Quoi de mieux qu’un plateau dévoué à ce qui se fait de plus qualitatif aujourd’hui en France, en termes de rock alternatif et de post-punk ? Nous, on se pose encore la question. Jeudi 28 novembre au Trabendo, on a vécu une soirée hors-norme face au groupe The Psychotic Monks, accompagné de Structures en première partie. Encore groggy, tremblants et les yeux hagards, on vous explique, chapitre par chapitre, le pourquoi du comment.
Annonciatrice d’un concert duquel on savait qu’on ne sortirait pas indemnes, cette soirée raconte une histoire qui, à l’image de Private Meaning First, le deuxième album des Psychotic Monks, se compose de plusieurs parties rythmées par un tumulte d’émotions, de la jouissance à la rage, de l’osmose au dérapage.
Chapitre 1 : Structures ou l’entrée en matière d’une construction qui arrache
En ouverture, le groupe originaire d’Amiens a présenté son tout premier excellent et prometteur EP Long Life au public parisien. Des morceaux bien ficelés surfant sur new-wave et post-punk, menés par un groupe qui laisse déferler sa joie furieuse. La couleur de l’EP, aux sonorités industrielles et où se pose une voix lourde et grave, déclenche quant à elle la ferveur de nos coups de tête dans le vide. Donner dans le brut, esquiver l’enfermement et la facilité, c’est Structures qui se pare de toute sueur prête à perler et l’on se retrouve déboussolés, mais juste pour le meilleur.
Chapitre 2 : The Psychotic Monks, poésie noire et prière cathartique
Changement de décor. Avec une configuration de scène très intimiste qui ressemble à un labo d’expérimentation, le groupe aime à plonger la salle dans une atmosphère particulière. Les lumières criardes se tamisent pour ne laisser qu’un simple filet sépia émailler les visages. Nous voila plongés dans de lumineux ténèbres. C’est une expérience en elle-même que le groupe propose en live, des morceaux qui se construisent comme un film en plusieurs parties. Tout en exprimant une sensibilité exacerbée, ils développent une palette d’émotions fortes tandis que voix et paroles tracent par sillons un chemin vers le chaos intérieur, l’expression sincère et fiévreuse de nos maux.
La musique semble ne jamais s’arrêter, comme un long prêche qui nous maintient hors d’haleine. Tordues, inversées, saccagées, nos émotions distendues dérivent facilement, nos esprits en proie à une introspection plus ou moins forte selon chacun, du rire aux cris, aux larmes, parfois on semble se noyer, parfois émerger sous la lumière. C’est une musique expérimentale qui s’offre à nos oreilles, une communion tantôt angélique tantôt satanique, on ne sait plus s’il faut lever les mains au ciel ou mettre genoux à terre et rendre son âme au diable. On dit souvent que le rock’n’roll est une religion en elle-même, là réside surtout l’idée du sacré émanant des performances live qui relient les individus entre eux dans une même énergie. Le concert des Psychotic Monks se révèle être une montée d’opium qui enivre autant qu’elle démange.
Chapitre 3 : Sait-on encore où l’on est ? Vindicte populaire.
Sur scène, le groupe est habité, n’a de cesse de se regarder, de déambuler, se tordre et se libérer des positions classiques, incitant le public à faire de même. Les veines sont saillantes, les corps nerveux, chaque ligne mélodique se perd en boucle, frappe et tambourine en nous comme un fiévreux refrain qui ne nous échappe plus. Nommer les différents morceaux de la setlist ne serait pas leur rendre hommage, tant le tout est indissociable et peu enclin à la description au cas par cas. Le groupe l’explique très bien lui-même, sa musique se veut être un « exutoire collectif », une réponse à toutes sortes de sens aux abois. Instinctivement, la noirceur se répand par vague sur une base instrumentale grandiose, un entremêlement de sons obsessionnels et sauvages, de guitare et leurs innombrables effets. C’est un dialogue qui s’étend peu à peu sur une foule transportée, les têtes ne cessant de s’agiter dans un sentiment d’extase. Quelques-uns ferment les yeux, d’autres regardent le plafond ou le sol, plongés dans un monde qui se révèle par une musique corrosive et libératrice.
Les pogos s’enchaînent, les esprits s’échauffent et certains ne suivent plus la cadence. On entend alors fuser des insultes dans le public tandis que deux jeunes femmes s’assoient sur le devant de la scène pour échapper à la masse qui compte quelques individus menaçants. C’est un moment désolant que le groupe condamnera fermement en stoppant quelques instants leur morceau. Tout en rejetant ces comportement violents et gratuits, le chanteur a également rappelé au public de faire attention aux autres et de veiller au respecter de chacun. La violence en effet, est plutôt l’apanage de nos émotions intérieures vis-à-vis des morceaux qui se jouent. Une violence émotionnelle salvatrice qui ne regarde que nous-même et qui se manifeste sans s’exprimer physiquement. C’est ainsi une fusion étrange qui s’est créée pendant le concert, entre la sérénité et l’hystérie, le monologue intérieur et la communion électrique, refusant toute exclusion, tant par les actes que par la pensée ; les Psychotic Monks racontent en live une histoire singulière et détonante.
Épilogue et exhortation
Nous en avons déjà trop dit, il faut le vivre pour le croire.
Photos : Non Céline