album plein de maturité et d’honnêteté, s’alignant ainsi avec le reste de son œuvre.