Une conversation avec Of Course

L’année dernière, on découvrait le duo Of Course avec Montréal Bagarre. On est tout de suite tombé sous le charme de leur hip hop funky et on les suit avec grand plaisir depuis. On a profité de leur passage en France pour aller à leur rencontre et en découvrir un peu plus sur Will et Émile alors qu’ils dévoileront ce soir leur titre Paris Bastonne en exclusivité sur La Face B.

crédit photo : Marie Laure Blancho / La Sale Affaire

La Face B : Salut Of Course, comment ça va ?

Of Course : Fatigué de trois semaines de fêtes. En fait, fatigué de trois jours intense d’alcool. Je sais pas pourquoi mais en France, on n’arrête pas de boire quoi. C’est une beuverie, je comprends pas comment vont les foies des français.

LFB : Ils ne vont pas bien, voilà (rires).

OC : Mais sinon ça va super.

LFB : Quand on sait qu’il y a beaucoup d’artistes de Montréal qui veulent venir en France, c’était quoi l’idée pour des français d’aller à Montréal ?

Will : C’est marrant parce que c’est au Québec qu’on nous pose souvent cette question. Ils sont là « vous êtes fous mes osties ». C’était il y a presque dix ans maintenant, je crois que ça va faire neuf ans officiellement. Déjà t’avais un espèce de besoin d’aventure je pense.

Emile : On voulait quitter Paris.

W : Ouais on voulait quitter Paris. À l’époque, on faisait du métal en anglais, faut pas oublier. Donc on se disait que nous notre rêve, c’était de jouer aux States. Sauf qu’aux States, t’as pas de visa tu vois. Donc t’y vas pas comme ça aux States.

: Soit t’y vas en sauvage, soit faut payer très cher.

W :C’est ça. Donc le meilleur moyen d’aller aux States quand tu parles pas trop bien anglais mais que tu fais quand même de la musique en anglais, c’est le Canada. Donc on s’était dit « vas-y on essaie, on voit comment ça se passe et puis si on aime, on reste ». Et puis on s’est arraché, on y est toujours tu vois. Il y a aussi la raison non musicale qui est le climat de vie qui est quand même assez cool. On est bien là-bas, les gens sont cools. Donc on est parti là-bas.
Après, c’est sur que musicalement parlant, maintenant qu’on chante en français, on a switché tu vois, maintenant on a un chant français et on fait de la musique beaucoup plus française dans le côté électro. Mais c’est sur que même nous maintenant, on en est avec la rengaine des québécois à se dire, on voudrait venir jouer plus souvent en France. Alors qu’on est français. Il n’y a pas plus d’explications que ça. Je pense que c’était plus le qualité de vie et le fait de voir autre chose. Mais faut pas oublier le cadre qu’on était un groupe de métal. Être un groupe de métal à Paris, c’est pas forcément super facile.

LFB : C’est sûr. Ça l’est encore moins maintenant d’ailleurs.

W : Ça l’est encore moins maintenant ouais. C’est bizarre, on se complique la vie. On fait du métal dans la ville où ils aiment pas trop le métal et puis on fait de la french touch dans la ville où c’est pas toujours cool d’être français.

: On a pas compris. (rires)

LFB : Donc vous êtes des français et vous habitez à Montréal donc en France on ne vous connaît pas beaucoup. Est-ce que vous pouvez nous raconter un peu l’histoire d’Of Course ?

E : En fait Of Course est né de la fin d’un autre band qui s’appelle No Place For Heroes qui était un band de métal et on s’est aperçu au bout d’un moment qu’on avait fait un peu le tour de qu’on avait envie de faire dans le métal, qu’on avait vraiment envie de faire autre chose et s’orienter vers quelque chose de plus groovy, de plus simple aussi. Donc pour faire danser les gens et pour nous faire plaisir. Et on est parti sur une base beaucoup plus funk, électro à laquelle s’est rajouté du rap un peu plus tard, c’est tout le cheminement qu’on a fait à Montréal en fait.

W : A la base on était trois, on a eu une histoire dans l’histoire. On était plus un vrai groupe avec le premier album, sur scène c’était clairement beaucoup plus de musiciens. On était même quatre, il y avait un guitariste, moi je faisais beaucoup plus de clavier, il n’y avait presque pas de musique électro. Au fur et à mesure, il y en a un qu’on a viré et il y en a un qui est parti. Et on s’est retrouvé juste tous les deux et on a beaucoup plus assumé la part électro et la part hip hop. On est passé à du chant en français aussi, ce qui a pas mal changé la donne. Désormais on fait des beats et l’ordi a une beaucoup plus grosse place qu’avant et ça marche beaucoup mieux

E : Musicalement, on est plus sur la même longueur d’onde que quand on était à trois par exemple.

