Une conversation avec Le Klub Des Loosers

Alors que le chat et autres histoires était une incursion dans la pop, Fuzati, tête pensante et unique membre du Klub des Loosers, est revenu à ses premiers amour avec Vanité, pure album de hip-hop à l’écriture toujours aussi jouissive. On a eu le plaisir de s’offrir une long conversation avec lui. L’occasion de revenir sur ce nouvel album, de parler d’instagram, de Jonathan Lambert et du plaisir de se prendre pour Dieu en dirigeant une chorale.

LFB : Salut Fuzati. La dernière fois qu’on avait discuté ensemble, c’était au grand mix à Tourcoing, juste avant la sortie du chat et à l’époque tu me disais que tu étais plus dans un délire à faire de la pop. Je me demandais ce qui t’avait donné envie de revenir à un pur album de rap et de hip-hop.

Fuzati : C’est parce que j’ai grandi avec ça, c’est un peu ce qui m’a défini en tant qu’individu. J’ai commencé à écouter du hip hop à 8 ans je pense et c’est vrai qu’à un moment j’ai fait un détour vers la pop parce que j’ai écouté aussi énormément de pop et que, étant entouré de musiciens pop comme tu as pu le voir aussi sur scène, je baignais là dedans à ce moment là.

Le principe de cet album c’était de dire, je vais parler de l’ego et finalement c’est très lié au hip-hop et le hip-hop de l’époque, où tu es là pour dire que tu es le meilleur et ça allait super bien. Le fond n’est pas indissociable de la forme, quand je parle de sentiments un peu triste, c’est toujours bien d’aller vers des ambiances pops, même sur vive la vie il y a ce côté pop finalement même si ça reste du beatmaking. Mais tu vois un morceau comme Un peu Seul pour moi c’est de la pop et ça va bien avec ce que je raconte.
Par contre quand tu as envie de te la raconter un petit peu comme sur cet album, c’est bien de prendre des beats rap d’aujourd’hui, comme ça parle quand même de cette époque, d’où le fait que j’ai même mis de l’autotune.

LFB : J’ai l’impression que la pochette de Vanité, elle résume un peu tout ce qu’est l’album. Ce dont il va parler mais aussi par rapport au Klub des Loosers parce que tu as une photo de toi qui prend une photo de toi, le nom du groupe ou le looser disparaît presque alors que le Klub est marqué en très gros donc pour moi cette pochette là elle résume un peu tout ce qu’on va découvrir dans l’album.

Fuzati : Complètement, t’es le premier à m’en parler et ça me fait super plaisir qu’on parle de cette pochette que j’ai conçue.
C’est vrai que ça résume le Klub, parce que par exemple cette pochette représente le moins d’efforts possible, c’est juste un polaroid et même le tracklisting je l’ai imprimé sur une feuille A4 avant de la prendre en photo.
Le fond un peu bois c’est une table basse qui est chez moi, j’aurais pu faire un selfie mais ce qui me correspond mieux c’est un polaraoid  parce que ça revient à ma puncline “ à la fois oldschool et moderne comme un texto de ta grand mère”. C’est vrai que j’ai tendance à regarder assez souvent vers le passé.

Donc oui c’est tout à fait ça, en plus je suis en peignoir, je suis un peu le branleur chez lui, encore que le peignoir ça rappelle un peu un côté playboy à la Hugh Hefner, je suis le playboy du pauvre, je me la raconte mais on sait bien que c’est le klub des loosers et quand tu écoutes l’album, la première partie tu pourrais croire que c’est vrai, que ça y est Fuzati a vrillé et qu’il est sous coke et que c’est devenu un putain de winner et à partir du 7ème morceau qui est un piano-voix qui parle un peu d’amour mais en mode “vas y je m’en fous une de perdue, une de perdue” c’est là où ça se fissure un peu et qu’après on part sur une deuxième partie d’album qui est plus Klub des Loosers comme on le connait.
L’idée c’était que tu arrives et que tu écoutes Champion et que tu te dises putain qu’est ce qui s’est passé, pourquoi Fuzati est comme ça ?

