Bad : SÜEÜR entre rage et désespoir

Les trajectoires de SÜEÜR et de La Face B sont intimement liées : alors que le groupe dévoilé son premier titre au monde, on sortait de notre terrier pour se lancer dans une aventure folle. On les suit depuis le départ et comme eux, on va vécu la lente déliquescence de notre univers, avec l’envie toujours farouche de vouloir quand même se battre. Alors qu’un deuxième confinement a fini par arriver, on se doutait bien que Théo et Florian n’allait pas resté muets très longtemps. C’est désormais chose faite puisqu’ils reviennent nous secouer avec un nouveau titre puissant : BAD.

Qui aurait pu envisager cette année 2020 digne du pire épisode de Black Mirror ? Qui aurait pu penser qu’en plus d’une pandémie mondiale, d’un confinement, puis un second, qui aurait eu raison de notre vie sociale et aura plongé la plupart d’entre nous dans un tourbillon émotionnel dont on ne ressortira sans doute pas indemne, on verrait la culture devenir un sujet digne d’un fond de chiotte, un point de détail qu’on laisse de côté affublé de ces deux mots glaçant : Non Essentiel.

Alors que la France se gargarise depuis toujours d’être un point de lumière, d’être le centre de la liberté, on voit l’ampoule éclater par des décisions politiques aberrantes et violentes qui nous ramène tout simplement à ceci : le noir total.

Que faire alors ? Comment réagir face à cette époque qui nous accule et nous oppresse ? Il serait compréhensible de baisser les bras, de laisser tomber, de regarder tout cela avec distance en ce disant que le monde reviendra un jour à la normale. Malheureusement ce ne sera jamais le cas, ce qui se passe aujourd’hui aura des conséquences sur le long terme. Pour la jeunesse, pour les artistes en développement, les techniciens, les salles de concert, les libraires, les labels indépendants … Alors, plutôt, SÜEÜR a décidé de mettre sa colère et sa rage en collusion avec sa peine et son désespoir. Ça donne BAD et c’est sans doute le cri du cœur dont on a tous besoin en ce moment.

BAD c’est cette confrontation entre le chaud et le froid, entre une production mélancolique et étrangement douce pour un groupe qui nous avait habitué avec son premier effort éponyme à une violence sonore bien sentie. Mais ici, la colère vient de Théo. C’est lui qui dicte le tempo de la chanson , c’est une nouvelle fois son âme et son cœur qu’il balance à travers ses mots. On le sent ainsi au bord du gouffre, tenté par la résignation avant de reculer, de reprendre les armes et nous prévenir d’une chose simple.

Son flow sent l’urgence et le souffre, comme si il lui manquait du temps pour dire tout ce qu’il avait à dire, alors que la folie et le bad mènent un combat contre lui. C’est à la fois intense et bluffant, c’est un texte d’une brutalité et d’une sincérité qui nous emportent, un constat d’échec toujours guidé par cette idée simple : On peut douter, se casser la gueule, l’essentiel c’est de repartir, apprendre et évoluer.

La vidéo qui accompagne le titre est à l’image de l’époque que l’on vit : surréaliste. On suit ainsi le groupe, sur la route, en coulisse, pour des moments qui font du mal autant qu’il font du bien, entre la nécessité absolue de défendre sa musique sur scène et l’uppercut émotionnel de réaliser que l’on jouera devant 20 personnes masquées et assises.

Alors comme SÜEÜR on ne se laissera pas contaminer par le BAD, on le chantera avec eux pour mieux l’exorciser, en attendant de pouvoir les retrouver. Ce n’est qu’une question de temps, on le sait et on compte les jours. Cette chanson est la pour le dire : ce n’est pas un adieu, juste un au revoir, en attendant laissons notre rage s’exprimer et ne nous résignons pas. Jamais.