Les clips de la semaine #55 – Partie 1

La musique ça s’écoute, mais parfois ça se regarde aussi. Chaque semaine, La Face B vous sélectionne les clips qui ont à la fois fait vibrer ses yeux et trembler ses oreilles. Embarquez avec nous pour la première partie des clips de la semaine numéro 55.

Benny Sings – Rolled Up feat. Mac DeMarco

Benny Sings a eu l’audace de réchauffer notre cœur cette semaine et il a bien fait. C’est accompagné de celui qu’on ne présente plus (à savoir Mac DeMarco) que l’artiste hollandais nous a dévoilé son nouveau et décontracté single Rolled Up. Covid oblige, on y retrouve l’un dans sa demeure à Los Angeles et l’autre à Amsterdam, tous deux habités de ce flegme réputé et de cette aura qui éblouit jusqu’à mille lieues. Rolled Up c’est ce morceau qui fonctionne un peu comme cette invitation à lâcher prise et surtout à se dire qu’avoir le moral dans les chaussettes (même sept jours sur sept), ce n’est pas dramatique. Car finalement, le relativisme s’avère être le maître mot de cette année tumultueuse qu’est 2020, celui qui nous guidera aujourd’hui et demain, qu’on le veuille ou non. Alors Benny, Mac, merci pour la musique et à très vite, on l’espère.

Geeeko – Rodéo

Une attitude et une esthétique qui pourrait rappeler la nouvelle vague d’Atlanta. Et pourtant, c’est de la capitale belge que vient Geeeko. Depuis l’année dernière, il souffle un vent de fraicheur sur la scène francophone avec un rap et une esthétique tout droit inspiré par ce qui se fait aux États-Unis. La nuit est aussi un sujet important et récurrent dans l’univers du belge. Et cela se retrouve dans son dernier clip « Rodéo » où il dévoile ses frasques nocturnes accompagnés par des bécanes aux couleurs flashs, rappelant les couleurs présentent dans chacun de ses visuels. L’importance de son squad est elle aussi bien présente. Avec ce nouveau titre Geeeko ne surprends plus mais continue de délivrer une musique novatrice. Il continue aussi de peaufiner son esthétique, plongeant l’auditeur un peu plus dans son univers et c’est là où réside sa principale force. Des mélos aux lumières de son clip, le bruxellois ne laisse rien au hasard. 

Møme & Ricky Ducati – They Said

Flashback FM, c’est le nom du projet sur lequel travaillent les deux artistes et qui doit sortir début 2021. Le nom du projet fait directement à la radio « Flash FM » présente dans un volet de la série de jeux vidéos GTA. Møme à la production et Ricky Ducati derrière le micro, c’est une combinaison qui fonctionne parfaitement. Comme pour le titre Got It Made, sorti courant juillet, c’est un morceau très 80s qui nous a été dévoilé vendredi. Cette mélodie vintage nous captive et nous emporte. À travers ses paroles, They Said nous pousse à rester fidèle à nous-mêmes et à nos croyances. C’est à travers une session studio que le titre nous est présenté. L’un à Paris, l’autre à Los Angeles, les deux artistes surmontent les obstacles générés par cette période pour nous offrir un courant d’air frais.

MPLQue des Cœurs

MPL sort aujourd’hui le onzième clip issu de L’étoile, leur deuxième album. Petit dernier de cette fratrie audio-visuelle (qui accueillera bientôt trois nouveaux membres), Que des Cœurs rompt la grisaille actuelle en racontant sous le soleil de Marseille le genre d’histoires d’amour qu’on a dans la peau et qu’on trimballe malgré nous. Fanny Liatard et Jérémy Trouilh, qu’on retrouve également à la réalisation de Gagarine, sélectionné au prochain Festival de Cannes, posent à travers leur caméra un regard tendre sur cet homme qui court (parfois à sa perte) et ses relations scellées par l’encre à différents moments de sa vie. Le tatouage final sera le bon, et c’est avec le cœur rempli de douceur que nous quittons ce petit conte romantique. 
À noter : MPL sera en concert à la cigale le 23 novembre, en ces temps assez compliqués, voilà un événement à ne pas manquer.