LFB : Finalement, j’ai l’impression qu’entre First et Montréal Bagarre, en passant par Naufrage un Jeudredi, il y a vraiment une évolution qui s’est faite naturellement, j’ai l’impression que la musique est devenue plus épurée.

W: Je pense que sur First, on était encore des métalleux, ça s’entend quoi. Je ne pouvais pas m’empêcher de glisser une guitare hyper saturée quand même. Donc en fait First c’était un peu le passage de l’un à l’autre, on avait encore des réflexes de grosse compo de métal. No Place For Heroes, c’était des chansons de sept minutes, huit minutes et là déjà de passer de sept à cinq, c’était un peu compliqué et avec Montréal Bagarre on est passé de cinq à trois.

C’est l’évolution naturelle qui nous a poussé à réfléchir à notre son. On a aussi écouté d’autres sons pour s’inspirer, pour comprendre et essayer de trouver des arrangements plus pop. Et finalement less is more donc moins tu en mets, mieux c’est. C’est ce qu’on essaie d’appliquer le plus possible.

LFB : Il y a moins d’esbroufe en fait.

E: Ouais ouais. On a essayé des choses mais on s’est aperçu de ce qui marchait et de ce qui marchait pas. Donc on change la formule, ce que font un peu n’importe quel groupe à chaque fois qu’ils refont un album, sauf quand tu t’appelles AC / DC. Tu vois ce qui marche, ce qui fonctionne pas. T’ajustes le tir en fonction de la cible que tu vises.

W : C’est ce qui est bien avec les EP en fait. Parce que finalement, on se souvient souvent des albums des gens. Bon ça change de plus en plus maintenant que les EP commencent à marquer un peu plus aussi mais c’est ce qui est bien avec un EP, on essaie des trucs. Je pense que Montreal Bagarre on a tapé dans un truc où on a trouvé notre recette à deux.

LFB : Du coup, est-ce qu’on peut dire entre guillemets que ce troisième EP est un peu fondateur, la base du son d’Of Course dans le futur ?

W : Ça l’est plus. Après on veut pas se fermer non plus. C’est ça qu’est cool avec Of Course. Là c’est sur qu’on a trouvé un peu plus notre recette, il y a des moments un peu house, très électro et des moments un peu plus funk. On mélange un peu les deux. Le hip hop est un peu plus assumé aussi dans le flow.
Ça c’est sur que c’est la recette qu’on a eu. Les prochains morceaux ressemblent quand même à ça. Je pense que dans le prochain il y aura peut être un côté jazz.

E : Pas jazz traditionnel.

W : On est allé chercher des rythmiques un peu plus étranges justement un peu pour faire évoluer. Mais c’est sur que là je pense que Montreal Bagarre c’est la vrai base d’Of Course.

LFB : Justement pour continuer à parler de l’évolution. Je trouvais qu’il y avait une évolution aussi au niveau des lyrics. Sur Montreal Bagarre on est quand même sur quelque chose de beaucoup plus personnel et de moins superficiel.

W: Oui à 100% ça. C’est qu’avant je pense qu’il y avait peut être une pudeur et le problème d’avoir appris à écrire les chansons en anglais, c’est que tu peux pas aller dans la profondeur parce que c’est pas notre langue maternelle. Donc du coup on se retrouve un peu dans la superficialité et quand j’ai commencé à switcher en français je composais comme quand j’écrivais en anglais mais en français tu vois.

Il y a une pudeur, je me disais genre les gens ils ont pas besoin de savoir ça.
Je pense que le fait que Germain, qui était avec nous pendant 12 ans, nous a quitté, ça un mis un espèce de coup et en fait les paroles je les ai écrites l’année dernière quand je suis rentré en France. Donc les paroles sont françaises. Et je suis retourné dans la chambre que j’avais chez mes parents et j’ai commencé à écrire de manière naturelle et c’était des trucs qui parlaient justement du fait d’être loin.
L’année 2018, il y a eu Germain qui nous a quitté, on a fait des concerts qui ne s’étaient pas forcément bien passés, on a participé à certains concours au Québec, et ça ne s’est pas déroulé comme on espérait en fait. C’est ça la loi des concours, c’est que tu as un gagnant, un perdant et on a été le perdant.

Sur le coup c’était vexant mais après ça a aussi ouvert quelque chose parce je me suis dit que finalement les gens ne voulaient pas de ma superficialité, ils ne voulaient pas que je leur raconte n’importe quoi, ils cherchaient quelque chose de vrai.
Du coup, c’était beaucoup plus simple d’écrire dans le vrai. Maintenant, c’est même limite plus dur. Je n’arrive pas à écrire autre chose que des choses super personnelles. Ce qui fait que parfois quand t’as envie d’être un peu plus léger, ça devient plus difficile tu vois. Bizarrement c’est devenu l’inverse.