LFB : Justement c’est un truc que les gens n’ont pas remarqué de ce que j’ai lu sur l’album, c’est que certes c’est un album d’egotrip qui parle de vanité mais il tire autant sur les gens qui sont dans cette culture de l’ego que les gens qui la refusent en fait, il y a ce double discours toujours aussi drôle et superbement écrit mais à aucun moment tu ne juges, tu constates seulement…

Fuzati : En fait je place des deux côtés, je crois qu’on me l’a un peu dit sur le mouv où les mecs me disaient “on ne sait pas si t’es sérieux ou pas”. C’est ça que j’aime bien justement parce que je trouve ça très chiant dans la vie quand quelqu’un essaye de t’imposer un point de vue et te dit le mondE c’est comme ça.
Moi ça me casse les couilles et ça m’intéressait de montrer le côté des winners parce qu’en France on a quand même tendnace à se mettre de ce côté un peu populaire.
Genre en France tout le monde te dira qu’il est Gilet Jaune par exemple (rires) et je voulais quand même montrer l’inverse et me mettre dans la peau d’un mec qui se dit qu’il n’en a rien à foutre de ça et de ces pauvres et d’incarner la “win” mais en développant ce qu’elle a de dégueulasse avec l’objectif de montrer que ça ne sert à rien de se complaire dans son échec parce que parfois les gens pensent que c’est ça le Klub des Loosers alors que ça n’a jamais été ça, personne n’est fier d’être un loser.
Quand j’ai écrit Klub des Loosers c’est plutôt que je ne me sentais pas winner, je ne me sentais pas loser mais je ne me sentais pas winner et dans klub des loosers il y a deux o et ça vient aussi se détacher (to loose signifie détacher en anglais ndlr) de cette image du loser.

Mais pour revenir à ta question il y a même un autre degré de lecture où moi je m’en prends plein la gueule aussi quand je dis « au revoir tu as fait ton temps” c’est à moi que je parle et ça les gens ne le savent pas forcément mais ouais, moi aussi je m’écorche dans ce disque.


LFB : Tu parlais du double o, j’ai l’impression que c’est un truc que les gens avaient jamais remarqué, le fait que tu prennes ce mot mais que tu y glisses une faute pour dire que ce n’est pas vraiment la réalité de ce que tu veux montrer dans ton projet

Fuzati : Oui en fait loose ça se dit mais looser ne se dit pas, c’est ce qui m’intéressait un peu avec la pochette et avec la corde, alors que ta corde doit être attachée, donc ouais il y a un truc et les gens l’ont pas forcément capté.

LFB : Pour moi Vanité se rapproche un peu du Chat même si là il y a un thème central. Je trouve que c’est un album qui est un peu schizophrénique, que chanson développe le point de vue d’une personne, d’une part de la personnalité de Fuzati parce que c’est la première fois ou tu prends des risques avec ton flow.

Fuzati : Ce n’est pas forcément prendre des risques mais avant c’était juste pour l’amour de l’écriture et des punchlines et le flow je m’en battais un peu plus les couilles. Dans Vive la vie, le flow vraiment je m’en fous et genre genre j’écris quand il y a une urgence d’écrire et je pose comme ça sans retouche. Vive la vie c’est limite une maquette, mais ça fait partie du charme de l’album aussi.
Mais donc là oui, je suis parti du beat, et comme c’est moi qui produit sur les instrus aussi et je voulais que ce soit un album de rap, là je ne pense pas qu’on puisse dire “Fuzati il rappe pas dans les temps » etc … là ça rappe vraiment

LFB : Je pense à d’or et d’argent…

Fuzati : C’est un morceau de voiture pour moi. Je n’en avais jamais fait, même si mon public est plus fond du bus que voiture (rires). Mais c’est clairement un morceau que tu pourrais mettre à fond au feu rouge.

LFB : c’est un pur délire hip hop old school.

Fuzati : après tout dépend de ce que tu appelles old school, pour moi c’est entre 1976 et 1992, après t’as ce qu’ils ont appelé le “golden age” ce qui est un peu pourri parce qu’aujourd’hui c’est tout aussi bien mais je vois ce que tu veux dire.

LFB : D’ailleurs sur cet album il n’y a pas de samples. Est ce que le fait d’avoir appris à maitriser des instruments, des machines t’a permis de te libérer et de proposer quelque chose de plus abouti et qui te ressemble plus ?