Viagra Boys — Ain’t Nice

Cette semaine, Viagra Boys fait un retour fracassant à coup de vieilles baskets dans la tronche. Survet Adidas, marcel blanc bien crade laissant apparaitre un bide de bière à faire pâlir un supporter de foot, le chanteur du groupe Sebastian Murphy a soigné son allure. C’est dans une démarche titubante qu’il entame un trip destructeur dans une rue quelconque. Long plan séquence complètement barré, qui n’est pas sans rappelé un Bitter Sweet Symphony de The Verve, il agresse, vole, boit dans les bières des passants tout en psalmodiant « I’m ain’t nice ». Trip totalement délirant qui se finit en se prenant un coup de taser par un gamin. Réveil hallucinatoire dans un château, et prise en charge paniquée par des serviteurs tous droits sortis de Versalles qui se font un plaisir de lui faire la visite. Un « to be continued » dans la piscine où repose un cadavre de caddie promet une suite à ce délire complètement punk. De la bouche du chanteur, cette chanson a été écrite à un moment où il tournait à la drogue. Refrain imaginé comme ironique, il s’est rendu compte par la suite qu’il était vraiment le connard qu’il décrivait. Un recul sur lui même qui lui permet d’en rire aujourd’hui et d’accepter cette faille destructrice. 

Oneohtrix Point Never – Long Road Home

Après avoir sorti le mois dernier les trois morceaux qui composeront la trilogie d’ouverture de son nouvel album, Oneohtrix Point Never (Daniel Lopatin de son nom de ville) sort cette semaine la vidéo de Long Road Home inspirée du court métrage de Georges Schwizgebel, Le ravissement de Frank N. Stein (1982) qui apparaissait déjà en couverture de R Plus Seven (2017), le troisième opus du musicien. Charlie Fox et Emily Schubert y mettent en scène deux « créatures d’un autre monde » que l’on voit se séduire, danser et s‘aimer dans des jeux érotiques à l’humour noir avant de se transformer et ne devenir qu’un. Les deux co-réalisateurs décrivent une « fable romantique sur l’amour et la transformation » qui arrive en ce moment, où « l’intimité est à la fois désirée et redoutée ». Le morceau, comme la vidéo, est « d’ailleurs » avec les voix mutantes du musicien américain et de Caroline Polachek (Chairlift) qui y apparaît en featuring. Une chanson étrange à la fois froide et fascinante… à écouter en ces temps étranges.

Magic Oneohtrix Point Never sortira le 30 octobre sur Warp Records.

Ólafur Arnalds & Bonobo – Loom

Ólafur Arnalds dévoile petit à petit les morceaux qui figureront sur son prochain album. Cette semaine, il nous présente Loom, un morceau composé en studio avec Bonobo, après deux jours passés ensemble à marcher et camper dans les montagnes islandaises. Le morceau léger et envoûtant qui ouvrira l’opus, nous tient en apesanteur et marie à merveille les styles musicaux éthérés et aériens des deux artistes. La vidéo dirigée par Neels Castillon montre des danseuses évoluer dans l’eau d’un lac entouré de montagnes. Filmées en plans serrés, les trois femmes s’abandonnent en mouvements gracieux, saccadés parfois ou comme au ralentit dans une sorte de transe libératrice… Un morceau serein et aérien qui apparaîtra sur some kind of peace, un album « très personnel » selon le musicien islandais, qui verra le jour le 6 novembre sur Mercury KX.

