RENDEZ VOUS au sommet

Le rendez-vous était pris ce 29 janvier à La Cigale, sold-out pour le dernier concert du groupe qui clôturait en beauté sa tournée Expanding Corruption. Après avoir sillonné la France, la Chine, la Russie ou encore l’Ukraine, le groupe de post-punk français a donné sa dernière performance à Paris, sa ville d’origine, deux ans après la sortie de son incandescent premier album Superior State.

Une entrée en matière superbement amorcée par le groupe de rock indépendant The KVB, duo britannique au style sombre et électrique, bardé d’effets à la sauce 80’s. Plongé dans l’obscurité, le groupe se tient devant une toile où sont projetés d’infinis paysages hypnotiques et des routes qui défilent à toute allure. The KVB plante le décor et déjà, les corps s’échauffent au niveau des premiers rangs.

Sonne enfin l’heure de Rendez Vous qui entre en scène avec un premier morceau fracassant, la version autoremixée d’Exuviæ. Chocs intempestifs dans nos têtes, la cold-wave de Rendez Vous ne laisse pas de marbre. Étant donné que la principale crainte pour des morceaux aussi aboutis en version studio était leur rendu en live, peu à peu, le groupe démonte nos expectatives. Il est à noter que le groupe, formé en 2013, est plus attaché à la scène qu’à la production de disques (2 EP et 1 album en 7 ans) et ne s’est pas non plus illustré par sa grande présence dans les médias. Il est ainsi parvenu à créer une image singulière autour de son projet, sorte  d’oiseau rare ou d’ovni précieux, et il a de quoi en être fier. Car s’il existe bien une jeune scène post-punk française qui ne se revendique pourtant pas en tant que t-elle, Rendez Vous en est l’un des groupes empereurs.

Pointe de nostalgie de la new-wave britannique et de la musique industrielle certes, il y avait d’ailleurs un joli mélange de générations ce soir là, même si pour beaucoup, elle résonne de manière résolument actuelle. Car les thèmes restent inchangés, comme une réponse à une société déglinguée de toutes parts, une jeunesse qui ne se veut pas forcément étiquetée punk moderne, anarchiste, ou simplement contestataire, mais qui demeure l’éternelle jeunesse, celle qui veut tout envoyer valser et contredire son prochain. En témoignent les textes, baignés d’une teneur cinglante et ténébreuse, la voix brute qui assène une morale amorale, et les membres du groupe tout aussi sobres dans leur tenues, sans excès de style, puisque la musique et la performance se suffisent à elles-mêmes.

Au fur et à mesure, on se sent comme délocalisés dans les entrailles ou les bas-fonds de Paris, plutôt qu’à la clinquante Cigale. Entourés des balcons rouges, la fumée de la scène se fait plus épaisse et rejoint celles des cigarettes qui commencent à briller dans toute la salle. On entrevoit les mines choquées à côté d’autres qui exultent. La sueur, les pogos et les bières renversées dans les premiers rangs semblent en exaspérer un peu trop certains, venus, semble t-il, assister à un concert policé et qui auront vite fait de remonter les marches et laisser la fosse se déployer en joyeux pogos sur le morceau Distance.

La désinvolture continue, la superbe rigide de la Cigale se défait encore quand, tour à tour, plusieurs personnes du public montent sur la scène pour se jeter dans la fosse. Ni une ni deux, le bal commence quand certains font carrément des tours sur scène, embrassent le guitariste à pleine bouche ou prennent le chanteur dans les bras, pour terminer aussi par goûter aux joies du crowd surfing. Impartial, le groupe se laisse envahir, sans trop savoir s’ils adhèrent à ce qu’il se passe, avant qu’un régisseur à la crête iroquoise bleue flamboyante ne fasse calmer toute cette masse.

Naviguant entre les morceaux des premiers EP et ceux de leur premier album, Rendez Vous illustre son incroyable capacité à produire des titres qui fonctionnent toujours avec puissance, sans jamais être lassants. Ça claque, ça grince et déverse le genre de noise qui dézingue nos esprits et délie nos corps, heureux de retrouver toute leur liberté dans l’espace, en écho aux vibrations provoquées par le synthé et la batterie qui frappe. Une sorte d’ode à la joie moderne dans une période trouble pour un groupe qui a de beau jour devant lui.