Fuzati : Ouais mais les samples me ressemblaient aussi, parce que dans ce que j’allais chercher il y avait une patte Klub des loosers avec des samples beaux et tristes. Simplement, à un moment j’ai eu l’impression d’avoir fait le tour des samples, quand j’ai commencé c’était compliqué d’aller trouver des disques, tu n’avais pas tout sur internet donc il y avait ce côté challenge. Maintenant tout est absolument disponible, tu peux shazamer des trucs, tu n’as plus ce côté mystère. Tu as beaucoup de beatmakers qui disent sampler encore mais ils samplent via youtube.

C’est surtout que j’aime vraiment beaucoup la musique et quand tu prends un sample, ça a l’air simple comme ça mais c’est parfois très compliqué de trouver la bonne texture de beat que tu peux rajouter, c’est du boulot mais tu n’as pas tant d’interaction que ça sur le son. Tu as ta piste de sample et tu rajoutes tes pistes. Alors que là je partais de zéro, le champ des possibles est infini.
C’est très Français de dire “Fuzati je préférais quand il samplait”, les gens n’aiment pas que tu évolues, mais moi je m’en bats les couilles, j’en ai fait plein, j’ai fait last days, j’ai fait les deux Klub des 7, en tant que beatmaker j’ai fait ce que j’avais à faire et de toute façon je fais de la musique pour moi donc quand j’estime avoir fait le tour d’un truc, je passe à autre chose.
Je fais aussi exprès de me limiter en termes d’instruments pour garder ce truc là et avoir un “son”. D’ailleurs je tiens à souligner que sur cet album je n’ai quasiment pas utilisé de plug in, j’ai utilisé presque uniquement des instruments analogiques. 

LFB : Je trouve qu’il y a une vraie chaleur qui se dégage de cet album, ça vient peut-être aussi des chœurs féminins.

Fuzati : Il y a des hommes aussi, ce sont 8 personnes, mais c’est bien que tu me dises ça. C’est cool parce que je voulais utiliser pas mal la TR 808 parce que c’est dans l’air du temps mais elle a un son très froid et je me suis demandé comment réchauffer ça, surtout qu’à côté de ça je raconte souvent des trucs un peu dur, d’où l’idée d’une chorale.
Et en plus,toujours avec cette notion d’égo, quand tu diriges une chorale tu as un peu l’impression d’être Dieu. Tu as 8 personnes qui chantent tes paroles, ça te donne un sentiment de puissance et j’ai aussi contrebalancé avec du piano, les lignes de basses je les ai jouées sur un piano électrique donc ça apporte de la chaleur aussi.

LFB : Comment tu as enregistré du coup ?

Fuzati
: J’ai tout maquetté chez moi puis après je suis allé dans un studio qui s’appelle Tropicalia à Paris et j’ai fait toutes les prises de voix là bas. Je n’avais pas de TR 808 j’ai don mis un plug-in et en studio, on a tout remplacé et on a mis un vrai son de TR 808.

LFB : Est ce que c’est jouissif de balancer tout un tas d’horreur sur un des instrus chaleureuses ? Le contraste est génial.

Fuzati : Carrément et ça a toujours été ça Klub des Loosers.
Tu vois le morceau le monde ou t’as une chorale un peu à la Disneyland alors que le morceau te raconte le contraire. “Chaque jour est une opportunité” va raconter ça à un libraire en ce moment si chaque jour est une opportunité.
C’est drôle parce que la meuf qui vend le plus de bouquins en ce moment elle est de ouf dans ça, ce truc très américain de motivation personnelle et c’est marrant que ça prenne en France parce qu’on n’a pas cette culture là, en France on n’aime pas quand quelqu’un réussit trop. On est en train de s’américaniser à fond.

LFB : Tu as débarqué sur instagram. Est ce que c’était en rapport avec le fait de faire cet album “vanité” ? Parce que je ne t’aurais jamais imaginé sur instagram

Fuzati : Il y a deux choses, déjà j’avais instagram pour mon label de Jazz parce que j’étais un peu obligé pour cibler des collectionneurs etc… C’est difficile aujourd’hui d’être un artiste et de ne pas être sur instagram, quand tu as mon modèle d’indépendant, que tu n’as pas une major derrière toi pour faire ta promo… Donc c’est un outil assez cool pour nous instagram.
Par contre je ne rentre pas du tout dans le game d’Instagram, je ne poste pas des trucs de ma vie, je poste de la musique, je poste des livres mais pas des trucs sublimés pour me montrer sous mon meilleur angle.
C’est malheureux parce que si je poste une photo avec quelqu’un d’un peu connu je vais avoir un maximum de likes alors que si je poste de la musique en story ça ne va pas vraiment prendre.