Desmond Myers – Chinatown

L’arrivée du premier album de Desmond Myers se précise ! Après la sortie du remarqué Playing With Fire, c’est un nouveau clip qui est présenté: Chinatown. Toujours aussi sensuel et romantique, la vidéo se passe dans la même maison où l’on avait découvert le chanteur dans son premier clip. Dans une ambiance différente cependant, et accompagné des musiciens qui l’ont accompagné dans la production de cet album, Mathieu GramoliLouis-Marin Renaud et Pierre Elgrishi, trio tout en classe et en groove. Une team très Française donc, pour entourer l’artiste Américain et dont on se délecte de découvrir peu à peu l’univers romantique et érotique. Si les informations concernant l’album parviennent au compte, nul doute que Desmond Myers est passé maître dans l’art de savoir désirer. Impatience, quand tu nous tiens !

Choses Sauvages – L’or et l’argent

Si vous suivez régulièrement nos aventures, vous savez qu’on n’hésite jamais à s’offrir un petit voyage du côté du Québec. Cette semaine, notre trip nous est offert par le retour du quintette Choses Sauvages qui présente à nos yeux et nos oreilles leur nouveau titre : l’or et l’argent. Après un premier album orienté dance-punk paru en 2018, le groupe prend ici un tournant musical en s’offrant une ballade en paysage kraut-rock avec un titre qui se vit comme une lente montée bien énervée avec des petites touches psychédéliques qui font battre nos petits cœurs. Une force collective s’empare de ce titre et c’est une jolie petite claque qu’ils nous offrent.
Visuellement, l’ambition est tout aussi présente puisque le clip alterne entre réalité et animation, avec les images de Léa Dumoulin associées aux illustrations de Olivier Bonnard. Le tout nous offre une sensation étrange et onirique, comme si l’on pénétrait dans une illusion ou l’esprit d’une personne qui sombre peu à peu dans la folie, celle-ci étant ici la quête étrange du confort et du bonheur matériel. Vous l’aurez compris, Choses Sauvages revient en force et nous met l’eau à la bouche en attendant la suite de leurs aventures.

Franky Gogo – Fast and Too Much

Dès les premières secondes du clip, Franky Gogo nous dévoile son univers en toute transparence. Un look androgyne à la Bowie, dans une pièce noire sans vie enfumée, où les frontières sont déréglées. Son visage est percuté par des faisceaux rouges, se divise en pixels, brouillant son identité. C’est sur une montée electro, avec une boucle de basse entraînante, que s’ensuit une série de situations cauchemardesques à faire hérisser les poils des jambes. Main inconsciente dans un mixeur, chasseur distrait pointant son canon sur un touriste, un pied nu au-dessus de verre pilé, une éponge mouillée sur une prise, shooting photo sur les toits… La liste est longue et ne manquera pas de vous faire faire votre meilleure prestation de grimaces. Le clip nous impose tous les risques du quotidien, banals mais pourtant si dangereux. La dernière situation elle, pourrait malheureusement ne pas s’inscrire dans cette liste de menaces journalières… et pourtant. Deux hommes s’embrassant dans les bois, sont surpris par une bande de jeunes, hostile au premier abord, armés de barres de fer. On voit bien le triste lien avec les autres dangers fréquents de la vie. Heureusement le cauchemar ne dure que très peu de temps, pour se terminer en une joyeuse orgie sous les feuilles. Un clip qui pointe du doigt un problème encore trop d’actualité, sous une énergie dark electro explosive, appelant à la rupture des codes, et au droit à chacun.e d’être ce qu’il souhaite. Un monde sans frontière, à l’image de notre artiste. 

Molchat Doma – Discotheque

Si, comme beaucoup d’entre nous, la touffeur du dancefloor vous manque et le feu des projecteurs n’illumine plus votre peau, il y a de grandes chances pour que Molchat Doma, ce jeune trio biélorusse fascinant, soit la source d’énergie que vous attendiez. La danse semble alors libératrice, utilisée comme un moyen d’expression, parfois thérapeutique, face aux troubles du monde.
Dans Discotheque, seules les lumières dansent sur les statues du mémorial Museum-Studio à Minsk. Dehors, les rues sont désertes, la capitale semble ironiquement morte.
Tiré de leur troisième album Monument, Discotheque semble annoncer un opus saisissant.