LFB : Il y a une balance à trouver en fait.

W: C’est ça. La balance elle se fait bien avec les featurings. C’est une thérapie d’écrire, ça fait du bien et surtout tu relances ce qui ne va pas. Finalement je suis assez positif dans la vie parce qu’il y a la musique où je peux vider ces choses là.. Et je ne vais pas dire quand on fait un featuring : « hey mec parlons de ma dépression ». C’est quand même un peu bizarre. Donc les featurings aident. Sauf que Minuit, j’aurais jamais eu l’idée d’écrire une chanson sur le casino, c’est une idée de Kirouac ce truc là. Et finalement c’est très bien, c’est ça qui fait l’équilibre aussi.

LFB : Ouais parce que tu vois Elle ne veut pas danser est quand plus sombre et sérieuse. Quand tu dis que c’est une question d’équilibre et de balance, je trouve que la chanson elle fermait parfaitement l’EP sur un truc vraiment à la fois logique et inattendu.

W: Ouais, c’est vrai. Celle là, elle est pas tellement personnelle mais c’est plus dans les convictions tu vois.

E : C’est quand même personnel.

: Oui mais c’est un truc tellement de notre génération et de notre époque que bon voilà. Et c’est marrant parce que celle là, elle met mal à l’aise en live, ça met un espèce de coup.

E : Ça dépend vraiment du public. Au Québec ça avait bien marché, on a vu certaines personnes qui étaient plus touchées ou qui ont eu une bonne réaction.
Cella là, on la joue pas tout le temps. Et c’est un truc qu’on a appris à faire cette année aussi, c’est à plus jauger notre public. Parce qu’on a joué devant de plus en plus de gens, ce qui fait que ta setlist tu l’adaptes en fonction de comment tu fais ta soirée, quel type de public il y a et si tu sens que ça ne va pas… ça nous est arrivé de modifier des trucs en live pour garder l’ambiance comme elle est.

LFB : Ce qui est intéressant c’est aussi d’avoir des chansons qui tranchent au final. Et justement ça annonce quoi pour le premier album ?

W : Alors le premier album, pour l’instant il est pas mixé mais il est écrit à 70%. Il y a encore des trucs que j’ai écrit en France. Pour l’instant, c’est pas mal deep… En ce moment, ma mission c’est de faire les chansons plus légères dans les 30% qui restent.
Il y a un un featuring, qui ne va pas dans le sens de ce que je disais tout à l’heure, où le texte va pas forcément être joyeux.
Mais ça s’annonce des thèmes pas mal sombres, la grossophobie par exemple.

E : C’est la façon dont on les traite qui fait ça, c’est pas hyper hyper noir non plus.

W : Surtout, et c’est un peu ma lutte en ce moment, c’est que je ne veux pas avoir des textes qui se plaignent. Par exemple, le texte sur la grossophobie, N’oublie jamais, il y a de fortes chances qu’elle soit sur l’album . Je suis très fier de ce texte parce que ça parle de mon passé de petit gros et de victime à l’école. Je me suis dit que je peux assumer ça et écrire vraiment une chanson là-dessus mais je voulais pas le faire en mode victime, je voulais exprimer le fait qu’il y a des gens qui m’ont sérieusement harcelé, et ça n’a pas forcément fait de moi la personne que j’aurais pu être parce que du coup j’ai pris des réflexes de connard sur certains trucs. Et justement je voulais parler de ça et me dire «tu vois c’est un double tranchant ». C’est que le connard a créé le connard qui créera le connard qui créera le connard.

LFB : J’ai une dernière question qui est un peu facile : Est-ce que vous avez des coups de coeur à partager récent ? Pas forcément musique hein.

W: Le Kaytranada est bien. Pour les canadiens, il y a les Men I Trust. LaF franchement, l’album de LaF en rap québecois…

E : C’est fou.

W :Lloyd qui a fait toute la production de l’album a fait un espèce d’album incroyable en terme de rap queb’. La production est super belle, c’est un album, genre ils sont allés dans l’ultra production en fait. C’est ultra, ultra, ultra produit et c’est rare parce que dans le rap queb’, c’est quand même un peu plus « on se prend moins la tête » tu vois. Donc Citadelle de LaF, les gars écrivent bien. Tout est bien. On va essayer de faire un feat avec eux en entier sur le prochain album. On va voir comment ça va se passer. On va aussi placer les gars de l’Amalgame pour finir parce que c’est nos Bro. (rires)