LFB : En fait ça rejoint le propos de l’album.

Fuzati : Le concours de bites !

LFB : Exactement, ce concours permanent. C’est vraiment toi qui gère le compte du coup ? Parce que ta page twitter n’a pas bougé depuis des années par exemple..

Fuzati : Oui oui, mais après twitter c’est un réseau qui ne m’intéresse pas. C’est la petite phrase en permanence, vouloir être celui qui a raison. Instagram c’est différent, c’est moins dans le parler, ça reste très américain aussi, mais les gens font moins les malins, soit ça les intéresse soit ça ne les intéresse pas.


LFB : Il y a un autre truc sur l’album, ce que moi j’appelle la « Motel Connection »…

Fuzati : C’est pire qu’une mafia (rires)

LFB : Je suis hyper fan de Biche. Comment elle s’est faite cette rencontre avec Alexis ? Je trouve que vos univers étaient fait pour se rencontrer et en même temps le morceau ressort un peu par rapport au reste de l’album

Fuzati : Ouais je suis d’accord. Alors Biche ça a été un hasard total, ils passaient à la Boule Noire avec La Récré, le groupe d’Emile de Forever Pavot et j’y suis allé pour eux à la base. Donc j’apprends qu’Alexis était serveur au Motel mais je ne le connaissais pas du tout et je me suis pris une claque énorme, je suis allé acheter le disque au merchandising et je voulais aller le féliciter après mais il y avait trop de meufs autour de lui (rires).
Donc j’ai parlé à un des boss du Motel pour le rencontrer après coup et au final il kiffait Klub des Loosers donc c’était trop bien et c’était une évidence de faire un morceau. La Nuit des Perséides c’est l’album que j’ai le plus écouté en 2019, je le mets et je l’écoute jusqu’à la fin et comme il est court en général je l’écoute une seconde fois.

LFB : C’est un album qui te sort du temps en plus

Fuzati : Non mais il est parfait cet album, il n’y a pas un moment ou je m’ennuie. Comme quand tu as un morceau des Beatles qui est parfait tu as toujours l’impression de l’écouter pour la première fois, et bien chaque morceau de La Nuit des Perséides ça me fait ça.
Et je suis d’accord que notre morceau ensemble ressort un peu parce qu’Alexis a ce côté bien plus organique, même si il y a cette TR 808, il a un côté un peu plus doux.

LFB : La collaboration en termes d’écriture et de production se fait comment ?

Fuzati : A la base je lui ai balancé une instru et je voulais juste qu’il chante et il n’y arrivait pas parce que la ligne de basse le gênait, il m’a demandé de la refaire, il m’a envoyé sa voix et la ligne de basse, j’ai changé les accords et le morceau était né, ça s’est fait à distance et hyper simplement. Comme le morceau avec Roméo d’ailleurs, il est resté 2 heures en studio, il l’a plié.

LFB : Je n’avait pas forcément prévu de parler du couplet retiré de Roméo Elvis sur Joie de Vivre.

Fuzati : Il n’y a pas de problèmes à en parler, je ne suis pas dans la cancel culture..

LFB : Ça a surpris les gens que tu ouvres un album du Klub à d’autres personnes, est ce que c’est un truc que tu seras amené à refaire ou c’était un one shot ?

Fuzati : Non pourquoi pas. Moi j’aime juste que ça se passe simplement, j’avais une plus longue liste d’invités à la base, mais après tu as ceux qui n’aiment pas, tu en as des compliqués et un peu diva, donc si ça me saoule je laisse tomber. Tu vois Roméo Elvis j’aimais l’idée de le mettre en début d’album comme c’est un rappeur hyper mainstream ça faisait sens avec le propos de l’album et le fait de se la raconter et puis c’est un mec qui kiffe ce que je fais et inversement.
Ce n’était pas une décision facile à prendre, de sortir le morceau, comme je suis beaucoup moins connu que lui, j’aurais eu l’impression de profiter de ces streams et il y avait un truc pas honnête de dénoncer ses actes mais en même temps de profiter de sa renommée. Ce qui ne veut pas dire que je n’aime pas le morceau.