Lauv & Conan Gray – Fake

Les chanteurs Lauv et Conan Gray avaient créé le buzz en s’affichant ensemble sur leurs plateformes TikTok, comme si cette rencontre annonçait une collaboration… Eh bien ça y est ! Les fans sont à peine surpris et les deux jeunes américains s’allient derrière ce même micro, pour dénoncer l’hypocrisie et l’artificialité de la société actuelle.

Le titre de ce son incroyablement pop ne pouvait pas être plus cohérent : Fake. La chanson débutant sur une instru de guitare acoustique se transforme rapidement en instru pop bien acidulée, un combo gagnant pour Lauv et Conan Gray, qui signent probablement le hit du prochain teenage movie américain.

Rostam – Unfold You

Rostam, l’ex-membre de Vampire Weekend (mais toujours coproducteur de certains titres), nous délivre ici un morceau très mélodieux dont il a le secret. Tout a commencé avec le titre  Summer Girl »qu’il a produit cette fois pour Haim. Il s’est emparé des coups de souffles d’un saxophoniste, en l’occurrence Henry Solomon pour en faire la structure de son dernier titre Unfold You. Pourtant le projet de ce morceau date de 2016 mais il s’est enfin concrétisé. Bien entendu, Rostam garde sa patte avec ses diverses mélodies : les quelques notes de pianos et les voix en chœurs qu’on retrouvait déjà sur certain titre de Vampire Weekend, le tout saupoudrait de basses au style RnB qui rappelle son projet Discovery en 2009. Ce mélange est savoureux et raffiné, comme ce clip où deux amis (dont Rostam) se baladent le long de dunes perdues dans la nature, à Provincetown exactement au coucher du soleil. La réalisation use sur la symétrie et le reflet sur soi-même, nous évoquant alors une quête à la spiritualité.

Crack Cloud – Favour Your Fortune

Le collectif canadien Crack Cloud vient de sortir un nouveau clip qui met en vedette le skateboarder pro Joe Buffalo dans Favour Your Fortune, morceau figurant dans leur premier Album Pain Olympic sorti cet été. Tout commence par une citation d’Eris Nyx, militant activiste de Vancouver du CPDDW (Coalition of Peers Dismantling the Drug War) sur la guerre contre la drogue qui est transposée comme une force fondamentale et oppressive qui crée un cycle vicieux : emprisonnement, lutte des classes, haine raciale et meurtre. C’est ainsi que dans la vidéo, Joe Buffalo fait face à des toxicomanes. Des flashs épileptiques et angoissants lui reviennent jusqu’à l’intervention musclée de la police dans un style graphique rappelant celui de Gorillaz. Tout le monde finit derrière les barreaux. Favour Your Fortune est aussi l’occasion pour le groupe de partager l’angoisse de leur passé porté sur la drogue qui les a détruits afin d’avancer en tant qu’artistes et murir ensuite. Et il l’est déjà dans le processus car il l’est des rares groupes percutants actuels à savoir combiner autant de genres musicaux allant de l’indie rock, au punk et même au hip-hop de l’âge d’or comme sur ce présent titre.

MNNQNS – Stagnant Pools ( Rock In The Barn TV )

Alors que le groupe originaire de Rouen a fêté récemment le premier anniversaire de leur album Body Négative, MNNQNS vient de dévoiler une belle live session enregistrée lors du festival Rock In The Barn. On peut y retrouver le leader Adrian à la guitare et Marc jouant d’un instrument peu connu : Taisho Koto. Un instrument d’origine japonaise créé au début du XXeme siècle par Gorō Morita. C’est une cithare à cordes pincées proche de l’akkordolia allemand. Quel régal de découvrir en quelques sortes une nouvelle version de Stagnant Pools, l’un des morceaux les plus atmosphérique et mélancolique de leur premier album.