LFB : Ce qui m’a fait rire quand tu as annoncé ça, c’est le reproche des gens.

Fuzati : Quoi que tu fasses dans des cas comme celui là, il y aura toujours des reproches. Comme je te disais on s’est beaucoup américanisé,“s’indigner c’est pas agir”, maintenant il y a beaucoup de gens qui adorent s’indigner mais qui ne font rien. 

Crédit : Bastien Vives

LFB : Mais au final, le premier vrai featuring du Klub c’était pas Jonathan Lambert ?

Fuzati : Si si, et on continue de se voir en plus. Je suis assez admiratif de sa carrière parce qu’il n’est pas dans la passivité, je déteste tous les stand upers qui essayent de faire un truc très américain, je déteste l’humour banlieue parce que Jamel l’a fait et que derrière personne ne l’a fait mieux et d’une manière nouvelle. Je n’aime pas tous les trucs communautaires, et j’aime bien les trucs très étranges de Jonathan Lambert, il y a combien de mecs qui vont te faire un spectacle sur des dictateurs ?

LFB : Vous vous ressemblez sur ce point, vous êtes des mecs qui créez des personnages.

Fuzati : C’est aussi un mec qui fait des trucs différents, il a frôlé le mainstream parce qu’il a été chez Ruquier pendant un moment, mais c’est lui qui a décidé d’arrêter parce que ça tournait en rond. Ce que j’aime bien chez lui c’est son côté bourgeois, propre poli mais aussi un côté complètement déglingué derrière et tu ne sais pas sur quel pied danser.

LFB : Tu ne trouves pas qu’il y a un côté intemporel avec Fuzati ? Comme tu portes un masque, on ne te voit pas vieillir. Comme une présence qui vient tous les 3, 4 ans balancer son point de vue sur la société et on a l’impression que ce mec a toujours 20 ans. Il y a ce truc de mettre le Klub des Loosers en même temps dans l’époque et en même temps hors du temps.

Fuzati: Complètement, c’est pour ça que le masque est blanc et qu’il n’y a jamais eu de réferences au masque dans les textes. On ne se dit pas c’est un mec masqué, on se dit plutôt c’est quelqu’un qui n’a pas de visage. Et ça me permet une liberté artistique folle, si je veux incarner un personnage avant Vive la Vie, un truc un peu adolescent, je peux le faire.
Surtout dans un milieu comme le rap. Autant dans le rock indé tu peux vieillir, mais dans le rap personne ne veut voir un vieux rappeur. En tout cas pas moi, je vais faire encore quelques disques mais je préfère partir avant et un peu frustrer les gens que de faire des albums de trop.

LFB : J’ai l’impression que Vanité c’est ton premier album qui peut vieillir. Sur Vive la Vie ça parle de l’adolescence, la fin de l’espèce ça parle du refus de paternité, le chat c’est un recueil de nouvelles. Alors que Vanité, au niveau des thèmes, c’est le premier album qui s’intègre vraiment dans son époque.

Fuzati : Je ne sais pas, parce que Vive la Vie par exemple, il parle d’adolescence et je remarque à certains concerts qu’il y a des mecs de 15 ans qui ne m’écoutaient pas quand c’est sorti.

LFB : Justement Vanité c’est un album qui peut vieillir par rapport aux autres justement.

Fuzati : Ah oui carrément, après je ne fais pas de références à l’époque sur l’album, je ne parle pas d’instagram etc, après au niveau des sonorités peut être, un morceau comme finisher ça fait très 90 avec ce kick.
Comme la musique c’est un éternel recommencement, de la TR 808 tu en avais sur du Marvin Gaye aussi. Après il ne fait pas partie de la trilogie donc c’est normal.

LFB : Justement, est ce que tu repousses la fin de cette trilogie parce que ce sera aussi la fin du Klub des Loosers ?

Fuzati : Complètement, et puis parce que c’est là que le personnage sera le plus vieux, ce sera le dernier album, je ferais de la musique après ça mais pas sous cette forme.
Je fais de la musique pour moi, je n’ai jamais pensé à une carrière. Même si là ça va faire 20 ans, je n’ai jamais pensé stratégie, développement etc… et j’ai quand même laissé passer 7 ans entre le premier et le deuxième album. C’est juste que quand j’ai des trucs à raconter, je les raconte.

LFB : Tu réalises quand même le côté culte du Klub des Loosers ? Ce côté où c’est le groupe de rap que les rappeurs écoutent sans vraiment le dire.

Fuzati : Carrément et je me rends compte de ça, il y a plein de mecs qui écoutent mais qui ont un blocage et je ne sais pas trop pourquoi.
Le côté culte je ne m’en rends pas compte parce que j’ai le masque et qu’au quotidien je ne suis pas entouré de gens de la musique donc je n’y pense pas du tout.
Après c’est cool, je remplirais jamais un Bercy ni un Bataclan mais en même temps j’ai des gens qui me suivent depuis 20 ans.

LFB : Une question que j’ai aussi posé à Disiz La Peste, parce que votre carrière a des similitudes, est ce que tu trouves pas que le Klub des Loosers c’était un projet trop avant gardiste, et que si tu avais commencé aujourd’hui ça aurait explosé ?

Fuzati : Peut être, c’est un truc que m’avait dit Mouloud Achour à l’époque. Il était manager de La Caution donc je le connais depuis genre 17 ans, il m’avait dit “les gens ne sont pas prêts”. Après il n’y a pas de gloire à être avant-gardiste, dans l’album je dis “ne te vante pas d’être en avance, ça veut juste dire que tu vas attendre”.
Mais après quand une carrière explose c’est pas que ça, faut aussi accepter de faire plein de compromis. Moi je suis trop une tête de con et je n’aurais pas pu jouer ce jeu là, je savais dès ce départ que je resterai à un stade pas confidentiel mais plus limité.


LFB : Tu as gardé ta radicalité…

Fuzati : Exactement, beaucoup de gens me disent que je suis punk et c’est un peu vrai, même dans la manière de faire. La fin de l’espèce a été fait sans carte son, c’est hyper punk, j’en suis pas fier, je suis juste comme ça. Et je ne pourrais pas suivre les conseils d’un chef de projet dans une major qui me dit d’aller feater avec tel artiste. C’est que de la stratégie.
Moi je m’en bats la race, je force le trait sur le Klub des Loosers mais au jour le jour je suis vraiment quelqu’un qui reste dans son coin.

LFB : Est ce que tu as un coup de cœur à nous partager ? Que ce soit un livre, de la musique, peu importe …

Fuzati : Un journaliste qui m’a offert le bouquin de Tom Wolfe, le bûcher des vanités, qui est un pavé de plus de 1000 pages mais qui se lit hyper vite tellement c’est incroyable.
Et sinon Parasite au cinéma, quand on me l’a vendu “satire sociale” “film coréen” j’avais peur de le voir mais en fait c’est vraiment dingue.

Sinon je reviens souvent à des bouquins, j’ai relu Moins que Zéro de Bret Easton Ellis,. J’ai des classiques commes ça, mais sinon je suis dans mon coin et je ne suis pas trop à suivre les trucs du moment, je me dis que si un truc est bon, il sera intemporel donc si je le découvre dans cinq ans ce sera cool aussi.
Ha si je suissur le label Blue Note en Jazz et je suis à fond, tu m’aurais fait écouter ça il y a deux ans je ne sais pas si j’aurais eu les mêmes sensations. Pendant le confinement j’étais à fond dans le free jazz alors que la planète était dans le chaos total. C’est des périodes.

LFB : Pour finir, est ce que tu rêves toujours d’épidémie et de vaccin en petit nombre ?

Fuzati : (Rires) Tu sais quoi je n’ai pas trop voulu le mettre en avant pendant le premier confinement parce que c’est quand même chaud comme situation mais j’était un peu visionnaire (rires). Je pense que vu ce qu’on inflige à la planète, il faut qu’elle se nettoie, je ne souhaite la mort de personne mais le coronavirus c’est juste le début et c’était juste évident, suffit de s’informer un peu pour comprendre.
Je suis d’ailleurs étonné qu’on ait pas encore plus d’épidémies mais bon, va falloir vivre avec.